MARDI 11 SEPTEMBRE 21h : PODIUM DES GOURDES!
J'ai été à la hauteur de mes attentes. Calamiteuse. Je suis allée me changer aux toilettes des vestiaires, et les deux pestes sont venues frapper à ma porte.
- Dis donc toi, tu te crois où là, et si on a une grosse envie on fait comment?
- Change-toi devant tout le monde...
- Comme tout le monde!
- Laisse là, elle a trop honte
- Faut assumer quand on est comme ça
- Faut faire attention et pas se laisser aller
- Ça demande un minimum de volonté d'effort...
- Et ça c'est pas son fort...
- Elles ont arrêté en gloussant de concert.
J'avais déjà honte. J'ai attendu que tout le monde sorte du vestiaire pour m'extraire des toilettes. Et quand j'ai osé mettre un pied dehors, un mec m'a fait une remarque en me demandant si tous mes T-shirts étaient gris. Et un autre a sorti que je ne m'étais pas changé. Et il avait raison...
On a fait de l'endurance d'abord, j'ai pas tenu plus d'un tour. Je me suis fait doubler par tout le monde. Puis on s'est mis au volley que je redoute particulièrement. Comme d'habitude j'ai fui le ballon jusqu'à ce que mon équipe m'insulte. Justement une des deux pestes en faisait partie et ne s'est pas gênée, sans s'adresser à moi directement : « elle est pas vive la nouvelle », « on pourrait la confondre avec le ballon ».
Au bout de trente minutes d'extrême concentration à fuir la baballe, je commençais à m'ennuyer et j'ai regardé autre part, en me grattant le visage. Et pile à ce moment là, le ballon est tombé sur ma tronche de cake. Mon bras a été emporté et mon ongle a griffé toute ma joue droite, de l'œil jusqu'au menton. Évidemment les moqueries sont reparties de plus belle : « elle a trouvé le moyen de se blesser avec le ballon sans le toucher », « Madame y'en a une qui s'est écorché le visage ». La prof m'a proposé de me mettre du Mercurochrome et l'assemblée a ri. J'ai abandonné le terrain avant la fin. Je n'ai pas pris de douche et je suis allée pleurer dans les toilettes des filles.
Mais comment je vais surmonter tout ça? C'est pire que l'ancien lycée. Je voudrais devenir invisible ou rentrer dans une bulle. J'ai failli écrire disparaître, mais c'est faux. Je voudrais profiter de cette planète et tout ce qu'elle peut m'apporter mais sans les gens. Je n'ai aucun plaisir à « côtoyer mes semblables ». C'est vraiment une expression à la con. Je n'ai pas de semblable. Je suis seule dans mon corps, face à mon corps. Et seule dans mon cerveau.
J'ai demandé à la Vieille de m'acheter des affaires de sport correctes. Elle s'est étonnée que je sois si peu équipée. Elle m'a proposé de m'en acheter demain sur Internet...sur La Redoute...ou les 3 Suisses. Je me suis bloquée direct : hors de question qu'elle les achète pour moi, et encore moins sur des sites de grand-mère. Trop la honte, elle veut ma mort par ridiculisation, ou bien ridiculisme, ou bien par hontisation... bref si j'avais un ordi j'aurais pu trouver le mot français. Hey, mais je suis bête, si elle achète sur Internet, c'est qu'elle cache un ordi quelque part... Elle ne m'a pas proposé de l'utiliser jusqu'à maintenant.
Cette nervosité m'a épuisée, je suis une loque, j'aimerais me réveiller sur une autre planète. Ou alors un autre pays. Et si possible faire quelque chose d'intéressant demain, ou d'utile? S'il vous plaît là-haut, télé-transportez moi cette nuit.