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16 ans, grosse & moche!
26 octobre 2012

VENDREDI 26 OCTOBRE 20h15 : CABINE D'ESSAYAGE

Ouh j'étais gênée. C'était atroce. J'ai stressé tout l'après-midi. Il m'a demandé où était « mon » bar, un peu méprisant le ton, non?

Personne n'écoutait rien en cours, c'était la foire. Comme d'habitude avant les vacances. Et cette année, la Toussaint c'est 15 jours! Retour le 12 Novembre. On a le temps de déconnecter... et de se morfondre. Bref, retour à nos moutons.

Je me suis mise à une table au bar, en l'attendant. J'ai commandé un coca, évidemment. Je rassemblais toutes les excuses possibles dans ma tête. Et je recherchais au plus profond de moi tous les rudiments de politesse qu'on avait cherché à m'inculquer. J'étais prête. J'ai soupiré plusieurs fois les yeux fermés.

Malheureusement, après un long soupir de souffrance, j'ai remarqué qu'il était là et qu'il m'avait vu soupirer. Ca n'a pas eu l'air de lui plaire. Il a ramené le blouson dans un plastique de protection transparent, il le portait comme une relique sacrée. J'ai bien vu que c'était du XS.
- David, tu veux quoi à boire?
- Comme toi, merci.
- Alors je te commande un coca non light, sans glaçon, et avec un citron?
- Peu importe, le voilà.

J'ai fait des gros yeux. J'ai commandé le coca. Je savais pas ce que je devais en faire du blouson :
- Ben Sarah, essaie-le.
- Ben le plastique?
Il a arraché la protection.
- La couleur est sympathique, il sent bon le cuir
- Il est marron, pas noir comme celui que tu portais. Et il sent le cuir qui a besoin de respirer. Offre-lui la liberté qu'il mérite.
- Il était à qui?
- A toi s'il te va.
Courage. La grosse et moche confond un bar avec une cabine d'essayage. Il m'a fallu longtemps pour l'enfiler, je ne savais plus comment mettre un blouson, la honte. J'ai tout de suite étouffé dedans : il est léger mais riquiqui. Celui de la Vieille faisait viril, plus lourd, plus large. Celui-là fait clairement plus féminin. Bon c'est pas parfait, mais c'est pas la catastrophe attendue. Ce qui n'arrange pas mes affaires : toutes mes excuses tombent à l'eau. J'essayais en vain de me voir dans le reflet de la vitrine avant que David tranche :
- Bon il te va bien, je le savais. Tu le gardes d'accord? expédia-t-il.
- Ben comme je t'ai dit...
- Tu l'essaies pendant quelques jours, et on verra, Sarah. Ok?

Je ne savais plus quoi dire, lui non plus. Il a bu son coca d'une traite, en me fixant. Il ne m'avait jamais autant matée, ça c'est sûr. Et moi je me forçais à porter ce truc bizarre, sûrement boudinant. Et puis j'ai vu qu'il était troublé :
- Je vais y aller, mon père m'attend pour dîner. Chez moi c'est strict.
- Je sais pas comment te remercier
- Ben on en rediscute!

Il s'est levé, m'a fait un clin d'œil forcé, puis s'est enfui comme un bagnard! Je l'ai suivi des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse au coin de la rue. Avant de se volatiliser, il s'est arrêté un instant pour se frotter les yeux. Bizarre. Je paierais cher pour savoir tout ce qui s'est passé dans sa tête. Et je me retrouve comme une conne avec un cintre et un plastique de protection vide.

Après ce petit manège, j'ai vu que la mamie qui avait embrassé Alyssa l'autre jour était là à quelques tables et qu'elle me regardait avec le sourire. Elle ne décollait pas les yeux de moi. J'étais gênée, mais elle avait l'air tellement bienveillante. Pas de doute, elle a dû assister à ma scène de maladresse et ça a dû lui rappeler son enfance. Si c'est bien la grand-mère d'Alyssa, elle a l'air bien plus agréable. La pimbêcherie n'est pas héréditaire.

Elle a conclu par un visage d'admiration sur mon blouson. Enfin je l'ai pris comme ça. Faut que je vérifie ça devant une glace. Du coup je l'ai pas enlevé pour rentrer.

La Vieille ne m'a pas vue avec. Heureusement, je ne me sentais pas de l'affronter. Je me suis plantée devant tous les miroirs de la maison, sous tous les angles, toutes les coutures. Pour douter, confirmer, m'interroger, trancher, m'imaginer, me rejeter, m'accepter, me plaire, me cacher, me séduire, sourire, pavaner, m'afficher, faire la belle, m'imposer, assurer.

Mince une heure plus tard j'y étais encore et la Vieille devenait incontournable dans l'appartement. Elle a mis sa main devant sa bouche en me voyant. Et ça lui a cloué le bec! Une révélation? Une évolution? Une révolution? Une aberration? Un film d'horreur? Une transformation? Un relooking extrême? Tous ces sentiments ont dû traverser sa pensée.

N'importe quoi! Moi je suis survoltée : je suis changée. Je ne me reconnais pas tout à fait. Ni embellie, ni enlaidie. Ça me grossit, c'est un fait, mais c'est pas hideux. C'est tout ce dont je peux conclure pour le moment. Il y a de l'électricité dans ce blouson.

« C'est prêt !!!!!!!!!!!!!!! ». Allez je garde mon blouson pour le dîner.

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Commentaires
S
C'est très bien écrit et je repasserai ;)
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