Je n'ai pas résisté aujourd'hui, j'ai fait ma banlieusarde. Je n'ai pas osé pervertir David. Il ne m'a pas donné de news ce week-end. Je pense que je comprends, il a des regrets. Ça me rassure, c'est un mec bien. Tant mieux comme ça. Mais il n'est vraiment pas fun sauf quand il ose se lâcher! Ça ne dure jamais bien longtemps...
Me voilà partie à St-Ouen juste après le déjeuner. J'ai prétendu à la Vieille que j'allais au cinéma.
De jour, le coin m'a paru plus accueillant que de nuit vendredi soir.
Je me suis mise dans la rue derrière un buisson et devant la fenêtre de la chambre d'Ashley. Au début il n'y avait personne dans les deux pièces visibles de la rue. J'avais l'air d'une idiote, agrippée à mon buisson. J'écoutais de la musique dans mon téléphone. J'étais transie de froid, pas bien équipée, il faut dire...
Au bout de 45 mn, il n'y avait aucune activité. Je me suis dit que j'avais un grain d'être là. Et je me suis mise sur le départ. En arrivant à la station en haut des marches, je tombe sur Ashley et sa mère en bas. Mon sang ne fait qu'un tour et me pousse au vice, me voilà cachée derrière le plan du métro. Puis je les poursuis en douceur, pas de risque, je sais où elles vont!
Et voilà que je reprends ma planque : le buisson et la grille qui séparent les fenêtres de l'appartement « luxueux » de ma pire ennemie. C'est l'avantage d'être grosse, on peut facilement se rouler en boule comme un hérisson ou se cacher dans une coquille d'escargot.
Cet espionnage est un moment exaltant, mais un peu navrant. J'espère quoi? Qu'elle va balancer mon bracelet par la fenêtre à mes pieds?
Aïe! Elle ouvre la fenêtre, elle pourrait me voir. Je remercie le buisson et le jardinier de sa copropriété qui ne l'a pas entretenu : il est bien touffu. Elle fume une cigarette, elle a le bracelet à son poignet! Ça ne m'étonne pas, comme elle n'ose plus le porter en semaine à cause de moi, elle se venge le week-end. Elle l'enlève et referme mal la fenêtre, peut-être volontairement pour laisser partir la fumée qu'elle cache à sa mère? Ashley quitte sa chambre pour aller voir la télé. C'est une aubaine!!!! Je décide de me faufiler entre les buissons, je tente d'escalader discrètement le rebord de la fenêtre. Mais malheureusement je reste bloquée, les bras dans la fenêtre et les fesses dehors, les pieds à 50 centimètres au-dessus du sol. Et je suis tellement pataude que je n'arrive ni à remonter ni à redescendre.
Je vais finir par me faire prendre... je commence à paniquer...j'ai l'impression d'être bloquée depuis dix minutes, je suis fichue!
Horreur absolue!!! quelqu'un vient me tirer les jambes et je tombe en arrière. En temps normal j'aurais crié. Mais dans cette situation je me suis mordue la lèvre. Et je suis tombée sur mon agresseur, qui a discrètement fait « ouille ». A la voix je l'ai reconnu, mon sauveur, et pas mon agresseur!
En chuchotant :
- David, qu'est ce tu fais là? dis-je interloquée.
- Et toi ? répond-il avec un sourire narquois et une pointe de reproche.
- Je n'en pouvais plus, il fallait que j'agisse.
- Moi non plus je n'en pouvais plus, j'étais sûr que t'allais revenir...
- Elle a enlevé son bracelet!!
David jette un œil par la fenêtre entrouverte. Il sourit. Il se dirige vers le buisson discrètement, coupe une branche. Je me demande ce qu'il fabrique mais je n'ose rien lui demander. Il passe la branche dans l'appart', semble crocheter quelque chose, puis en un rien de temps retire la branche et jette quelque chose par terre. Il me fait un gros « chut » et me force à m'accroupir. Au dessus de nous la fenêtre est fermée par sa propriétaire.
- T'as failli te faire prendre? lui dis-je.
- C'est plutôt toi, si j'étais pas arrivé, Ashley t'aurait retrouvée la tête dans sa fenêtre. C'est le Commissaire de Police qui t'attendait cette fois-ci...
- Merci, tu m'as sauvée. Même si tout ça sert à rien.
Il me montre ce qu'il a jeté à terre : MON BRACELET!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Je l'ai rangé précieusement au fond de ma besace.
Je lui saute dans les bras, il tombe en arrière et toute gênée je me relève. Il va croire que je le kiffe. Non. Mais je l'admire : son intelligence, son recul, sa taille de 20 cm de plus que moi pour voir comme un lynx dans l'appart', et son adresse à attraper n'importe quoi avec une branche.
- T'es étonnant!
- N'en fais pas trop, ça me gêne.
On s'est enfui en courant. Comme deux adolescents...que nous sommes.