J'aimerais tellement parler de tout ça à quelqu'un. J'ai fini en avance et je suis allée épier la classe de David. Lui est sorti en retard. Je me suis cachée derrière un troupeau de greluches. Ben oui je voulais l'espionner...
Je l'ai suivi. De loin. Il était sans cesse accompagné, joyeux. Ça m'énerve.
Il n'a pas mangé à la cantine, j'ai continué à observer ses faits et gestes et mouvements. Il est allé entre potes au Subway du coin qui est le QG des jeunes branchouilles du lycée. File d'attente de 30 mètres, 20 minutes d'attente. Il faut vraiment le vouloir...
Il s'est assis en terrasse abritée. J'ai fait semblant de faire la queue pour écouter leur conversation. Ils se débriefaient sur le cours de maths... non le prof de maths...non la prof de maths... non le décolleté de la prof de maths... et ses « têtons qui pointent ».
Je sais qu'à cet âge les mecs ont besoin d'extérioriser leur hormones de manière un peu vulgaire. Mais pas mon David... Je suis déçue une fois de plus. Berk.
Une fois arrivée à la caisse je me suis acheté un sandwich à emporter. Et je suis tombée nez à nez avec le groupe des Néo-pestes, Alyssa et Sonia :
- ALYSSA : Mais qu'est-ce qu'elle vient faire là celle-là ?
- SONIA : C'est pas un endroit pour toi la grosse ! Et ton régime ?
- ALYSSA : Ici c'est fréquenté par des gens bien...
Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai pressé le sandwich sur Sonia comme un citron : un liquide blanc et rouge en est sorti. Surtout de la sauce moutarde-miel et du jus de tomate... sur le pull rose de Sonia. Elle s'est jetée sur moi pour me mettre une claque mais Alyssa l'a retenue : « Tu vas pas te mettre à son niveau... c'est une conne, elle est moche comme un pou. Laisse-la crever »
Alors que je mettais les voiles afin d'éviter la suite des représailles, Sonia a hurlé dans la rue : « Crevure tu vas me le payer ! »
David était toujours en train de se goinfrer avec ses « vrais » amis et ne m'avait pas vue, ni dans la file, ni au comptoir. Mais ça l'a perturbé, il s'est retourné vers les Pestes, puis a jeté un œil dans ma direction pour voir à qui s'adressait Sonia.
Je n'ai rien trouvé de mieux que de me cacher immédiatement derrière un arbre.
Et je suis partie ensuite discrètement en vérifiant bien que ni David ni les Néo-Pestes ne mataient dans ma direction.
J'ai avalé mon sandwich vidé de tout liquide avant de retourner dans l'enceinte du lycée.
Mais ce sandwich avalé sous le coup de l'émotion m'est resté sur l'estomac. Je suis allée m'enfermer aux toilettes, au cas où. Re-berk.
Évidemment comme ça devient une habitude, j'ai surpris LA conversation qu'il ne fallait pas :
- SONIA : Elle va voir de quoi je suis capable, la morue !
- ALYSSA : Laisse tomber, elle a rien dans le cerveau. Descends en pression. Tu vaux tellement plus qu'elle...
- SONIA : J'ai pas dit ni pensé le contraire !
- ALYSSA : Oh tiens j'ai un bouton... Bon on le fait quand le big show ?
- SONIA : Quand c'est moi faut rien faire, quand c'est toi c'est urgent !
- ALYSSA : Attends tu vas pas comparer ce que je vis avec ce que tu vis...
- SONIA : Ben pourquoi pas ? C'est humiliant... Tiens elle part pas la tache ! Regarde, hein !
- ALYSSA : Attends tu vas pas comparer cette micro-agression de baleine à la trahison qu'on m'a faite...
- SONIA : Ouais, peut-être ché pas...
Elles sont ridicules, elles se battent pour savoir laquelle a le plus souffert et laquelle est prioritaire pour se venger. Si la trahison dont elles parlent concernent l'ex d'Alyssa... et bien je suis à l'origine de tous leurs problèmes, pour l'une et pour l'autre.
Elles m'énervent tellement que j'en tire une certaine satisfaction.
Quand je suis sortie, j'ai réalisé que j'avais plus le temps d'aller m'asseoir à la Kfêt. Je suis simplement passée devant et j'ai vu David assis à ma place habituelle, seul.
Tiens, le signe que je cherchais tant ?