Au menu de ce jour en arts plastoc, « aquarelle pour les nuls » que nous sommes, le prof nous le répète suffisamment souvent, sans omettre de lancer 2 ou 3 piques sur l'incompétence pédagogique de l'ancienne prof.
L'histoire se déroule comme d'habitude : je fais tout, ma partenaire de jeu ne fait rien.
Comme je suis dans une journée réactive et pugnace où je refuse qu'on me marche sur les pieds, je pose une question pas très innocente au prof lors de son passage dans notre rangée :
- Monsieur, j'ai une question...
- Oui, vu ce que je vois sur votre toile, vous devez en avoir plusieurs...
- Pourquoi on travaille en duo cette année ?
- Vous êtes tellement mauvais que j'espère que l'addition de vos incompétences donnera quelque chose. On m'a appris que MOINS + MOINS = PLUS...
Décidément c'est un prof de maths frustré. La semaine dernière, il nous avait déjà fait une addition fumeuse du style « 1+1=0 » (cf post du mardi 24 septembre). Je me décide à faire mon insolente :
- D'accord... mais les plus grands artistes sont des solitaires non ?
- Avant que vous deveniez une grande artiste, de l'eau aura coulé sous les ponts.
Bon ok il m'a mouchée. Mais le pire ça a été les ricanements de l'inutile Gothique qui fait partie de mon mono-binôme.
« Je vous prie de respecter la beauté de mon jardin !!! », se met à hurler le prof. Hé oui, l'aquarelle que nous devons réaliser a pour sujet une photo de son propre jardin.
« Admirez les formes parfaites de ce jardin paysager, une perspective optimale, un taillage professionnel. Je veux retrouver cette même rigueur dans vos croûtes aqueuses »
Quel mégalo ! En plus d'être prof de maths, il aurait sûrement voulu être jardinier. En fait ce qu'il ne voulait absolument pas faire, c'est devenir prof d'arts plastiques.
J'ai fini par me concentrer sur la toile, sur ma technique, et pendant une longue heure je me suis déconnectée du brouhaha ambiant. J'ai quand même remarqué, à un moment, une poêlée de rire en harmonie dans mon dos, mais rien ne pouvait me détourner de mon objectif, même pas les sms moqueurs échangés entre la Gothique feignasse et tous ses amis virtuels.
A la fin du cours, j'entends la Gothique dire à d'autres élèves : « J'ai réalisé ma plus belle œuvre sur le support le plus moche qui soit ». Ce qui déclenche une hilarité générale. Je me demande de quoi cette pouffe parle...
A la sortie de classe, j'entends un brouhaha inhabituel dans mon dos, puis des bruits artificiels d'appareil photo, ceux qu'on entend sur les smartphones quand on prend une photo.
Et là, je réalise que je suis mitraillée numériquement par une bande de filles et de mecs, ultra-lookés... au centre je vois Alyssa et Sonia qui rient à s'en faire péter l'estomac. Je ne comprends pas, je reste paralysée quelques secondes, je vois que le centre de toutes les attentions se fixe... sur mon dos !!!
Je finis par m'enfuir rapidement aux toilettes, je me regarde dans le miroir de face : rien d'inhabituel, la grosse et moche est toujours là... je m'observe de dos et là je comprends tout.
Mon dos est devenu une vaste peinture, un gloubiboulga de couleurs... Ah je comprends mieux ce que la Gothique voulait dire avec « sa plus belle oeuvre ». En plus on ne voit que ça sur mon gilet noir. Le moment de rentrer au plus vite incognito !
En quittant le lycée j'entrevois la Gothique parlant avec Sonia, elles me fixent. Elles ont réussi leur coup, la Gothique a vengé Sonia dans mon dos et sur mon dos. Les amis de la Gothique ne sont pas aussi virtuels que ça.
Je m'en fous, c'est de bonne guerre. Sauf si les taches ne partent pas !!!