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16 ans, grosse & moche!

19 septembre 2012

MERCREDI 19 SEPTEMBRE 16h : PETITS PAPIERS!

Premier blogline en plein cours tellement je m'ennuie. On va me prendre pour une lèche-botte qui écrit tout ce que dit le prof! Même mon voisin, qui ne m'accorde aucune attention, tente de lire ce que je peux bien gratter. C'est bizarre, on est à 50 cm de l'un de l'autre et on ne se parle pas, même pas bonjour. Je ne sais même pas si je pourrais le reconnaître dans la rue. Mais pourquoi?

D'abord je ne parle à personne, j'ai peur de me prendre un vent.

Et lui est un zombie, il se traîne comme un vieux, et personne ne semble lui accorder d'importance dans la classe. Et il ne m'accorde aucune importance. C'est évident qu'il n'est pas très élevé dans l'échelle sociale de la classe, mais je crains qu'il me considère encore plus bas que lui. Il me regarde encore là tout de suite, je vais lui jeter un regard noir.

Il a eu peur, et il s'est remis droit face au prof. Et il se gratte le visage de nervosité. J'avais jamais remarqué qu'il avait des boutons comme ça! Une tête de geek, qu'est ce qu'il fait dans une classe littéraire? Fuck, il vient de voir que je le décortiquais. Il m'a lancé à son tour un regard noir, des pics à glace. Hey il a pas l'air aussi mou en fait! Ce qui me gêne le plus c'est son odeur, c'est un mélange de lessive bon marché mal séchée, et un mix sophistiqué de déo de supermarché avec de la pure sueur d'adolescent. Mais au fait qu'est ce que je sens moi? Je me renifle discrètement. Ah ça y est : ça sent le déo de supermarché pour fille, sans paraben, sans alcool, à la pierre d'alun. Peut-être qu'il déteste mon odeur écolo.

Oups un papier vient d'arriver sur notre bureau. A qui est-il destiné? Le geek et moi on s'observe. Ça ricane derrière nous. Le prof ne voit rien, n'entend rien, la classe n'écoute rien. C'est la foire!

David, mon voisin se décide à ouvrir le message secret. Il le lit, me regarde avec dégoût et se transforme en pivoine. Je me décide a lire le mot : « Vous feriez un beau couple! »

Un deuxième mot arrive, sur le bureau de David : il se marre. Tiens il sait sourire. Ça doit être drôle... mais en lisant le mot je déchante : « Tu mérites mieux, de toute façon elle n'est pas pour toi lol mdr »

Les sanglots montent tout seuls et je tremble en regardant le morceau de papier. Une écriture de fille, ça sent la peste! Je me décide à répondre sans inspiration : « Pétasse, tu pues le toc ». Et hop je renvoie le mot par derrière, au pif. Dix secondes suffisent, c'est l'explosion de rire derrière.

Le prof intervient, demande ce qu'il se passe et si c'est la maternelle par ici. Et une peste vend la mèche : « la fille devant elle balance des messages ». Le prof me regarde, me demande si c'est vrai. Je suis tellement tétanisée que je bredouille une réponse incompréhensible. La classe est hilare. Sonnerie.

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19 septembre 2012

MERCREDI 19 SEPTEMBRE 13h30 : PAOLA

Je ne sais même si je vais continuer à manger à la cantine. D'abord je mange toute seule comme une pauvre conne, près de la poubelle. Ensuite c'est vraiment dégueu. Et pourtant je mange quand même, alors s'empiffrer et grossir avec de la bouffe pas bonne c'est vraiment du gâchis. Autant s'enrober avec de la top qualité. Et puis enfin je vois bien que c'est ringard de manger à la cantine, les premiers jours c'était salle comble (ou quand c'est pizza), mais là ça baisse à vue d'œil, il ne reste que les has been comme moi et mon voisin de table en classe. En plus, et c'est le pompon on se fait enguirlander par la caissière, Paola, elle s'appelle. Je croyais au début qu'elle ne m'aimait pas mais tout le monde y passe : « il manque trente centimes sur la carte, remets ton plateau et dégage», « ton bol de fromage blanc déborde, remets ou je te le fais lécher», « vous me faites tous chier bande de chiards! », « dis donc le sucre c'est pas à volonté »... Un vrai feu d'artifice. Une hystérique qui dégage de mauvaises ondes. Parfois elle se fait punir par le responsable et finit par servir les plats, et ça elle déteste, elle se plaint encore plus, transpire à grosses gouttes, râle, s'engueule avec tous les élèves et finit par pleurer. Son calvaire dure trois jours et hop retour en caisse, où elle peut se remettre à tyranniser la terre entière. Faut dire qu'elle est pas gâtée par la nature.

En parlant de has been, j'ai une idée sur ma fan. Elle mange à la cantine tous les jours comme moi, dans un coin avec un mec vraiment obèse, elle a dû me repérer. Oui elle est un peu ronde, mais moche pas du tout! Par rapport à moi, elle est féminine, classe, elle est belle. Je n'arrête pas de la regarder, je la surveille de plus en plus près. Si c'est elle, je suis touchée. Qu'une fille comme ça s'intéresse un petit peu à mon blabla, c'est incroyable.

18 septembre 2012

MARDI 18 SEPTEMBRE 22h : AMBIANCE...

Quelque chose de louche est en train de se préparer chez les deux pestes. Je ne sais pas où elles veulent en venir, mais il y a un truc.

Le pire moment de la semaine, c'est le cours de sport du mardi après-midi. Je déteste ça, je vomis sur l'esprit de compétition et tout ce que ça génère : chauvinisme, sauvageries, engueulades, méchanceté... C'est le moment où je me sens la plus vulnérable : d'abord je suis ronde, empâtée dans ma graisse, molle, et mon survêt (acheté ce week-end à la va-vite chez Décathlon, premier prix made in Sri-Lanka, de toute façon l'ancien ne m'allait plus il avait rétréci ou bien...), souligne mes formes, mes bourrelets. A cette occasion, je me transforme en cible de fléchette: si la baballe n'atterrit pas au bon endroit c'est de ma faute, si la prof est de mauvaise humeur c'est de ma faute, si une tache a une mauvaise note ce matin c'est de ma faute. Un vrai punching-ball à disposition, c'est ma fragilité qui attire : soit elle énerve les forts, soit elle est une occasion facile pour les faibles d'avoir l'air un peu plus forts. Je suis très utile pour les revaloriser. Et ça se déchaine, et je ravale ma fierté. Mais ça bout intérieurement et la cocotte siffle. Je ne veux pas recommencer les erreurs du passé, mais je n'en suis pas loin. Carrie au bal du diable!!!

A la fin de ce calvaire animalier, le zoo retourne au vestiaire remettre ses habits humains. Et là les pestes chuchotent avec d'autres filles et me regardent. Je suis au centre d'un buzz... et j'entends des « fais attention », « si elle te regarde t'es bonne pour la casserole », « moi je me sens nue c'est la première fois que ça m'arrive ». Mais qu'est ce qu'elles mijotent...

Résolutions du jour :
1- trouver un moyen de sécher le sport
2- décrypter ce qui se trame chez les pestes A&A

Du côté de l'ordinateur, j'ai entendu que le Vieux tapait dans son bureau. Ca m'étonnerait que ce soit une machine à écrire, derrière cette porte se tient peut-être un moyen de sauver mon blog! Restera à trouver ensuite une connexion internet quelque part.

A l'école, il y a bien une salle, mais devant les embouteillages de l'année dernière, l'accès a été restreint, c'est écrit sur la porte et les ordi ne sont accessibles que pour le travail, un pion fait le mouchard en accédant au hasard à chaque écran depuis sa tour. Une surveillance à la big brother!

La Vieille ne m'adresse plus la parole et en veut fortement à son mari. Il a l'air d'aimer ça. J'ai l'impression qu'il a trouvé avec moi le moyen de la faire enrager, pour ne pas dire, la faire iech! Sympa d'être au milieu de ça! Un outil à vengeance! Je suis sûre que la Vieille va trouver un moyen de m'utiliser contre lui.

Si la mère Rondin savait tout ça, elle me laisserait pas forcément ici. Mais je suis prête à tout pour ne pas y retourner. Ici je ne crains rien, enfin je pense.

Mais c'est l'austérité monacale : lève-tôt, couche-tôt, communication au minimum, repas à heure fixe, une seule télévision, pas d'ambiance. C'est la survie.
En revanche, côté mystère on est garni : secrets cachés dans le passé, squelettes dans les pièces fermées à double tour, que fait-il dans la vie, que fait-elle, comment ont-ils pu devenir famille d'accueil, à qui appartient la pièce sanctuaire de l'autre jour... Bref tout ça va m'occuper pas mal de temps. Ça tombe bien je n'ai que ça à faire.

Bizarrement ce mot-doux dans mon cahier, m'a redonné un nouveau souffle. J'ai envie de croire à une vie meilleure, un jour peut-être. Les jeunes du palier ont l'air tellement heureux, moi aussi je serai un jour comme eux... si j'arrive à passer toutes ces années de plomb.

Ce qui lie le Vieux et la Vieille c'est la haine envers les jeunes du palier : « idiots, immatures, bruyants, subventionnés par les parents, végètent dans leur merde », voilà ce que j'ai déjà entendu. Ce sont les seuls moments où je vois les Vieux ressentir une émotion forte et s'accorder. Sinon ils me font penser à des zombies qui subissent la vie.

18 septembre 2012

MARDI 18 SEPTEMBRE 13h15 : TRAQUE

Je suis en alerte, je regarde tout le monde, toutes les filles, surtout les rondes. Après moche ou belle, je ne sais pas, c'est plus difficile. Je les trouve toutes belles par rapport à moi, c'est relatif... pourtant étant moche, je devrais être une spécialiste de la mocheté. Mais comme je ne suis pas belle, je n'y connais rien en beauté. Et du coup je ne sais pas où s'arrête la beauté et du coup où commence précisément la mocheté. La mocheté très moche ça je sais où ça commence, par moi!

Du coup je scrute, parfois de manière indiscrète tout ce que je croise. Tout en vérifiant sans arrêt si mon cahier est bien toujours dans mon sac. J'ai peur de l'avoir sur moi à l'école, peur de le laisser à la maison aux mains de la Vieille. Bref il n'y a pas de solution!

Je me suis fait prendre en flagrant délit de matage de grosses par les Pestes et leur Prince. Et ça commente dans mon dos...

Au fait je sais enfin comment s'appellent les deux Pestes! D'habitude les profs font circuler un papier de présence, mais un a décidé de faire de la résistance face aux fausses signatures, et il a décidé de faire l'appel à l'oral. Et je me retournais sur tous les noms de fille appelés, dur de tout repérer. Mais j'ai pu choper le « présent » de Alyssa (Peste n°1, la chef, le cerveau, la machiavélique) et en déduire le « présent » de Ashley (peste n°2, la suiveuse, la méchante gratuite). Des prénoms pareils ça ne s'invente pas. Et le pire c'est le nom de famille de Ashley, c'est Victor, Ashley Victor. Énorme clin d'œil à un feuilleton bien connu...

Bizarrement quand je me suis retournée sur Alyssa, Ashley m'a fait un bisou langoureux des lèvres. Berk, qu'est ce que ça veut dire? Ça a fait rire Alyssa. Ouh je les hais!

17 septembre 2012

LUNDI 17 SEPTEMBRE 22h30

C'est l'heure d'un repos bien mérité, je suis euphorique. Pour la première fois je me sens moins seule. Mais comment communiquer avec elle?
Résolutions du jour : 1 - trouver cette fille, j'ai deux indices de taille sur son physique, mdr / 2 - trouver une solution pour mon cahier d'écriture, je dois recopier son contenu pour être sûre de ne rien perdre et mettre mon blog en ligne. Mais sans ordinateur que faire?

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17 septembre 2012

LUNDI 17 SEPTEMBRE 18h30 : LE BLOG EST MORT, VIVE LE BLOG

A nouveau le destin s'en mêle comme si ce cahier était défendu par un ange gardien.

Lors de la pause de l'après-midi avant le dernier cours, les deux pestes me regardaient de loin et me déshabillaient du regard. Je rougissais de honte, tous mes tics-tocs revenaient en trombe, et je faisais semblant de ne pas les voir me dévisager. Puis le beau garçon les a rejointes puis a embrassé sa copine qui m'a montrée du doigt. Je me suis retournée face à une porte vitrée de manière à ce qu'elle ne commente que mon gros cul. Et pas ma tronche.

Mais je voyais leurs reflets dans la porte vitrée. Et une des pestes lui montrait quelque chose tout en me désignant du doigt au loin. Il s'est mis à rire, les pestes également.

Le gong de la sonnerie a mis fin à ce supplice. J'allais oublier cet événement peu reluisant quand j'ai aperçu toujours dans la porte vitrée qu'une des pestes chiffonnait quelque chose dans sa main puis jetait ce quelque chose dans la poubelle.

Pendant le dernier cours, ce quelque chose me travaillait le cerveau. Évidemment la prof d'anglais a décidé de m'interroger à ce moment-là et a pu souligner devant toute la classe hilare mon manque de concentration. Elle a sorti un truc en anglais à mon propos, que tout le monde semblait comprendre sauf moi. Tout ce que j'ai compris c'est « chicken ». Elle a dû sous-entendre que j'avais le cerveau d'une poule sans parler de la forme d'une poule. Rien de grave, une humiliation de plus. Mon voisin attitré m'a regardé avec compassion, non autant dire de la pitié. Et un tel sentiment de la part d'un type qui est au bas de l'échelle comme moi c'est encore plus humiliant.

Passé ce moment désagréable, j'ai décidé d'aller au bout de ma petite idée. Certains m'ont gentiment ou méchamment traité de « chicken-chicken » en sortant. Et me voilà à faire les poubelles quelques minutes plus tard. Hors de question que je ne sache pas ce que cette peste a jeté à la poubelle. Évidemment je me suis fait prendre par un élève qui n'était pas de ma classe (ouf) et qui m'a regardée comme une pouilleuse. Pas suffisant pour me décourager : des canettes de coca, un vieux sandwich gras, une anti-sèche de maths, et un papier tout chiffonné... Bingo, c'était bien le « mot doux » qui s'est retrouvé dans mon cahier.

Je l'ai lu une fois et mon cœur a failli faire une attaque... J'ai été lue... D'émotion je suis allée m'asseoir sur l'escalier de la sortie, seule dans ce bâtiment affreux. Et je retranscris ici le contenu du message
« Je t'ai lue, tu m'as réconfortée, n'abandonne pas. Je fais partie du même club, grosse et moche comme toi ».

Après plusieurs lectures, je me suis mise à chialer version torrent des montagnes. Vexée? Non rassurée, encouragée, galvanisée. Non je ne suis pas seule, une fille quelque part est aussi grosse et aussi moche que moi.

17 septembre 2012

LUNDI 17 SEPTEMBRE 13h30 : ADIEU BLOG

Ben voilà le destin a choisi. Je me disais ce matin en arrivant que c'était la dernière chance de retrouver mon cahier de notes. Et je repensais à tout ce que j'avais gratté sur un brouillon ce week-end. Une vraie furie de l'écriture. Et je pense que ça comble ma solitude. Ce cahier me manque en fait, j'aurais voulu relire les premiers jours.

Lors du dernier cour de la matinée, ma professeur de Français m'a dit que j'étais convoquée au secrétariat du Principal. Tiens qu'est-ce que j'ai fait cette fois!

J'étais un peu stressée, la secrétaire m'a demandé qui j'étais, et n'a pas compris pourquoi j'étais convoquée et m'a demandé de repasser plus tard quand son autre collègue serait là. J'allais repartir quand j'ai vu sur un coin de son bureau mon cahier!! Et je ne voulais surtout pas qu'elle le lise... elle me prendrait pour une folle.

Alors j'ai renversé mon sac par terre, je lui ai dit que j'étais vraiment maladroite, elle est venue m'aider, j'en ai profité pour récupérer mon cahier à son insu. Et là malheureusement elle s'est rappelé...:
- Oui je me souviens maintenant, quelqu'un a retrouvé un de vos cahiers, c'est ma collègue qui me l'a dit, il est là sur le bureau...Ben tiens il a disparu. Vous l'avez pris?
- Hein quoi? Non non...

Comment se mettre dans une situation compliquée alors que tout était simple? Je me suis mise à bouillir de panique. Et puis elle a désamorcé la bombe :
- Bon ma collègue a dû le reprendre, repassez plus tard
- C'est pas grave vous inquiétez pas, ça valait rien, j'avais qu'un seul cours dedans...

Et voilà, mon cahier me manquait...je l'ai serré contre moi bêtement. C'est un double de moi-même et c'est la seule compagnie dans ma vie. Je l'ai feuilleté dans les couloirs à la vue de tous et là, les deux pestes passent et une m'arrache le cahier. Pas possible qu'il tombe entre de si mauvaises mains!!!! La voleuse tourne les pages et déblatère :
- Mais t'as vu ce qu'elle se trimballe la Nouvelle, on dirait un journal intime
- C'est vraiment un truc de gamine. Tu crois qu'elle parle de nous?
- Elle doit sûrement louer notre incroyable beauté
- Et surtout notre style comparé au sien
- C'est vrai qu'on doit l'impressionner
- C'est chiant, elle note tout, quand elle va aux toilettes ou quand elle se goinfre
- C'est sûr que sa vie doit être passionnante!
- Oh regarde elle a un petit mot doux, un fan sûrement...

A ce moment là j'ai réussi à leur reprendre le cahier des mains mais pas le mot dans le cahier. Une personne qui l'aurait retrouvé?
J'ai sauvé le principal, mais qu'est ce que cet inconnu peut dire, surtout s'il m'a lue?

Elles ont ri et se sont mises à courir dehors. Je n'allais pas leur courir après comme une idiote. Mais je reste inquiète sur ce mot.

Je m'étais dit que si je ne retrouvais pas ce cahier, j'arrêtais ce blog ridicule. Mais je ne m'étais pas dit que si je le retrouvais, je m'engageais à le continuer! Et ce qu'elles m'ont balancé m'ont découragée. J'ai honte de ce truc. Je vais le brûler ce soir c'est décidé.

16 septembre 2012

DIMANCHE 16 SEPTEMBRE 22h50

Les Vieux se sont pris le bec, sûrement à cause du blouson, mais j'avais beau tendre l'oreille, rien ne me paraissait compréhensible. A part une phrase où il lui a balancé à la figure, qu'elle ne pourrait pas survivre dans les souvenirs, dans la culpabilité. Un truc comme ça. Les portes ont claqué.

J'ai écouté à la porte des voisins de palier, juste avant le dîner, en remontant les poubelles vides. Mes deux pestes de l'école ne vivent pas là, j'en suis quasiment sûre. J'ai entendu des voix de garçons et une voix de fille. Ils ont l'air jeunes. Ils parlaient de sexe, j'ai rougi. Et pile à ce moment là je me suis fait surprendre par le Vieux qui m'a regardée en fronçant les sourcils. Je me suis sentie obligée de faire semblant de m'être trompée de porte (pour une gourde comme moi, je ne suis pas à ça près). Il m'a balancé en rentrant que ces « petits cons n'étaient pas fréquentables ».

La musique me manque, j'empruntais les mp3 avant. Je n'ai plus rien. Et mon portable n'est pas assez moderne pour écouter de la musique, les Services Sociaux n'ont pas les moyens de me payer un Iphone! Il faut que je m'organise de ce côté là. J'ai besoin de ça pour construire ma bulle.

Fuck, je viens d'oublier de faire un exercice pour demain! La panique! Trop envie de dormir...

16 septembre 2012

DIMANCHE 16 SEPTEMBRE 18h : LE VIEUX

Il pleut, le temps se refroidit, les jours raccourcissent un peu. L'été est fini, ça se sent. Et c'est aussi une page difficile qui se tourne. Je vois les parapluies déambuler dans la rue. Ma chambre et ma vue sont les seuls points positifs depuis mon arrivée. J'ai l'impression de pouvoir contrôler ce qui se passe dans le quartier et de posséder une tour de contrôle.

J'ai vraiment comaté aujourd'hui, un peu de devoirs, un peu d'espionnage par la fenêtre, par la porte. J'ai bouffé, beaucoup. Ça me détend, ça me fait du bien. J'ai l'impression d'exister, de profiter de la vie.

Malgré la dispute d'hier, j'ai quand même osé demandé à la Vieille si elle avait vu mon cahier « perso ». Je l'ai regardée droit dans les yeux pour voir si elle me baladait. Elle n'avait pas l'air concernée et m'a dit de mieux ranger mes affaires. Si demain je ne le retrouve pas, je jette l'éponge. Ça prouvera bien que je n'ai aucune résistance, aucune volonté.

Mais ça m'énerve beaucoup de ne pas savoir. Et j'ai tellement honte à l'idée que quelqu'un je connais me lise. Se dévoiler autant à quelqu'un qu'on connaît c'est comme un viol de mon cerveau.

Fuck, on frappe!

Une scène hallucinante vient de se produire. Le Vieux, qui m'avait peu adressé la parole jusqu'à maintenant, vient de frapper à ma chambre. Il m'a dit que je pouvais emprunter le Perfecto que j'ai trouvé hier, qu'il était plus utile que dans un placard et qu'il le laissait pour moi sur le porte-manteau dans l'entrée. Il m'a dit aussi qu'il en parlerait avec sa femme, qu'elle ferait un peu la gueule mais que ça passerait. Et enfin il m'a averti d'en prendre soin et que ce n'était qu'un prêt.

J'étais sans voix, j'ai à peine su dire merci. La panoplie n'est pas encore complète mais avance bien.

Je suis intriguée par le Vieux.

15 septembre 2012

SAMEDI 15 SEPTEMBRE 23h05 : FRISSONS...

Je reprends là où j'ai laissé l'histoire de cet après-midi. Et quand j'y repense, j'en ai froid dans le dos.

En pleine phase de Pretty Woman gothique, on frappe à ma porte, je suis paralysée, la porte s'ouvre et la Vieille qui est rentrée de courses sans que je m'en rende compte me surprend avec le blouson volé. D'habitude le chien s'agite avant son retour : pas ce coup-ci, trop vieux le clebs! La Vieille se fige en même temps que moi, prise la main dans le sac. Je prends un air coupable malgré moi qui l'encourage à ne faire qu'une bouchée de la grosse et moche que je suis. Elle met sa main devant sa bouche, son visage esquisse une émotion, pour la première fois depuis mon arrivée, avant de sombrer dans le masque de pierre... et la colère.

Elle se met à hurler sur moi, j'ai oublié la moitié de ses paroles tellement j'étais paniquée : « Mais qu'est-ce que tu fais avec ça? Qui t'a permis? Tu fouilles une fois que j'ai le dos tourné? Tu voles? T'es une petite voleuse? C'est pour ça que personne ne veut de toi? » Des phrases qui résonnent douloureusement.

Elle se jette sur moi et m'arrache le blouson. Elle me donne une gifle. Je tombe sur mon lit après la violence du geste. Elle me menace à nouveau de prévenir Rondin. Et claque la porte en répétant les mêmes phrases violentes.

Je ne me remets pas de ce moment. Suis-je à nouveau tombée chez les fous? Ou bien c'est moi la tarée? Est-ce si mal ce que j'ai fait? Je voulais en savoir plus sur l'endroit où je vis et sur les gens avec qui je vis pour me sentir mieux. Me sentir un tout petit peu chez moi.

Conclusion : je me suis mise la Vieille à dos, le foyer à mon avis n'est pas loin! Et ça c'est pire que la solitude. Je regrette aussi de ne pas m'être défendue... Pourquoi cet air coupable tout de suite? Pourquoi ne pas avoir essayé de l'amadouer?

Ce soir elle n'a pas préparé de dîner et ne me parle plus. C'est pas grave, si je peux économiser quelques kilos.

Ça y est le Vieux vient de rentrer d'on ne sait où. J'essaie d'écouter ce qui se passe dans le salon. J'en reviens pas, elle lui répète tout, et il ricane. Et enfin le pire se produit, elle lui annonce qu'elle préfère se débarrasser de moi...

Mon sang ne fait qu'un tour, je vais exploser.

Je n'en reviens pas de ce que je viens de faire. Je me suis précipitée hors de ma chambre et j'ai réagi bouillonnante comme un volcan en fusion :
- C'est n'importe quoi votre réaction, tout ça parce que j'ai essayé un blouson devant un miroir! Je suis pas une voleuse et ça Mme Rondin le sait. Mais par contre elle risque de ne pas aimer la claque et encore moins le geste contre le lit. Adieu votre statut de famille d'accueil...
- Han espèce de petite menteuse! a-t-elle réagi, visiblement surprise et dérangée par cette nouvelle facette de la petite grosse transparente.

Les deux restaient bouche bée après une semaine de gentille Sarah, fragile prête à être écrasée comme un chewing-gum. La peur de retourner au foyer m'a fait sortir de mes gonds. Le Vieux semblait presque satisfait de cette scène car après la surprise, le rictus!

Je suis repartie m'enfermer dans ma chambre. Ils ne doivent pas comprendre ce qui se passe. J'ai mis des boules quies sur mes oreilles, et retranscrit tout de suite ces quelques mots pour ne pas oublier qui je peux être, parfois.

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