Le soir de cette conversation un peu brutale - enfin c'est relatif !!! - tous mes soucis me sont revenus en tête. Comme une claque !
Résultat des effets secondaires...
« T'es toute silencieuse, t'as l'esprit ailleurs on dirait... tu boudes ? »
J'ai haussé les épaules. Mais non je ne boudais pas ! En tout cas pas contre lui.
Le lendemain matin, au réveil, mon David avait disparu !!! Pour de bon ??? Grosse inquiétude alors qu'on s'était réveillés ensemble chaque matin depuis deux semaines. J'ai englouti mon petit-déjeuner toute seule et son petit-déjeuner avec ! Puis l'absent s'est pointé comme une fleur vers 11h alors que je me morfondais !
- DAVID : J'ai eu une super idée...
- MOI : Du genre ?
- DAVID : Je t'emmène déjeuner dans un resto français...
- MOI : On a les moyens ?
- DAVID : C'est moi qui t'invite...
Il m'a emmenée dans un resto de l'Upper West Side qu'on avait déjà repéré en passant devant ! On avait bavé sur la carte !
Quel bonheur de retrouver (euh pardon, de découvrir !) la finesse culinaire française... après tant de fritures, et d'aliments sur-sucrés !!! Même s'il y a quelque trahison « Made in America » comme le beurre-margarine à volonté avec le pain... et les sodas à tout-va !!! A la fin du délicieux repas qui m'a semblé être le meilleur de toute ma vie, David a dévoilé son idée...
- DAVID : T'as vu l'affiche sur la porte ?
- MOI : Non à peine... y'a écrit « Help wanted », je vois d'ici... ça veut dire quoi ?
- DAVID : Ils cherchent de la main d'œuvre en extra...
- MOI : Nous ? Tu penses qu'on peut travailler ?
- DAVID : J'ai vu le patron ce matin, il est d'accord, il est toujours prêt à dépanner des Français... Je lui ai dit qu'on avait travaillé tout l'été dernier au camping près de Fréjus... Et tu sais quoi ? Ben il vient de Saint-Raphaël, le patron, le bled juste à côté ! C'est un signe...
- MOI : Mais on va faire quoi ?
- DAVID : T'inquiète, on fera du basique en salle ou en cuisine, et pour la durée ben c'est souple ! C'est comme ça les USA, t'as envie de bosser, tu bosses...
- MOI : Et on commence quand ???
- DAVID : Ben ce soir !!! T'es prête ?
Le patron venait effectivement du Sud avec un gros accent bien marqué ! Il nous a vraiment bien accueillis.
« Bon les jeunes Parisiens, pour être en salle faut un peu d'expérience, et puis faut un physique un peu glamour pour s'adapter à la clientèle... Mais en cuisine, à la plonge, je suis sûr que vous allez adorer ! »
Dis tout de suite qu'on est moches !!! Euh, comme moi-même je me considère déjà moche... y'a pas de problème !
Ça c'est sûr qu'on risque pas de nous voir en cuisine !
Et voilà comment j'ai commencé à travailler aux États Unis !!! Qui l'aurait cru ???
De quoi mettre un peu de beurre dans les épinards... De quoi aider David à payer la nuit à la Youth Hostel (même si sa maman avait TOUT prévu, elle avait tout calculé pour une personne, pas pour deux !)...
Et pour la bouffe... Miracle !!! Au resto, on était nourris avant ou après le service !!! Un bonheur de se régaler au moins une fois par jour... Peut-être le début d'un éveil culinaire ??? Le comble, ça : apprendre à apprécier la cuisine « made in France » à New-York !
Lors des premiers jours, on faisait un seul service. Puis comme ça se passait bien, le patron a fini par nous proposer les deux services...
J'ai cru à un moment que le rêve américain allait se prolonger éternellement ! Patatras...
Après un service particulièrement agité, David est venu me parler, tout penaud...
- DAVID : Tu vas pas aimer ce que j'ai à t'annoncer...
- MOI : Crache le morceau, tu me fais peur...
- DAVID : Je vais partir Sarah, je dois rentrer, mon avion est pas modifiable, et puis je dois retrouver mon père...
- MOI : Pfffff... Tu pars quand ?
- DAVID : Ben...
- MOI : A la fin de la semaine ? Après-demain ? Demain ?
- DAVID : Je pars ce soir...
De quoi me faire tomber à la renverse...
- MOI : Tu te fous de ma gueule ? Tu me lâches ?
- DAVID : Je voulais pas gâcher nos derniers moments tu comprends... Toi tu peux rester, tu peux rentrer quand tu veux avec tes 200 000 miles... Et je t'ai jamais vue aussi épanouie qu'ici. Alors avant de partir, j'ai tout mis en place pour que tu restes...
- MOI : Le job ici par exemple ? Et pour dormir ?
- DAVID : J'ai réservé pour toi dans un dortoir de filles dans la même auberge de jeunesse... Tu paieras vraiment pas cher...
- MOI : Putain j'y crois pas... T'as tout fait dans mon dos... J'aurais pu rentrer avec toi, ben non tu décides pour moi... J'ai pas le choix ! C'est un coup bas...
- DAVID : Ça me rend triste que tu le prennes comme ça... Je voulais pas t'empêcher de poursuivre ton rêve...
- MOI : Bon bah casse-toi ! Allez hop ! Au revoir moi je vais me promener.
J'ai mis une heure à ravaler ma colère en arpentant les "streets" (rues horizontales sur la carte), puis je suis retournée à la Youth Hostel, et là ses affaires avaient disparu.
J'ai alors vérifié sur Internet les vols Air France qui partaient le soir... J'aurais presque pu faire mes affaires et déguerpir avec lui... Mais finalement, non. L'histoire new-yorkaise n'était pas encore bouclée...
Je me suis décidée à aller lui dire au revoir à l'aéroport, déterminée à ce qu'on ne se sépare pas fâchés... Mais mon trajet en train a été semé d'embûches techniques et quand je suis arrivée à l'aéroport, j'avais laissé passer au moins 3 vols de la compagnie... Il était 19h... Je suis allée parler avec une hôtesse au sol au comptoir Air France, j'ai tenté de lui faire pitié, et elle a fini par m'avouer que mon David était sur le vol de 19h02.
Et voilà comment je me suis retrouvée seule à New-York sans dire adieu à mon fidèle ami. J'ai pleuré toute la soirée en arpentant les "avenues" (rue verticales sur la carte). Avec l'intime pressentiment que le « rêve » venait de prendre fin.