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16 ans, grosse & moche!

2 mars 2014

DIMANCHE 2 MARS 2014 0H45: L'EFFONDREMENT DU CHATEAU DE CARTES

Oui je suis effondrée. Ça fait tellement longtemps que je voulais sortir la Mamie de là. C'était mon « idée derrière la tête » depuis deux mois. C'est pour ça que je ne disais à personne que j'allais la voir dans son « mouroir » et que j'ai toujours fait en sorte de ne jamais tomber sur sa famille là-bas. Cette idée a germé, mais elle n'a trouvé que récemment les moyens de s'exprimer.

Je ne pouvais pas la sortir de là-bas et la ramener bêtement chez elle... Sa famille l'aurait retrouvée tout de suite.

Quand j'ai su que j'allais pouvoir vivre seule ici... Quand j'ai découvert qu'elle sortait aujourd'hui pour l'enterrement de son ami... TOUT s'est mis en place. TOUT ! Elle m'a sauvée entre Noël et le jour de l'An, elle m'a hébergée, consolée, choyée... J'ai sûrement passé la plus belle semaine de ma vie. Je lui dois de lui rendre ce qu'elle m'a donné.

Je pleure et je re-pleure...

Mais il y a sûrement de l'égoïsme dans tout ça... c'est moi qui ai envie de l'avoir rien que pour moi... J'ai tellement envie de construire un cocon à moi... Et ça me navre qu'elle se soit laissée faire par David aussi facilement. Elle n'a pas cru à mon projet, à mon rêve de partager un petit bout de vie avec elle... Je me sens presque rejetée.

Je re-pleure, c'est la Fontaine de mars !

J'ai vraiment eu tort de faire confiance à David. Ce n'est qu'un collègue d'espionnage en quelque sorte. Rien de plus. Il me déçoit encore... C'était une mauvaise idée de l'impliquer. Même la cave était une mauvaise idée : je comptais éviter de la faire entrer dans mon immeuble en début de soirée, je voulais la faire patienter jusqu'à minuit, afin d'être le plus discret possible. Mauvais plan... Tout est de ma faute !

Je renifle et me mouche, à en user un paquet entier de Kleenex.

Mais un bruit me sort de ma torpeur... on gratte à ma porte. Puis on frappe. Sûrement David qui vient tenter de rattraper le coup. Je vais bien le recevoir... Avec une gifle !

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1 mars 2014

SAMEDI 1er MARS 23H30 : L'IDEE TUEE DANS L'OEUF

Impossible de travailler ce soir dans de bonnes conditions. Impossible d'être concentrée. J'ai fait bêtise sur bêtise...

« Mais t'as un poil dans la main ? », « Mais t'as un pois chiche dans le cerveau ? » : voilà ce que me lance Cosmos, l'ancien glandeur de service complètement idiot... Le monde à l'envers...
- MOI : Elle est où Ursule ?
- COSMOS : Au chômage !
- MOI : Ça m'étonnerait, elle a de la ressource elle...
- COSMOS : Et tu vas bientôt la rejoindre...
J'en rêverais... sauf que j'ai cruellement besoin d'argent pour vivre.

De toute façon, y'avait peu de clients ce soir, ils se plaignent tous de plus retrouver certaines gammes de poulet qui ont été enlevées de la carte... Et depuis l'arrivée de Burger King à 500 mètres d'ici, c'est la débandade... Je suis partie avant la fin, au nez et à la barbe de Cosmos qui voulait que je nettoie les toilettes.

Quand je suis arrivée en bas de l'immeuble de David, il m'attendait... de pied ferme ! Je me suis remplie d'inquiétude...
- MOI : Qu'est-ce qui se passe ? Où elle est ?
- DAVID : Je pouvais pas te laisser faire ça... Je l'ai ramenée à sa maison de retraite... Elle était terrifiée dans la cave...
- MOI : Quoi, mais qu'est-ce que tu racontes ?
- DAVID : Je pouvais pas te laisser faire cette bêtise... Et elle ne voulait pas non plus.
- MOI : J'y crois pas, je suis dégoûtée... t'as tout gâché.
- DAVID : Tu peux pas forcer une vieille dame à jouer aux gendarmes et aux voleurs.
- MOI : Mais c'était pour 3 heures... J'ai bien tenu 13 jours dans ta cave... T'avais qu'à appeler sa famille tant qu'on y est...
- DAVID : Non parce que je voulais pas te griller... Comme ça personne sait ce que tu avais en tête... et elle ne dira rien...
- MOI : Je te déteste...
- DAVID : Tu me remercieras.
- MOI : Je veux plus te voir, je te ferai plus jamais confiance.
Et je me suis enfuie en pleurant de rage, de déception et de rancœur personnelle... Il a détruit en un claquement de doigts tout un rêve construit pas à pas depuis plusieurs semaines...

1 mars 2014

SAMEDI 1er MARS 2014 20H15 : L'IDEE QUI PASSE A L'ACTE...

Dans une cave sombre, qui m'est très familière... Une lampe de poche à la main... Une lanterne au plafond...
- MAMIE : Treize jours ici ? Toute la journée ?
- MOI : Oui... j'ai cru qu'on allait m'accuser de l'avoir poussée...
- MAMIE : Mais tu ne ferais pas de mal à une mouche... Je vais t'attendre longtemps ?
- MOI : Deux ou trois heures... le temps que ça se calme... Vous êtes d'accord ?
- MAMIE : Oui... Oui je suis d'accord, Sarah... C'est un peu fou comme idée... ça m'inquiète un peu quand même...
- MOI : Je vous promets de vite vous retrouver... Je vais travailler, ni vue ni connue...
- MAMIE : Et tu me laisses là ?
- MOI : C'est un mauvais moment à passer...
- MAMIE : Oh c'est pas pire que là où je suis...
- MOI : Si un peu mais c'est pas pour longtemps. David passera vous voir dans une heure avec une soupe chaude et du pain frais...
- MAMIE : Hummmm ça tombe bien, j'ai faim... à moins que cette cave sombre me coupe l'appétit.

Je sens que certains blogués pensent que je fais n'importe quoi. Mais je sais que non. Le meilleur est à venir.

1 mars 2014

SAMEDI 1er MARS 2014 16H45 : CIMETIÈRE DE MONTMARTRE

C'est le premier enterrement de ma vie... et c'est pour quelqu'un que je ne connaissais presque pas. Etrange sensation. Je ne savais pas comment m'habiller. Alors je me suis habillée comme tous les jours. Mal.

Direction le cimetière de Montmartre, un des plus grands cimetières parisiens. Je connaissais déjà le Père-Lachaise, le plus connu. Ici c'est garni d'arbres, sous un grand pont métallique. C'est plutôt paisible avec en fond le bruit sourd de la circulation, on y rencontre plein d'illustres personnages, on y brasse de multiples histoires qui commencent ou se terminent, gravées sur les tombes...Inspirant !

Yunso m'explique un peu le contexte à l'entrée du cimetière : « Il était athée, il a refusé de passer à la mosquée ou dans une église... En revanche, il s'est payé une belle concession ! »

J'avance doucement, attirée par toutes les tombes, tous ces romans de vie qui m'entourent. Au loin je vois un attroupement, un autre enterrement ? D'une personne célèbre ? Je commence à étudier les allées, les arbres, les endroits les plus discrets...

Eh bien non, c'est bien l'enterrement du père de Kamil... je reconnais les parents de Marco mais aussi toute la famille de Yunso que j'ai rencontrée le jour de Noël... La mère de Yunso, mon ancienne kiné, me fait un signe joyeux de la main et de la tête... Je suis contente de voir un visage familier qui me reconnaît.

Je commence à compter le nombre de gens qui m'entourent... 10... 20...50...100...150 !!! C'est énorme... Mais je ne vois pas la Mamie, je commence à m'inquiéter. Le soleil, avare, montre quelques rayons... avant de les remballer, illico presto.

Kamil tient le bras de sa mère. Ou c'est plutôt elle qui lui tient le bras. Elle reste de glace alors qu'il pleure sans retenue. C'est bien le Kamil que je connais, entier, tout feu tout flamme... et aujourd'hui toute larme... Je le trouve touchant.

Yunso et Marco sont juste derrière lui. De nombreuses personnes disent un mot devant le cercueil en bois verni, une phrase, un poème, une histoire vécue. Je me dis que c'est sympa les enterrements sans curé : enfin j'en ai vu qu'à la télé, mais ça a l'air barbant les enterrements religieux, toujours une occasion de vendre sa bible, ses cierges et ses hosties !

Et là, la Mamie sort enfin de la foule et dit ce qu'elle a sur le cœur en parfaite oratrice. Elle est visiblement très émue même si je n'entends pas tout. Elle est surtout digne, posée, concentrée... C'est bien le comportement de quelqu'un qui a toute sa tête... Ah elle a un trou de mémoire... Son fils lui tire le bras en arrière afin d'abréger ce silence mais elle réagit : « J'ai pas fini ! », lance-t-elle avec autorité. Sa belle-fille soupire...

C'est bizarre, ici on applaudit après chaque passage, est-ce une demande du mort ? En tout cas, c'est joyeux et triste en même temps. Ça me plait beaucoup, même si je le connaissais pas, ou plutôt d'autant plus que je ne le connaissais pas... Ça sent la sincérité, l'amour, l'amitié... sans parasite religieux.

Une heure plus tard, le cercueil commence à s'enfoncer dans son trou pour toujours. La foule s'éparpille, je ne perds pas la Mamie des yeux. Elle s'attarde, elle discute avec tout le monde, son fils et sa belle-fille s'impatientent à une centaine de mètres...

Tant mieux c'est le moment, je l'alpague derrière un arbre :
- MOI : Psssssssssssssst
- MAMIE : Hein, c'est qui ?
- MOI : C'est Sarah...
- MAMIE : Oh je suis trop contente de te voir...
- MOI : Vous retournez quand à la maison de ...
- MAMIE : Dans mon mouroir ? Ils sont impatients de m'y ramener... Ils me guettent...
- MOI : Vous venez avec moi ? Je veux vous montrer quelque chose...
- MAMIE : Là maintenant ?
- MAMIE : A toi oui ! Les yeux fermés...

1 mars 2014

SAMEDI 1er MARS 2014 13H35 : L'IDEE QUI DEVIENT REALITE

Discussion peu constructive avec David au téléphone :
- DAVID : Non, Sarah, non... tu cherches les problèmes là... Tu peux pas attendre un peu ?
- MOI : C'est une occasion en or... Ça se représentera pas...
- DAVID : Je sais pas si je cautionne...
- MOI : Mais j'ai besoin de toi... ça fonctionnera pas sans toi...
- DAVID : Pffff...
- MOI : Ça va être génial...
- DAVID : Tu parles, tout le monde va s'inquiéter...
- MOI : Ils s'en foutent...
- DAVID : Tu crois vraiment que ça peut durer ?
- MOI : Oui, j'en suis sûre, et puis même si ça dure pas... Alors je peux compter sur toi ?
- DAVID : Ouais...
- MOI : Je t'appelle avant ? Je passe... Ensuite je vais au KFC... Puis je repasse ni vue ni connue...
- DAVID : T'es cinglée...
- MOI : Toi aussi...

Je sens que c'est possible... On a tous le droit de réaliser ses rêves non ? Encore plus si ça ne fait de mal à personne... et surtout si ça fait du bien à deux personnes !

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1 mars 2014

SAMEDI 1er MARS 2014 11H45 : UN GRAIN DE SABLE

J'ai l'impression d'être une intruse dans cet appartement. D'avoir volé ma place. C'est dur de n'appartenir à aucun endroit, de se sentir légitime nulle part. Et pourtant, je me suis décidée à rester un peu...

Je n'arrive pas à tourner la page...

Comment ai-je pu écrire que la Mamie était la seule chose qui me raccrochait à cet univers et à ce quartier ?

C'est à la fois vrai et faux... C'est elle que j'aurais le plus regrettée parce que je sais et je sens qu'elle a besoin de moi comme j'ai besoin d'elle.

Faux parce que mon Chien aussi fait partie des éléments rassurants de cet univers... Il a besoin de moi et j'ai peut-être besoin de lui... mais je me prépare un peu à son départ... il est usé et ne marche plus très droit.

Après il y a une petite liste de choses et de gens auxquels je suis très attachée : les voisins, quelques camarades de lycée, quelques lieux..., David aussi bien sûr... Mais c'est un bon exemple : j'ai sûrement plus besoin de lui qu'il n'a besoin de moi. Si je disparaissais, ça ne changerait pas grand chose pour lui : il a ses potes de Terminale S, il a cette fille qui pourrait être ou qui est déjà sa petite amie, il a un appartement, un père et un avenir radieux avec son talent de bricoleur high-tech hors pair... Il a une histoire, un présent, un futur et je ne suis qu'une micro-rencontre dans sa vie bien écrite...

Alors que lui a pris une place énorme dans ma vie, bien vide et sans repère... Oui, c'est un déséquilibre dangereux. Pareil avec les voisins : j'adore les observer et discuter avec eux, mais je suis une parmi mille... Je pense que c'est pareil avec Tina, Fatima, Ash... Elles remplissent mon quotidien de saveur, d'épices, de piment, mais me voient-elles vraiment ? Ash, je suis sûre que je ne suis qu'une marche dans un escalier, alors qu'elle est une sorte d'ascenseur pour moi. Vous me suivez ?

Oui cet univers me nourrit et me fait peur car il remplit totalement le mien alors que je ne suis qu'un grain de sable dans son immensité. La preuve, j'arrive à en faire tout un blog ! Mais quel rôle aurais-je dans leur blog ? Celui d'une figurante, grosse et moche, coupée au montage ?

L'idée que j'ai derrière la tête pourrait bien donner un sens à mon appartenance à cet univers...

28 février 2014

VENDREDI 28 FEVRIER 2014 23H45 : LE CHIEN ET MOI...

Depuis le départ de la Vieille, je suis de plus en plus détendue... Le Chien aussi ! Faut dire que les derniers événements l'ont stressé lui aussi... :
- Mercredi, il y a 10 jours, il n'était pas très inquiet de la présence de David dans l'appartement. Il le connaît.
- Mais les mouvements hystériques de la Vieille la nuit le réveillaient à chaque fois. Bon à son âge, on n'aboie plus trop, mais il maintenait ses yeux grand ouverts, et me fixait comme pour m'interroger.
- Quand je me suis cachée sous ma couette, à plusieurs reprises, il est venu poser sa truffe au bord du matelas, n'osant pas grimper dessus -n'osant pas ou ne pouvant plus ???
- Dans la nuit de mardi à mercredi, il n'a pas osé sortir de ma chambre, mais je l'ai vu, il a tout observé de la porte, sur le qui-vive, debout, les yeux inquiets, la langue pendante.
Il a vécu le même traumatisme que moi... Il est le seul à savoir tout ce que j'ai vécu... Depuis mon retour le mercredi matin, il passe son temps à dormir confortablement contre moi. La nuit je pose la main par terre afin qu'il vienne la chercher. On est liés maintenant...

Comment ai-je pu imaginer un seul instant pouvoir l'abandonner ? On n'accepte pas les chiens au foyer...

Mais les rebondissements ne sont pas finis, hein, mon Chien ? Est-ce que tu seras d'accord avec l'idée que j'ai derrière la tête, hein ? Une idée folle, une idée pleine d'espoir, une idée de vie meilleure, une idée pour faire un beau pied de nez au destin...

Le destin, je lui vomis dessus !

28 février 2014

VENDREDI 28 FEVRIER 2014 21H10 : CONVERSATION AVEC UNE VALISE

Je réfléchis dans le silence depuis une heure. Je suis assise sur le canapé dans l'appart'. Le Chien est à côté de moi. Ma valise trône dans l'entrée, elle me fait de l'œil, elle me nargue, elle me parle :
- VALISE : Allez Sarah, on se casse...
- MOI : J'hésite...
- VALISE : Ça suffit les hésitations, t'as failli crever ma fille...
- MOI : Imagine si je peux vivre ici quelques mois sans rendre de compte à personne...
- VALISE : Tu rêves... Y'a le Vieux... Y'a Rondin... Et qui te dit que la Vieille, elle va pas refaire surface...
- MOI : Tu vois le mal partout... C'est peut-être une occasion en or... bien méritée...
- VALISE : Dans quels problèmes tu vas encore te fourrer ? Je te vois venir avec ton idée derrière la tête...
- MOI : Ça serait parfait non ?
- VALISE : Tu tiendras pas une semaine...
- MOI : J'ai le droit de reconstituer une famille non ?
- VALISE : T'es naïve... T'as plus de famille...
- MOI : Et David, les voisins, Tina, Fatima, Ash... eux aussi c'est un petit bout de famille...
- VALISE : L'amitié ça va ça vient... Tu crois que David c'est un ami, vraiment ? Lui aussi, il a une idée derrière la tête...
- MOI : Arrête, il est sincère...
- VALISE : Je vois que t'as pas retenu la leçon... Ouh ouh Rémy... Ouh tu te souviens ? Tous les garçons sont pareils...
- MOI : Je crois pas, il est différent... même si il fait des bourdes...
- VALISE : Il a honte de toi devant ses potes...
- MOI : Bah, je suis grosse et moche... ça l'empêche pas de bien m'aimer...
- VALISE : Personne peut t'aimer Sarah... Regarde tout ce qui s'est passé avec tes familles d'accueil...
- MOI : Et alors, j'abandonne ? Je peux pas laisser le Chien de toute façon... qui va s'en occuper ?
- VALISE : C'est un gros prétexte, ça ma grosse ! Tu le laisses à la famille américaine du 5ème... et tu te tires avec moi !
- MOI : Tu commences à m'agacer...
- VALISE : N'oublie pas que je suis ta conscience...
- MOI : T'es qu'une valise toute pourrie que j'ai depuis toujours... T'es ringarde, t'as jamais évolué, tu me tires vers le bas...
- VALISE : Avec moi au moins, tu prends pas de risques, tu t'attaches pas...
- MOI : Ça suffit, je vais pas vivre toute ma vie avec une valise pleine..., jamais déballée, toujours prête à fuir avec moi...
- VALISE : Tu vas le regretter...
- MOI : Ta gueule !!!!

Je me suis levée précipitamment, le Chien a fait de même, j'ai ouvert la valise, j'ai jeté tous mes vêtements sur mon lit, et j'ai jeté ma valise... par la fenêtre !!!

Avant d'aller la récupérer... Faudrait pas que j'attire trop l'attention non plus. Et puis elle pourrait me resservir un jour...

28 février 2014

VENDREDI 28 FEVRIER 2014 18H45 : LA CONFRONTATION FINALE...

J'ai raconté à la Mamie tout ce qui s'était passé ces derniers jours, enfin en édulcorant un peu... je voulais pas trop l'effrayer. Et elle m'a encouragée à ne pas fuir cette confrontation que réclame la Vieille...

Je n'ai pas révélé non plus à la Mamie que ma valise était prête et mon départ imminent. Repartir au foyer ne m'empêchera pas de venir la voir de toute façon... Mais je sais tout ce que je vais perdre : mon lycée, mes quelques camarades auxquels je suis attachée, mon Chien...

Bref. Rien ne me fera changer d'avis à ce stade, la vie commune est devenue impossible...Le fait de me dire que c'est la dernière fois que je la vois, cette vieille bique, me donne du courage... je vais régler mes comptes... même les solder !

Direction l'hôpital...

Je rentre silencieusement dans sa chambre, elle ronfle. Ça, ça ne changera jamais, comme le reste.

Elle est amaigrie, blafarde. Elle est l'ombre d'elle-même... l'ombre de celle que j'ai rencontrée en septembre 2012 et c'est dire ! Elle était déjà toute desséchée à la base... Il ne reste que les os maintenant...

Elle ouvre un œil et entame la conversation, directement, sans aucun gant :
- VIEILLE : Ah t'es là...
- MOI : Je peux repartir...
- VIEILLE : Je voulais te voir... Je te dois des explications...
- MOI : C'est pas nécessaire...
- VIEILLE : Je t'ai jamais aimée tu sais...
- MOI : C'est réciproque...
- VIEILLE : Mais je t'aurais jamais fait de mal, je suis une bonne chrétienne...
- MOI : Et le Chien ? Hein ? C'est pas du mal que vous lui avez fait ? Et les tarots hein ? Qu'est-ce vous vouliez faire en me les envoyant... hein ?
- VIEILLE : Oh la la tu mélanges tout... Laisse moi finir pour une fois... J'ai pris trop de médicaments, je le sais... Mais ça me faisait du bien... J'avais l'impression de voir ma fille renaître... Elle me manque tellement tu sais... C'était toute ma vie... Je peux pas me passer de cette cassette vidéo qui me rappelle ces années de bonheur... Bref j'ai fait n'importe quoi... Je voulais oublier... Et ce mélange de pilules a fini par me la ramener... Malheureusement tout ça n'était que des hallucinations...
- MOI : Vous vous êtes prise pour elle..., vous êtes grave !
- VIEILLE : Je me souviens pas de tout...
- MOI : C'est trop facile...
- VIEILLE : J'ai un grave problème et j'en suis consciente.
- MOI : Quitte à vouloir tuer quelqu'un ?
- VIEILLE : Je me souviens qu'avec ce marteau je voulais casser les murs, ouvrir les portes pour que ma fille puisse me rejoindre...
- MOI : Bon ok... cool !
- VIEILLE : Ta jeunesse, ton insolence, tout l'avenir que tu as devant toi, ça m'a toujours exaspérée, je l'avoue... Mais pas au point de... de... Bon enfin j'imagine que je te devais des explications...ou des excuses, comme tu veux.
- MOI : Bon bah comme ça c'est fait...
- VIEILLE : J'ai parlé avec mon mari...
- MOI : Vous cassez pas la tête, je suis prête à partir...
- VIEILLE : Il veut que tu restes...
- MOI : Ah bon ? Pour faire quoi ? M'occuper de vous ? Berk...
- VIEILLE : Moi ? Mais qui t'a dit que je revenais... ?
- MOI : Je pensais que...
- VIEILLE : Tu penses mal comme toujours... Je dois me faire soigner et j'en ai pour un bout de temps... Je suis transférée ce soir... On ne se reverra pas je crois... Quand je reviendrai, si je reviens, tu auras eu 18 ans, tu ne seras plus là... En attendant, mon mari veut te voir... Il veut que tu restes dans l'appartement en échange de... Tu verras avec lui.
- MOI : Il est où ? Il revient quand ?
- VIEILLE : Tu sais très bien où il est... et il est pas prêt de revenir...
- MOI : Je comprends pas... De toute façon, il croit que je vous ai poussée dans les escaliers...
- VIEILLE : Je lui ai dit et confirmé que tu n'avais rien à voir avec ça...
- MOI : C'est quoi alors ?
- VIEILLE : C'est pas le sujet... Tu m'énerves... Tu gardes le Chien... Tu gardes l'appartement... Tu vas voir mon mari... Tout le monde voudrait avoir la même chance que toi à ton âge...
- MOI : De la chance, mais vous êtes vraiment une connasse... Je vis chez des narcotrafiquants, avec une psychopathe, qui bat son Chien, qui m'envoie des tarots anonymes pour me faire peur, qui se prend pour sa fille et qui veut me tuer avec un marteau...
- VIEILLE : Décidément tu comprendras jamais rien, t'écoutes rien...
- MOI : Vous me dégoûtez... Et pourquoi vous avez changé de comportement après mon retour hein ?
- VIEILLE : Je vois pas de quoi tu parles... De toute façon, on n'a rien à faire ensemble... Je t'ai dit tout ce j'avais à te dire... alors adieu, laisse-moi, je dois me reconstruire maintenant. Et je dois t'oublier... Tu me fais trop de mal...
- MOI : Quel culot ! Vous êtes vraiment une pouffiasse... Je vous souhaite de crever en enfer...
Elle commence à réciter une prière, je bous... Mais finalement l'insulter m'a fait du bien...
- MOI : Mon Dieu qui êtes aux cieux, faites que je ne revoie jamais cette cinglée...
C'est ma conclusion, mes adieux à la Vieille.

Elle a quand même réussi à tout chambouler dans ma tête... Tout...

28 février 2014

VENDREDI 28 FEVRIER 2014 13H45 : FENDRE LE COEUR

Sa porte était ouverte. Elle était assise sur un fauteuil, le regard perdu, tourné vers la fenêtre et la pluie... Quand je suis rentrée, elle s'est essuyé les yeux... un signe qui ne trompe pas...
- MAMIE : Oh Sarah, c'est toi...
- MOI : Vous avez bien l'air bien triste encore...
- MAMIE : Je viens de perdre un ami... Je le connaissais depuis si longtemps... Bientôt ça sera mon tour...
- MOI : Mais non, vous êtes en parfaite santé...
- MAMIE : Je perds un peu la boule, mais ça c'est rien... non ici, je m'éteins à petit feu...
- MOI : On vous maltraite ???
- MAMIE : Non physiquement non, bien sûr... mais on me menace, beaucoup. Je suis pas assez docile pour elles, pas assez invalide, pas assez folle...
- MOI : Mais pourquoi vous êtes là alors ? Pourquoi vous revenez pas dans votre quartier ?
- MAMIE : Comme je perds la tête, je fais et je dis des bêtises, ça fait peur à ma famille, si j'étais eux, j'aurais fait pareil en fait... ils veulent se protéger...
- MOI : Vous protéger plutôt...
- MAMIE : Oui bien sûr...
Un nouveau silence... Je décide de la relancer...
- MOI : C'était qui votre ami ?
- MAMIE : Il y a tant d'années, je l'ai vu démarrer sa boutique de meubles, dans la rue, tu sais,...
- MOI : Mais c'est le père de Kamil ?
- MAMIE : Mais oui, voilà... Je vais à son enterrement demain, je suis contente de sortir malgré tout..., je t'y verrai peut-être...
- MOI : Je le connaissais que de vue...
- MAMIE : Mais tu peux venir quand même non ? Ça me fera plaisir de te voir... C'est presque un cadeau qu'il me fait avec sa mort... Il m'offre une courte sortie à l'extérieur... Je vais en profiter... Je vais faire le plein de liberté, d'air frais...
Elle me fend le cœur. Je ne comprends pas pourquoi elle est là : elle déraille parfois, mais si elle était bien entourée, elle pourrait rester chez elle..., non ?

Oui, ça me fend le cœur... Deux âmes égarées et isolées, voilà le trait d'union qui nous lie.

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