Il a fallu que je me remette de mes émotions avant de décrire la suite. J'ai cru que j'allais faire une crise cardiaque, les palpitations de mon cœur le poussant à sortir de sa confortable cage thoracique...
Le Chien était dans le passage pour nous, mais aussi dans son passage à elle... Le bon bougre...
Ça m'a tout juste laissé le temps de pousser David dans ma chambre. J'ai claqué la porte violemment une fois mon intrus à l'intérieur et moi toujours dans le couloir...
- LA VIEILLE : Casse-toi sale clebs ! Han... Je vais le faire piquer... Demain je le fais piquer...
Pourvu qu'elle ne dise pas vrai... Et là elle me voit la main sur la poignée de ma chambre, immobile, paralysée même, avec un air forcément très coupable...
- LA VIEILLE : Qu'est-ce que tu manigances ?
- MOI : Rien, vous êtes grave parano...
- LA VIEILLE : Alors qu'est-ce que tu fiches dans le couloir ? Plantée comme un arbre là...
- MOI : Euh, j'essaie de comprendre pourquoi ma porte ferme mal...
Oh l'excuse pourrie... j'ai honte. Mais c'est bien connu je n'ai aucune répartie... J'essaie de faire un effort de persuasion :
- MOI : Et puis j'ai pas envie de vous voir venir fouiner dans ma chambre quand je suis pas là, ou quand je dors...
- LA VIEILLE : On a des choses à cacher...
- MOI : Ouais mon intimité...
- LA VIEILLE : Si tu savais comme je m'en fous de ta vie...
Et elle a filé tel un fantôme vers la cuisine. J'ai fait mine de continuer à bricoler ma porte en espérant qu'elle retourne vite fait bien fait dans sa tanière... Et ben non... elle boit un verre d'eau, prend un Bromazépam, et va s'affaler dans le canapé et allume la télé... Il fallait que ça tombe ce soir... alors que tous ces derniers jours elle ne bougeait plus de sa chambre, passées 22h.
Ça me scie... Je me dis qu'il est temps de rentrer dans ma chambre avant d'éveiller les soupçons... Allez j'ouvre la porte, et je me barricade... Mais où est passé David ???
Il est formidablement bien caché sous mon lit en fait. J'allume la musique sur ma tablette et je commence à chuchoter... Une chance dans notre malheur que la Vieille regarde la télé à plein volume...
- MOI : David, tu peux sortir de là...
- DAVID : T'es sûre ?
- MOI : Musique plus télé c'est pas mal pour couvrir nos chuchotements...
Il sort de sa tanière, truffé de moutons de poussière... Je le secoue pour faire partir les moutons...
- DAVID : Hé mais pourquoi tu me tapes ?
- MOI : Chut !!!! T'es tout sale...
Je continue jusqu'à ce que je croise son regard, et là un malaise se crée. Et je m'écarte... Le malaise cède à l'inquiétude :
- DAVID : Comment on va faire ? Imagine qu'elle dorme là toute la nuit...
- MOI : Ça lui arrive jamais...
J'étais étrangement détendue alors que d'habitude c'est moi l'angoissée du duo.
Quelques minutes passent, David se détend grâce à la musique...
- MOI : Ça me fait bizarre que tu sois dans ma chambre...
- DAVID : Je connaissais même pas ton appart', même après tout ce temps... Alors que toi, tu connais tout de moi...
- MOI : Alors tu le trouves comment l'appart' ?
- DAVID : Franchement triste... mais ta chambre est plus joyeuse... et elle sent bon !
Bizarre... alors que j'ai toujours trouvé que ça puait ici... Mais c'est vrai que depuis le passage de la police, les mauvaises odeurs sont parties...
Puis nous avons discuté de musique, puis de cinéma, puis de séries, puis de livres... Et il était déjà une heure du matin. La télé continuait à brailler... pour notre plus grand plaisir.
Nous n'avions pas eu de discussions comme ça depuis cet été au camping... Je le retrouve, je le ressens proche de moi, c'est mon David qui m'a tant manqué.
Mais nous n'arrivons pas à aborder les sujets qui fâchent... son indifférence envers moi quand il est avec ses potes... son baiser brutal d'il y a quelques semaines.
Pourtant à un moment, j'ai eu envie de vérité entre nous, c'était le bon moment... et il y a un truc, comme ça, qui est sorti...
- MOI : Faut que je t'avoue un truc important, que j'ai dit à personne...
- DAVID : Je te promets que ça restera entre nous...
- MOI : Faut que je te dise un truc...
- DAVID : Ouais je t'écoute...
- MOI : Je t'ai menti...
- DAVID : Toi, mentir ? T'en es incapable...
- MOI : Si, je t'ai raconté des cracks sur mes notes de français au bac...
- DAVID : Ben non, tu m'as avoué que tu t'étais plantée...
- MOI : Oui ben c'est pas tout à fait ça...
Et je lui chuchote à l'oreille mes résultats...
- DAVID : Non je te crois pas...
- MOI : C'est vrai cette fois...
- DAVID : Mais pourquoi baratiner là-dessus...
- MOI : Ça me stresse tu comprends ? C'est trop de pression depuis... Y'a le Proviseur qui m'attend au tournant maintenant... comme tous les profs... Je veux qu'on me fiche la paix, je veux rester cachée...
David me regarde avec un œil malicieux :
- DAVID : Et c'était ça ton gros mensonge ?
On a ri, sa réaction m'a soulagée.
Vers deux heures du matin, nous étions épuisés.
- MOI : On peut s'allonger si tu veux, chacun de son côté...
Il a acquiescé. J'ai barricadé la porte avec ma chaise de bureau. J'ai mis un coussin sur le matelas entre nous deux. Nous nous sommes endormis, tout habillés, avec ces 20 centimètres d'épaisseur et de fossé entre nous.