Je ne suis plus dans la cave. David est avec moi, nous sommes très loin...

Il est venu me voir le matin qui a suivi ma 13ème nuit dans la cave, il a sorti de sa poche avec fierté une liasse d'euros :
- T'as braqué une banque ? me suis-je inquiétée.
- N'importe quoi, j'ai vidé mon livret d'épargne.
- Pour faire quoi ?
- On part ensemble très loin, je veux pas voir mon père retomber dans ses travers. Et tous les deux on mérite un été bien meilleur que ça.
J'ai souri à l'idée de m'évader enfin avant de me refermer sur moi-même. Le nuage du drame repassant devant mes yeux... Il a dû lire cette hésitation dans mon regard :
- Sarah ? Qu'est-ce qui va pas ?
- Je veux d'abord que t'ailles voir dans mon quartier...
- Voir quoi ?
- Regarde mon appart', les fenêtres... et dis-moi si les volets sont de nouveau ouverts.
Il avait l'air un peu perplexe face à ma demande un peu étrange... Comme si ces volets savaient parler ! Au fond de moi, je pariais avec mon destin et je jouais à pile ou face entre le courage et la lâcheté, mais aussi entre la liberté, et l'incarcération...

Dans l'après-midi, David est venu me donner le verdict de mon avenir :
- J'y suis allé...
- Alors ??? Dis-moi !!!
- Les volets sont fermés... ça veut dire quoi selon toi ?
- Qu'on doit partir tous les deux, « ensemble et très loin ».
Il a souri, j'ai senti qu'il avait envie de me prendre dans ses bras en se rapprochant de moi. Mais il s'est retenu. Il est allé faire une valise, quinze minutes plus tard, nous étions dehors.

Même si j'avais l'habitude de sortir régulièrement de la cave soit pour me balader discrètement, soit pour aller discuter avec un pot de Nutella dans l'appart' de David, ce pas à la tombée de la nuit fut comme une libération, une sortie de prison après une longue erreur judiciaire...

Un long chemin vers la liberté... ma liberté !

Et voilà la fin provisoire de mon comeback sur mon blog qui s'arrête au 19 juillet pour le moment. Comme je ne souhaite pas que l'on sache où je suis actuellement, je me mets en stand by... Mais mon stylo ne fait pas grève et il se pourrait que les « blancs » se comblent un jour...

J'embrasse très tendrement les inconnu(e)s qui me suivent fidèlement et je promets de raconter la suite...

Je fais un coucou à Jany, Je Rêve qui ont commenté avec inquiétude mon post du 5 juillet. Et je pense aussi beaucoup à Coxycoccinel qui commente si bien mes messages et qui a tant de belles choses à raconter... Et enfin à Paola qui ne m'a pas trahie... J'espère vous retrouver très vite au quotidien.

Afin de communiquer ensemble facilement alors que mon téléphone n'est plus opérationnel et qu'il est tellement ancien qu'aucune batterie actuelle n'est compatible, David l'ingénieux a eu une idée lumineuse, il a sorti du fond de la cave des vieux jouets : des « talkie-walkies »... Même moi je suis trop jeune pour avoir eu ça... je suis née à l'ère des portables !

« Ici Sarah me reçois-tu ? »
« Ici David Tango Bravo Charlie 5 sur 5 !»
Rigolo !

Son père s'absentant tous les jours pendant 2 ou 3 heures à des heures variables, ça me laissait l'occasion de me laver, d'aller aux toilettes, de vider mon seau, de regarder Secret Story, de dévaliser ses placards. Communication et confort...de quoi faire durer le « provisoire »...

Puis chaque nuit à la lueur de la lampe torche je me suis mise à écrire quelques mots que je retranscris ici.

NUIT N°3
Ça sent l'humidité dans cette cave. Mais au moins c'est frais alors que dehors il fait bien chaud. Et oui j'ai droit à une chambre climatisée en fait. De quoi se plaint-on ?

NUIT N°4
Vais-je encore dormir 12 heures cette nuit ? Je n'ai jamais aussi bien dormi chez les Vieux. Il fallait que je goûte au plaisir d'une cave sombre pour découvrir le secret du plein sommeil.

NUIT N°5
Il y a quand même des bruits bizarres la nuit ici... est-ce que ça viendrait des étages supérieurs ? David m'a dit un truc important aujourd'hui : « Soit tu me laisses prendre soin de toi intégralement soit... soit... » J'ai pas eu la fin mais j'avoue que je me laisse porter par lui sans déplaisir. Je n'ai pas d'idée, pas de solution, pas le courage d'aller en prison, pas d'avenir immédiat... Je préfère ne plus penser à ce qui s'est passé il y a une semaine. Lors de mes précédentes aventures en famille d'accueil, tout a toujours fini par dégénérer (cf post « Fondations »). Et cette fois-ci ne va pas déroger à la règle...

NUIT N°6
Il y a plusieurs sortes de bruits la nuit, des grondements sourds, des cris, des petits bruits courts et aigus... de quoi se faire un film... et pas vraiment une comédie !

NUIT N°7
J'ai tellement dormi au début que je ne dors plus. Je retourne ma vie dans ma tête. J'éternue souvent. Les bruits m'évoquent 100 000 choses plus ou moins terrifiantes et me déconcentrent...

NUIT N°8
Je me suis réveillée en pleine nuit car des rats se promenaient sur mon corps !!! J'en suis sûre...à moins que ce soit un rêve... J'ai crié. J'espère qu'on ne m'a pas entendue.

NUIT N°9
Première sortie ce soir... c'était le feu d'artifice du 14 juillet, une tradition pour moi qui a été respectée malgré les événements... Dans la foule de centaines de milliers de Parisiens, impossible de tomber sur la mauvaise personne. De quoi me raccrocher encore un peu à la réalité. Je l'ai savouré comme jamais, ce feu d'artifice, j'en ai même pleuré comme s'il représentait une lueur d'espoir dans le noir de ma cave.
Mais de retour dans mon logis lugubre, je dois faire face à la réalité. Je végète là... Je vais passer ma vie dans une cave ?

NUIT N°10
David m'a dit qu'il y a eu des plaintes émises par les habitants des étages inférieurs de son immeuble, ils auraient entendu des cris il y a un ou deux jours et David me demande si j'ai entendu quelque chose :
- Non ça me dit rien...
- T'es sûre ? Parce que ça les a réveillés plusieurs nuits d'affilée...
- Plusieurs nuits ?
Ça veut dire que je crie toutes les nuits ? Je dois évacuer beaucoup de choses dans mon sommeil...
Aïe je vais finir par me faire repérer !

NUIT N°11
Cette nuit, j'ai été intriguée par un bruit bien particulier. Des voix qui parlaient en langue étrangère, et qui chuchotaient... Très louche !!! J'entends un bruit de claquement métallique. Une porte qui s'ouvre. Ils restent au même endroit pendant assez longtemps comme s'ils cherchaient quelque chose. Puis ils changent de lieu et se positionnent dans la cave juste à côté de la mienne. J'arrête de respirer. Ils forcent le cadenas avec une grosse cisaille. Mon dieu, j'assiste à un cambriolage à 2 mètres de moi !!! Je fais la morte, mais mes yeux fonctionnent bien et je vois parfaitement leurs visages à travers les trous du mur mitoyen, éclairés par leur lampe torche. Leur cambriolage dure une éternité, je les vois commenter des bouteilles de vin avant de les mettre dans une énorme valise. Je dois bien être la seule dans tout Paris à les prendre sur le fait comme ça. Qui dort dans une cave ???
Après cette 2ème cave, leurs valises étaient pleines, ils sont partis. Je n'ai pas dormi le reste de la nuit !!!

NUIT N°12
J'ai raconté le cambriolage à David lors de nos retrouvailles: « C'est bête que ta présence ne soit pas officielle, tu aurais pu confondre les coupables ! » Ça avait l'air de l'amuser mais moi pas du tout. Il l'a vu et a commenté ma réaction : « T'inquiète pas, je vais trouver une solution. J'ai une idée derrière la tête... ».
Pendant ce temps-là je reste tapie dans l'ombre, je me promène vaguement en journée, le plus loin possible de mon quartier. Je passe un peu de temps dans l'appart' de David. Puis je lis des livres dans la cave, ma cave. Non ça ne peut pas durer.

NUIT N°13
Aujourd'hui quelqu'un est venu dans la cave juste à côté et a râlé ! Un voisin de David a dû réaliser qu'on lui avait piqué ses bouteilles de vin. De là à ce qu'il rameute la police...
David m'a dit aujourd'hui que son père ne voulait plus s'absenter de l'appart', en gros il abandonne ses « séances ». Ça me met à nouveau dans une situation difficile... David a l'air très en colère contre son père.
Cette cave est un avant-goût de la prison pour femmes qui m'attend... et ça ne me donne guère envie de tenter le diable...

Ici s'arrête ma retranscription de ces 13 jours et 13 nuits passés dans l'ombre car le lendemain ma vie a basculé... Peut-être à cause du chiffre 13, non ?