Ce soir, fait inhabituel, je travaille, je révise mon oral. Et je stresse, ça ne va pas du tout. Et je pense au bac dans deux mois. Et l'angoisse monte, noue ma gorge, fait gargouiller mon ventre. J'ai les mains qui se mettent à coller... J'ai peur, peur de l'avenir, de toutes ces étapes, de l'inconnu. Je voudrais tellement être une ado banale et insouciante, bête... oui ça serait pratique d'être idiote, frivole, inconsciente... tout vous traverse sans vous toucher.

La cocotte minute va exploser.

Lors de notre marathon hebdomadaire à David et moi (45 minutes pour lui et son grand tour, 15 minutes pour moi et mon très petit tour), un événement a relancé mes inquiétudes.

David s'est stoppé net à un moment pour cracher ses poumons. Une fois soulagé, il n'osait pas me regarder et soutenir mon œil inquiet... aïe ça sent le retour des problèmes...

Et c'est dur de jouer à l'inquisition sur ce sujet. Si j'ai tort, il va me maudire. Si j'ai raison, il va s'enfuir. Bref je suis condamnée au silence...

L'oral de français se rapproche. J'ai beau tenter de m'enfuir, il me rattrape.

Et ça me travaille car je me contente des salades ciboulette de la Vieille en ce moment, le soir. Le pot de Nutella de 750g entamé en début de mois ne bouge plus.

Cette période d'attente et d'incertitude est une souffrance. Ça va me faire maigrir mais à quel prix ?

Décidément je ne suis pas faite pour être mince. Si minceur = souffrance, pas pour moi. Je préfère être grosse et heureuse. Mais quand on regarde les reportages à la télé sur les obèses, on lit entre les lignes obésité = malheur.

Bref je ne sais pas du tout pourquoi je me pose toutes ces questions idiotes ce matin... aux aurores... c'est cet oral qui me stresse. Tous mes vieux démons remontent à la surface.

Vivement les vacances dans une semaine que je fasse l'autruche pendant deux semaines... C'est gros et moche une autruche non ?

Ah stop !!!

En sortant d'atelier, j'ai quand même tenté de m'immiscer dans MON groupe de TPE. J'ai envoyé un mail aux deux minables. La réponse n'a pas tardé... Édifiant.

LA FILLE
« On a trimé comme des dingues, mais le résultat est super. Ils vont adorer. »
MOI
« Vous avez pris quel angle ? »
LE TYPE
« Ben tu découvriras lundi, de toute façon tu t'en moques un peu non ? Nous, on continue à twitter à +»

La claque, une de plus... Il y a comme un petit air de provocation.

Comme ils vont pas me rater dans leur synthèse perso, je vais les dézinguer ces minables. Et en plus j'ai des traces écrites...

Ouf, Fleur de Lys est revenue et elle a l'air très en forme. J'ai eu chaud !!! A un moment je m'imaginais déjà être contrainte de monter sur scène devant 500 personnes.

Le prof de chant nous a réunies toutes les deux en début d'atelier : « Bon, toi la remplaçante dès que tu l'entends chanter, tu l'écoutes, tu t'inspires d'elle. T'apprends les chansons de Fleur de Lys par cœur comme je t'avais dit la semaine dernière et t'écoutes les mélodies originales. Et tu demandes des conseils à l'originale, ok ?»

La vraie Fleur de Lys était un peu choquée qu'on ait déjà tenté de la remplacer alors qu'elle a été éjectée une première fois du rôle principal... Elle n'a rien dit devant le prof, mais une fois seule face à moi, elle a vidé son sac :
- J'en reviens pas qu'on te sorte des coulisses pour me remplacer moi. Il est si pitoyable que ça mon rôle ?
- Mais personne veut te piquer ta place.
- Ben qu'est-ce que tu fous là alors ?
- C'est pas de me faute... mais c'est un peu long à expliquer...
- Ouais ouais ouais, je vois clair dans ton jeu, t'es comme cette vermine qui m'a piqué mon rôle !
- Écoute, je prie pour pas avoir à monter sur scène, c'est un calvaire pour moi. Et je suis pas comme cette pétasse d'Esmeralda...
Elle a eu l'air un peu intriguée par ma dernière réplique, avant de tourner les talons définitivement sans répondre. Elle a sûrement pas envie de se mélanger avec les petites mains qui poireautent derrière le rideau.

Bah si je suis pas comme Alyssa, Fleur de Lys a l'air d'être un peu comme elle finalement. Bah qu'elles se charcutent l'une l'autre alors. Je serai au spectacle...

Le CPE engage une constructive et positive conversation :
- Alors comment ça va ? La piscine tu survis ? Parce que j'ai des gens qui viennent se plaindre, a priori t'es pas la seule à avoir du mal avec l'eau, avec ton corps. C'est dur de se montrer tel qu'on est. Alors je comprends que tu le vives très mal...
Il a une bonne mémoire quand même ce loser (cf post du lundi 25 mars 17h55).
- J'adore la piscine, l'eau, la natation, le prof...
- Hein ? Tu te fiches de moi là...
- C'est une révélation, l'eau m'adore...
- Je comprends plus rien moi...
- Il suffit d'être à l'aise, bien entourée, bien prise en main...
- Je t'avais dit qu'elle était super ta prof...
- Hein qui ça ?
- Bon bah tant mieux, si tu peux te sentir un peu moins mal dans ta peau.
Faut toujours qu'il casse le rêve celui-là avec ses maladresses. Il aurait pu dire « mieux dans ta peau » plutôt qu' « un peu moins mal ». Et il continue :
- Ça me fait plaisir que tu t'épanouisses enfin un peu dans quelque chose. Surtout dans du sport, c'est inespéré !

Pffff ce pataud et ses grosses papattes glissent sur moi telle l'eau pure de mon bassin de « bébés nageurs ».
Il ne m'empêchera pas de frétiller !

Après mon cours d'arts plastoc je filerai voir le CPE. J'ai écoulé tous les sujets de conversation. Je pourrais peut-être lui parler de mon cours d'arts plastoc justement...

Le sujet était le « papier mâché », et là on peut dire que je maîtrise. L'atelier « décors » depuis tout ce temps m'a rendue spécialiste. Même si mes toits de Paris ressemblent à la Cité Interdite de Pékin.

Au programme ce jour : « le papier mâché sert très souvent à représenter du concret, du figuratif. Nous allons tenter aujourd'hui de lui faire exprimer l'abstrait. J'aimerais y voir un sentiment fort de rébellion, de force, de rage ».

Mon papier mâché s'est transformé en tourbillon, un genre de tornade peut-être... et la couleur, ben il restait plus rien à part du rose, tout le monde avait pris des couleurs fortes et agressives. Une tornade rose ? La prof a évidemment fait un petit commentaire en fin de cours sur nos œuvres et la mienne n'a pas été épargnée: « C'est dégoulinant de sentiments tout ça... les mouvements, la couleur, tout y est et pourtant c'est pas la Saint-Valentin ! Mais je comprends qu'en période de crise, l'amour soit la plus grande rébellion, c'est original Maria en tout cas! »

Ouf elle a oublié mon prénom et revoit un peu de positif quand elle s'approche de moi et me décrypte.

Ben j'ai vraiment pas fait exprès, la couleur je l'ai pas choisie !!! Il aurait suffi qu'il reste du marron et mon tourbillon serait devenu un crotte géante ! Une bouse plus vraie que nature ! Voilà ce qu'aurait pu être la vraie rébellion !!!

Bon je vais pas parler de ça au CPE, mais j'ai une idée !!!!!

Ma nuit était pleine de coton chatoyant, de frissons bouillants... IL était sûrement dans mes rêves. Mince, David est en train de me regarder avec un air de chien battu comme si je lui avais fait du mal...

Han... il a dû lire ce que je viens d'écrire... je suis en plein cours et j'ai le cerveau ailleurs.

En sortant de cours je me précipite sur mon blog. Cette séance de sport est allée au-delà de mes espérances.

J'avais bien en tête de surveiller Ashley et Alyssa en début de cours... J'ai été servie !!!

Je me suis postée derrière tout le groupe pour avoir une vue d'ensemble. Et là je vois Ashley bien au fond comme moi, un peu à l'écart même. Elle ne voit pas que je l'observe. La prof fait l'appel :
« Alyssa Rinaldi... Alyssa ? »
« Présente »

Le son vient sans aucun doute de la bouche d'Ashley qui a mis sa main pour assourdir sa voix, ce qui la rend méconnaissable. Puis la prof l'appelle :
« Ashley Victor »
Et là, la peste répond « présente » à pleine voix.

Tout le monde n'y a vu que du feu... sauf moi !!!

Il fallait y penser, il fallait oser.

Ashley remarque que je l'observe d'un petit œil amusé mais détourne le regard.

Décidément j'ai un dossier sur ces deux pétasses, et le coup de l'alternance, je vais pas me priver le moment venu...

Mais là tout de suite, c'est mon moment à moi qui vient... un moment de volupté, de bien-être, de douceur, de confiance, d'excitation...

Ce moment tant attendu toute la semaine... mes retrouvailles avec le beau Grégoire.

Il était là, il nous attendait avec impatience... lui aussi a dû trépigner toute la semaine...

Non, n'importe quoi !

N'empêche qu'il était encore plus beau que la semaine dernière, encore plus attentionné. Il a dû citer mon prénom une bonne dizaine de fois... je plane...

Et en fin de cours j'ai eu un incroyable compliment qui m'a fait rougir : « Sarah, t'as vachement progressé, t'es comme un poisson dans l'eau maintenant ».

Jamais on ne m'avait parlé comme ça, mes gros gigots ne touchent plus terre, je suis une plume. Ah, qu'il est bon de se sentir appréciée, presque désirée...

Ça y est, c'est officiel, je suis une greluche. Je suis devenue tout ce que j'ai raillé ces derniers mois.

N'empêche qu'au moment de se dire au revoir, il a été tendre : « Bon on se revoit la semaine prochaine mes petits poissons ! Sans faute ? »

Je me suis empressée de répondre en chantant comme une pie: « Sans faute ! ». J'ai dû être ridicule car deux autres bébés nageurs ont suffoqué de rire dans mon dos suite à ma phrase d'emphase.

Qu'est-ce que vous voulez, je ne contrôle plus mon enthousiasme.

Quand il a fait un petit geste de la main en nous quittant, il ne regardait que moi...

La baleine devient sirène...

Je me demande si je vais retrouver mon maître-nageur canon en sport cet après-midi. Ça me détendrait un peu... qu'un Apollon s'occupe de moi.

En plus je ne peux pas m'empêcher de penser à Plus Belle la Vie en ce moment où une élève sort avec un prof de sport. C'est trop romantique...