MERCREDI 24 OCTOBRE 17h50 : UN LIVRE OUVERT JE VOUS DIS!

En cours d'arts plastoc, j'avais la tête ailleurs. On était encore sur le fusain que la prof foldingue adore. Mais elle voulait de l'abstrait cette fois! Et notre état d'esprit du moment. Ah ben là j'ai pas manqué d'inspiration. Mais sans me rendre compte, j'ai dessiné un visage.

Évidemment le Tatoué est venu faire son tour d'inspection à un moment et j'ai eu droit à ma petite remarque perfide : « Abstrait elle a dit la prof! »

C'est vrai que son travail était abstrait! La prof a beaucoup aimé son chef d'œuvre, de quoi redorer son blason terni par les semaines précédentes. Et il se régalait d'avance des commentaires de la prof sur mon hors-sujet qui ne tarda pas à tomber : « Mon Dieu c'est votre état esprit? Vous êtes très tourmentée, ça se voit! » dit-elle avec un ton navré. Le Tatoué se réjouissait de la tournure des événements et lançait des regards complices et satisfaits à sa copine gothique.

Alors que la sonnerie marquait la fin de cette parenthèse créative, la prof ajouta un mot, perplexe sur mon travail :
- Marine, c'est beau la culpabilité en art! Mais vous devez communiquer!
- Moi c'est Sarah!
- Allez vous excuser, demander pardon, ça soulage et parfois ça marche!

Elle m'a sciée. Et elle a scié le Tatoué aussi. Il y avait bien un compliment caché derrière tout ça.

Et puis quelle lucidité cette folle!

David était en train de discuter avec le type au skate de l'autre jour, celui qui me l'avait prêté pour poursuivre les voleuses de mon cahier. Je me suis plantée devant eux! Sans rien dire. Le skateur m'a fait un salut réglementaire genre « qu'est-ce que tu fous là » :
- Bon David je compte sur toi, conclut le skateur.
- Ok, dit-il gêné par ma présence.
- Allez à plus!
Le skateur met les voiles et je prends mon courage à deux mains :
- Je suis désolée, je voulais pas te blesser.
- Oui je t'ai lue.
- Ben oui ça aussi je suis désolée.
- Tu veux toujours essayer mon blouson?

Je m'en fous de son blouson, mais j'ai été obligée de dire oui. Il m'a demandé s'il pouvait me l'apporter vendredi après les cours. Je lui ai proposé qu'on se retrouve au Rialto, en terrain neutre. Et il a conclu par un « Salut à d'main ». Et moi j'ai bredouillé un truc du syle « Salut à plus ».

J'avais le coeur qui battait, et puis quelques instants après je me suis sentie plus légère, libérée d'un poids.

Comment je vais me sortir de cette histoire de blouson :
« Il est superbe mais je veux pas l'abimer » ?
« Il est classe mais tu vois bien, il me serre un peu, j'ai pris qqs kilos ces derniers temps » ?
« Il est ringard, c'est trop la honte, mais merci quand même, ça partait d'une bonne intention »
Bref un nouveau guet-apens entre lui et moi.