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16 ans, grosse & moche!
28 avril 2013

DIMANCHE 28 AVRIL 21h45 : UN AMI ABANDONNE

J'ai eu le courage d'aller sonner chez lui. A l'interphone, c'était sa voix :
- C'est quoi ?
- C'est moi, Sarah.
- Ouahhh c'est Sarah ! Super ! Monte ma douce !
Ça annonce la couleur, il est sous l'emprise de l'herbe, c'est sûr. « Ma douce »... n'importe quoi !

Pas de doute ça sentait l'odeur du foin humide avec une pincée d'herbe de Provence. Avec lui je commence à masteriser le sujet. Mais le pire est qu'il tente de me le cacher dans un nuage de fumée :
- T'as l'air plus zen que la semaine dernière.
- Ouais j'étais speed, mais là ça va super bien, je glande ma race. Désolé ma pote, pour ma bad mood la semaine là..., dit-il en allant s'écraser sur le canapé rempli de brûlures de cigarette.
Voilà une expression qu'il utilise jamais avec moi, « ma pote ».
- Tout va mieux alors ?
- Au top, au firmament du bonheur.
Et il ricane sottement.

Je réalise à quel point j'apprécie mon VRAI David surtout quand il me manque... Là il a mis les voiles et cette copie fumeuse, enfumée et fumiste a pris sa place.

Je réprime mon envie de lui rentrer dans le lard. Ça serait pas constructif. Mais je tente d'établir le dialogue avec son double, ou plutôt de le ramener à la réalité :
- T'as commencé à réviser la Science ?
- Non tu vas pas nous gonfler, c'est les vacances là... keep cool !
- Parce que moi je comprends rien et faudrait que tu m'expliques...
- Pas maintenant Sarah !
- Mais ça m'obsède...
- Tu deviens chiante...
Bon, j'en fais un peu trop. J'essaie de lui remettre les idées en place d'une drôle de façon. Je suis un peu comme une tasse de café très serré.

Je ne le reconnais pas, certes, mais il doit pas me reconnaître non plus. Il a quand même raison, j'ai envie de le faire chier, y'a pas d'autre mot. Je suis tellement déçue qu'il ait replongé.

Dans l'état où il est, ça va être difficile d'avoir une conversation de fond, alors je tente la surface :
- Tu vas faire quoi pendant ces vacances ?
- Me détendre et aller au cinoche avec toi.
- On pourrait aller courir un peu non ?
- Hein c'est toi qui me demandes ça ?
Non non non, je suis pas crédible du tout. Et puis une pensée curieuse me traverse l'esprit :
- Il est où ton père ?

Il me répond pas. Il ne veut pas me répondre. Il part sur un autre sujet, les films qu'il voudrait voir... Mais je m'avoue pas vaincue :
- Ton père ça va ?
- Pffff, mais t'as vraiment décidé de me plomber aujourd'hui...

Aïe, je voulais surfer en surface mais j'ai mis le doigt sur un sujet de fond visiblement. Mon instinct peut-être... Le silence s'installe, sa bonne humeur s'estompe, il sent mon regard sur lui qui tente de percer à jour ses secrets et ses démons et il lâche le morceau :
- Il est pas là en ce moment...
- Tu vis tout seul ???
- Ouais et c'est top, tu devrais essayer...
- J'adorerais mais je suis pas sûre que ça réussisse à tout le monde...
Bien sûr que je parle de lui...
- Ça fait combien de temps qu tu es tout seul ?
- Oh je compte plus...
Là il m'inquiète :
- T'étais tout seul la semaine dernière ?
- Oui, pourquoi ?
- Comme ça...
Il doit peut-être voir où je veux en venir malgré les vapeurs.
- Il est où ?
- Je t'en pose des questions !
- Parce que je pourrais peut-être me débarrasser de mes Vieux comme tu l'as fait !!!
Il rigole quelques secondes, ça détend la tension qui commençait à monter, puis je vois la tristesse l'envahir.

Je viens m'asseoir à côté de lui sur ce canapé pourri. Et j'entends sa respiration trembler.
- Ça fait plusieurs semaines..., dit-il avec des sanglots dans la voix.
- Tu vis tout seul depuis plusieurs semaines ? Mais pourquoi tu m'as rien dit ?
- Je voulais pas t'inquiéter...
- Mais au contraire... j'aurais pu t'aider, venir te voir ici...
Ma dernière phrase le fait craquer, il se met à pleurer.

Décidément j'ai le chic pour faire pleurer les gens que je croise en ce moment, de près (cf post du 21 avril avec Kamil) comme de loin (cf post du mardi 23 avril dans la piscine, le type que j'ai cogné au bras involontairement a essuyé des larmes!).

Dans ce genre de moment je suis toujours désemparée. Je n'ose pas toucher les gens, ce n'est pas naturel, je sais pas faire. Alors encore une fois, je viens coller mon bras contre le sien. Puis je colle ma cuisse. Et cette douceur que je tente de transmettre lui fait encore plus lâcher les vannes et il colle sa tête sur mon épaule. Et nous écoutons une musique triste à la radio.

C'est un silence complice plein de vérité. Mais une fois la chanson terminée, l'ambiance se casse avec un rythme différent. Et il relève la tête.

On ne dit rien, on se laisse bercer par la musique moins triste, plus entraînante. Je commence à me demander en écrivant ces mots si les vapeurs de cannabis n'étaient pas en train d'agir sur moi tout à l'heure...

Il m'a regardée à un moment avec un air coupable et j'ai tenté de lui dire avec les yeux que c'était pas grave et ça l'a encouragé à révéler quelques petites choses :
- Il est à l'hôpital...
- Pourquoi ?
- T'as vu l'état dans lequel il était quand tu es venue il y a quelques semaines. (cf post du 19 janvier « choc brumeux »). Fallait faire quelque chose. Je l'ai trouvé un soir en rentrant, inconscient. J'ai appelé une ambulance. Coma éthylique.
- Il est en cure alors...

C'est horrible. Ce type est presque orphelin finalement. Ça me bouleverse. Mais lui, il n'a personne pour prendre un peu soin de lui.
- On va s'en sortir, t'inquiète pas.

C'est moi qui ai dit ça ? C'est une phrase d'adulte. Qu'est-ce que je voulais dire par là ?

Le temps a passé très vite, et il fallait que je rentre dîner. Au moment de partir il s'est mis à s'angoisser :
- C'est vrai, tu m'aideras un petit peu ?
J'ai acquiescé.

Mais sur le chemin du retour je me suis posé mille et une questions. Comment l'aider ? De quoi a-t-il besoin ? De soutien ? D'aide matérielle ? Je ne sais pas, je suis perdue... Comment fait-il pour vivre depuis toutes ces semaines : se nourrir, s'occuper de lui-même, avec quel argent ? Finalement j'ai été prise d'angoisses... heureusement que j'étais plus avec lui à ce moment-là sinon il l'aurait senti.

Mon Dieu, je suis aveugle, c'est mon ami et je n'ai rien vu venir à part la semaine dernière. Je n'ai vu que le retour de la fumette en gros. Ben oui, je suis tellement centrée sur ma petite personne, ma grossitude, ma mochitude et ma nouvelle cruchitude que je n'ai absolument rien vu de ce qui se passait à côté de moi.

L'anxiété bat son plein, David a dû m'en donner un peu et j'ai dû absorber ses mauvaises ondes. Vite, il faut que je retourne chez ma kiné : un peu de massage du genou et beaucoup de massage du cerveau...

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