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16 ans, grosse & moche!
3 janvier 2013

JEUDI 3 JANVIER 12h25 : FONDATIONS SUITE ET FIN

Était-ce vraiment une bonne idée de remuer toute ces souvenirs poubelle? Un bon moyen de faire un cauchemar cette nuit.

Encore quelques appels en absence, qui apparaissent malgré mon téléphone éteint cette nuit. L'étau se resserre sur moi je le sens. Et tout ce harcèlement téléphonique ajouté aux Tarots me fait froid dans le dos. Mais il n'y a pas assez pour porter plainte... non?

Je suis allée prier à l'église pour que ce ne soit pas LUI.

Les mois ont passé dans cette ambiance tendue au foyer dont je parlais hier. Je me suis pris de nombreuses remarques toutes plus subtiles les unes que les autres, jamais directement, mais à haute voix juste à côté de moi, comme si je n'étais pas là. C'est pire... Ce qui me revient là : « elle a trois seins », « personne voudra la secouer », « elle est gonflée non? Sur un bateau avec elle tu coules pas » « Non tu peux t'en servir comme ancre en cas de tempête », « on pourrait nourrir un petit éthiopien avec toute cette viande »...

Oh je pourrais me dire qu'ils ne parlaient pas de moi, mais la voix qui hausse le ton quand j'approche, les rires niais, l'absence de regard et la virulence de Rémy dans le débat...

J'avais quinze ans quand ça a commencé, puis seize ans, des années où on se pose des milliards de questions sur son physique, où on se juge, on se jauge. Que faire de ce bagage? Comment ne pas accumuler de la haine et du dégoût pour soi?

Mes notes ont baissé, je me suis recroquevillée petit à petit. Mon seul refuge, le plaisir solitaire de la bonne nourriture. A la fin de l'année, je n'avais pas d'autre choix que de passer en 1ère L. Aucune autre voie n'était possible à part les mots et leur science. Mon dernier trimestre de seconde a été particulièrement mauvais.

Fin juin, les élèves deviennent hystériques, et la fin des épreuves du bac marquent l'explosion après la surpression. Et Rémy achevait son année de 1ère...

Parallèlement Rémy m'ignorait depuis plusieurs semaines pour mon plus grand bonheur! La rumeur courait qu'il avait trouvé une copine! Ah voilà le secret du bonheur! L'explosion de la cocotte-minute « post-épreuves anticipées du bac » allait être pour sa copine... et heureusement pas pour moi!

Un soir après le dîner j'étais seule dans ma chambre, ma roommate étant partie en tout début d'été dans un camp de rétorsion censé la remettre dans le droit chemin après une altercation avec un éducateur. (C'est ce qu'elle m'avait affirmé... mais elle était un peu mytho, genre ma vie est un feuilleton). Je lisais et je me suis fait surprendre par une entrée discrète dans ma chambre. C'était Rémy, visiblement très éméché. Je sursautai, ce qui lui donna un ascendant supplémentaire sur moi :
- Viens là ma petite chérie, viens m'admirer, hein que je suis beau! bégaya-t-il lourdement.
- Casse-toi!
- Laisse-toi faire, tu reverras pas ça de sitôt chérie.
- Et ta copine ?
- Laisse tomber cette salope. Saaaaaalooooope, toutes des salopes.

Mon cœur monta en pression graduellement à chaque seconde passée. Chaque battement me donnait un spasme dans tout mon corps. En une seconde je sortis de mon lit en mode auto-protection, m'éloignant le plus possible de lui. Mais il s'approcha :
- Va-t-en tout de suite!
- Mmmmh t'as une paire de ... de tu vois ce que je veux dire...

Si l'alcool embrumait son cerveau, son corps était à l'inverse plus vif que d'habitude. En un instant il me plaqua contre ma table de chevet, je tombai avec lui au sol, il commença à passer sa main sous mon T-shirt et à toucher mes seins en tentant de m'embrasser. Je n'avais pas la force physique de le repousser. Et je cherchais une solution, j'hésitais entre m'abandonner à l'horreur de ce qui pouvait continuer à se passer ou réagir. Tout ce qui me vint à l'esprit était la paire de ciseaux qui était dans le tiroir de ma table de chevet juste au dessus de ma tête.

Abandonner semblait tellement plus facile que de réagir. Pendant un instant il prit l'ascendant sur moi alors que je détournais la tête pour ne pas le voir. Ses mains continuaient à toucher la peau de mon buste. Comme je me calmais, sa force baissait. Un bras salutaire se dégagea de son poids et arriva en une fraction de seconde à tirer et faire tomber le tiroir. A ce moment là, il reprit le dessus totalement avec sa force herculéenne. Mais les ciseaux, empruntés à la cuisine, et tombés du tiroir, étaient là, pointus, devant mes yeux, alors que ses mains se dirigeaient vers le bas de mon ventre.

Ma main attrapa les ciseaux, il me vit réagir, et se protégea d'une paume de main, mais c'était trop tard, mon mécanisme de défense était enclenché et je lui plantai l'objet coupant dans la main!

Bien sûr ma force ne me permit pas de l'enfoncer durablement, mais suffisamment pour le faire hurler et le faire se relever.

Trente secondes plus tard, un éducateur rentrait dans ma chambre et nous hurlait dessus en nous mettant dans le même sac. Le sang faisait paniquer tout le monde. Rémy était aux bords des larmes et criait que j'étais folle, mais son ivresse ne faisait aucun doute. Et moi je respirais comme un animal sauvage, le visage rouge et dur, sans larme.

Le soir-même Rémy fut emmené ailleurs et moi je fus considérée comme une pestiférée psychopathe. Mes justifications ne suffisaient pas, le doute restait : pour tout le monde nous étions responsables, Rémy et moi, de ce dérapage.

Je n'avais pas suffisamment d'argument pour me disculper lors de la confrontation avec Rémy qui joua parfaitement à l'ange séducteur. Deux éducateurs, et deux assistantes sociales assistaient à cette audience cinq jours après les faits :
- J'étais certes un peu éméché, mais je m'en souviens très bien.
- Tu puais l'alcool, tu bégayais!
- La menteuse! Je voulais faire la paix. Elle est partie en vrille car j'ai une copine super belle et que je me désintéresse d'elle depuis quelques temps.
- T'es taré. Tu me dégoutes...
- Y'a qu'à comparer son physique et le mien...
Un éducateur ne put s'empêcher de ricaner à cette dernière remarque mais les trois autres le regardèrent de travers.
- Voilà la blessure que m'a faite cette folle! J'ai failli perdre ma main!
C'est le seul élément qui jouait en ma faveur : sous le pansement, cinq jours après le drame, il restait une égratignure de fillette seulement! D'ailleurs Rondin qui comptait parmi les deux AS, leva les yeux au ciel en voyant la dernière trace.
- Je vais porter plainte pour tentative de meurtre contre cette dingue!
- Je vais porter plainte contre toi pour tentative de viol...
- Pfff dans ses rêves, avec ce qu'elle supporte comme poids, même bourré j'y arriverais pas...
- SUFFIT! lança l'autre éducateur. Vous êtes ridicules! Pourquoi t'as pas crié Sarah?
- Ben oui ça c'est vrai pourquoi elle a pas crié c'te fille?
- Tais-toi, tu t'en souviens même pas.

Malheureusement je ne pus jamais répondre à cette question : pourquoi n'avais-je pas hurlé au secours plutôt que de tenter de le poignarder en auto-défense. C'est vrai ça? Je n'ai pas crié, il l'a fait. La paralysie, la honte? Peut-être, avec le recul, c'est le fait que je n'avais jamais crié de ma vie, que je n'avais jamais entendu mon cri, que je ne m'en croyais pas capable. Ma voix ne pouvait pas sortir de mon corps.

On m'envoya chez le psy avec lequel j'eus du mal à coopérer. Le psy en conclut que je n'étais pas faite pour vivre en communauté et qu'il valait mieux me placer dans une famille d'accueil sans enfant. Il fut convenu que je serais celle qui change de foyer provisoirement avant d'aller dans une famille de dernier espoir.

Même si Rondin ne me dit jamais ce qu'elle pensait de tout ça, l'accumulation de casseroles contre moi fit naître un doute définitif dans sa tête. J'imaginais bien ses doutes : cette fille peut-elle passer à l'acte? Est-elle violente au fond d'elle?

Et je déçus la seule personne qui comptait un peu pour moi.

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Commentaires
G
Eh bien quelle "aventure"... C'est heureux que tu aies pu stopper ton agresseur, même par un acte. Il n'est pas arrivé qu'à toi que les cris ne sortent pas alors qu'il faudrait. Je dirais que c'est une sorte de paralysie... Une sidération.<br /> <br /> Pour surmonter tout ça, et ses conséquences, il te faudra du courage... Mais aussi peut-être de l'aide. Il y a des "psy" bien, avec qui quelque chose passe, et qui peuvent être d'une aide précieuse - surtout quand on a encore peur.
B
Quoi que vous ayez entendu de pas jolis sur vous, il y a une chose qu’il faut enlever de votre blog...16 ans grosse et moche...c’est ce qui s’affiche quand on met votre blog en favori, moi j’ai remplacé cela par Sarah, à la limite vous auriez pu mettre...je ne me sens pas belle, mais je sais au fond de moi-même que je suis belle...la beauté est dans un regard, un regard pétillant à la vie fait fondre n’importe qui et il devient communicatif, une deuxième chose alors arrive, le regard de l’autre qui devient miroir, là vous verrez que vous êtes belle...<br /> <br /> Il y a quelques années j’ai joué à l’artiste peintre en faisant du portrait et nu féminin, un jour j’ai eu un modèle proche de la perfection physiquement, mais une pétasse qui se savait belle, incapable d’exprimer un sentiment dans un regard, je n’ai pas fais de beaux dessins avec elle, au final j’ai trouvé cette fille laide...<br /> <br /> Ce que vous avez vécu va vous rendre plus forte dans l’avenir, vous n’avez pas choisi d’être trimballée de foyers en familles d’accueils, la vie et les humains sont souvent injustes, après la pluie le soleil dit on...quand le soleil sera là, vous l’apprécierait plus fortement que ceux et celles qui ont eu une enfance et adolescence « normale « ...
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