Vers 19h, je reçois un SMS de David...
« C'est bizarre, tous tes volets sont fermés... Je suis sur notre banc... »

J'hésite un peu avant de descendre. Mais s'il est là c'est qu'il a besoin de moi. Alors je me fais violence et je le rejoins...

Moi qui m'attendais à un David en souffrance... Non, il est ému et joyeux.

- DAVID : Tu sais, j'ai eu un bon résultat au bac... J'ai bien fait d'avoir changé de filière entre la 1ère et la Terminale... C'est ce qu'aurait voulu ma maman...
- MOI : Tu m'as manqué, un petit peu... Mais ça nous a permis de nous faire de nouveaux amis...
- DAVID : Y'a un truc que je voulais partager avec toi... Ma mère elle m'a écrit une lettre pour le jour où j'aurais mon bac... Mon père m'en a parlé, elle était chez le notaire..., j'y suis allé vendredi après-midi...C'est trop beau... J'aimerais la lire avec toi...

« Mon cher fiston adoré
Si tu reçois cette lettre c'est que je ne suis plus de ce monde.

J'ai souhaité rester à tes côtés tout au long de ta vie... C'est le seul moyen que j'ai trouvé.

Si tu as cette lettre c'est que tu viens de passer ton bac. Un moment important. J'aurais voulu être avec toi et partager le succès que tu mérites tant.

Avant de te quitter, je voulais pouvoir te faire un beau cadeau pour le diplôme que tu as eu haut la main... Dans mon testament, j'ai fait mettre de l'argent de côté pour ce jour particulier. J'en ai parlé avec Papa, il sait, mais il n'a pas dû tout de dire.

J'espère que tu as préparé un bac S, si c'est le cas, je suis sûr que tu as une mention Très Bien.

J'ai voulu te récompenser... Cet argent qui va se débloquer devrait te permettre de faire le voyage dont tu rêves tant...

Quand tu seras en haut de l'Empire State Building... pense à moi.

Je t'embrasse très fort mon fils. Ce n'est qu'un au revoir.

Ta maman qui t'aime »

Je dois essuyer une larme...
- DAVID : Je savais que ça te toucherait...
- MOI : C'est vrai, c'est très beau...
- DAVID : J'aimerais tant que tu viennes avec moi...
- MOI : Où ça ?
- DAVID : Ben à New-York...
- MOI : Je suis conne, l'Empire State Building, bien sûr...
- DAVID : Alors ?
- MOI : Tu sais bien que j'ai pas d'argent pour ça... J'ai déjà tellement de mal à joindre les deux bouts...
- DAVID : Je comprends...

Nous avons eu une belle heure complice ensemble malgré la pluie. Je suis très touchée qu'il ait partagé ça avec moi. Je me demande s'il l'a aussi partagée avec sa copine... Est-ce qu'il lui a dit aussi qu'il voudrait qu'elle l'accompagne ?

Il a conclu avec finesse... : « Bon je te parle pas de ton bac, t'as l'air toute retournée à ce sujet, mais je suis là si t'as envie d'en parler. »

Ce qui me touche encore plus... c'est le fait que même décédée, sa maman est avec lui... David a des racines. Un mot que je ne connais pas.

Le code de la porte cochère sur la rue a changé depuis le 1er juillet... C'est pour ça que plus personne ne vient frapper chez moi à l'improviste ! Mais je dois avouer que cette pause sociale me fait du bien dans cette crise existentielle...

Toutefois, sans aller au bout d'un processus combattif et courageux, j'ai décidé d'appeler Ash avec une idée derrière la tête...
- ASH : Hé vieille branche qu'est-ce que tu deviens ?
- MOI : Je me cache...
- ASH : Pourquoi ? Tu t'es plantée ?
- MOI : Bah... c'est pas ce que tu me disais par geste vendredi ? Tu étais au panneau...
- ASH : Euh non on s'est pas bien comprise... Je te parlais de moi et de mon rattrapage... Ne me dis pas que tu sais pas si t'as ton bac ou non ?
- MOI : Les 3 Pestes étaient très explicites...
- ASH : Ah oui, elles sont venues me charrier aussi... Elles m'ont affirmé que dans notre club il y avait une recalée, deux oraux de rattrapage et une reçue... Celle qu'on attendait pas ! Fatima ! Les 3 morues, elles se pavanaient, toutes reçues !
- MOI : Ouais bon bah c'est clair... Je pense qu'elles inventeraient pas une histoire pareille...
- ASH : Ben non ! Elles ont vérifié tous nos résultats à nous 4... C'est de l'acharnement !
- MOI : Je me suis enfuie quand j'ai vu ça...
- ASH : Ah bah oui tu m'as laissée en plan avec ces 3 morues...
- MOI : Bon... Je voudrais être sûre que je suis pas en oral de rattrapage...
- ASH : Tu t'es pas connectée ??? Je te suis pas trop... Mais bon. Quand j'ai vu que j'étais en rattrapage, j'ai vérifié dans la liste des oraux si tu y étais aussi... J'aurais adoré qu'on révise toutes les deux... Mais non t'y étais pas...
- MOI : T'es sûre ?
- ASH : Ah bah oui, je cherchais ton nom, et j'ai vérifié deux fois...
- MOI : Ça veut dire que je suis recalée définitivement...
- ASH : Ouais c'est chelou, je te voyais aller très loin... Mais bon le bac c'est une grande loterie.

Voilà, je l'ai fait, j'ai pris mon courage à deux mains, à ma manière... C'est mieux comme ça que de voir un énorme « NON ADMISE » sur le panneau d'affichage et sur Internet.

Fin du périple d'hier soir...

Je file à l'anglaise, sans rendre l'appareil à la vieille bique. Je me précipite à mon étage. J'attends que la lumière de mon palier s'éteigne... Et j'ouvre ma porte...

Rien. Je n'allume pas ma lumière... Je me dirige vers ma chambre à pas de loup...

Et là, je suis éblouie par un laser rouge qui se fixe tout droit vers moi... Je me jette à terre, réflexe de survie !!! Le laser s'est immédiatement éteint. Je n'entends aucun bruit. Le laser vient de la fenêtre de ma chambre sans aucun doute.

Mais le bruit des parents Lawson résonne brutalement dans le couloir. A deux étages près, je reconnais le rire de Mrs Lawson dans le hall d'entrée pendant que le couple patiente pour l'ascenseur, un rire à vous transpercer les tympans.... Aïe !!!! Encore une bêtise irréparable ???

Je me précipite sur le palier... Ils prennent l'ascenseur, je monte à pied...

Un vrai défi sportif... monter plus vite qu'un ascenseur... Quand il arrive, j'arrive aussi. Juste le temps d'ouvrir la porte... et faire croire que je leur ouvre...
- MOI : Ah ? Déjà ?
- MRS LAWSON : Comment va Jessica ?
- MOI : Elle dort à poings fermés, aux dernières nouvelles...

Évidemment, à ce moment-là, elle sort de sa chambre, tout endormie... le pyjama trempé... Elle a fait pipi au lit !

Le retour dans mon appartement me terrifie. Pas de laser... Je marche à quatre pattes... Ridicule ! Mais on n'est jamais trop prudent.

Et je finis par fermer les volets de toutes les fenêtres qui donnent sur la rue.

Impossible de trouver le sommeil avant 5 heures du matin ou bien 6 heures... Il faisait jour en tout cas.

J'ai fait des cauchemars bizarres qui n'avaient rien à voir avec le laser... Un rêve où l'air à l'extérieur des bâtiments n'était plus respirable... Angoissant !

Je me suis réveillée vers 13 heures... la tête toute gonflée !

Je n'ose pas rouvrir les volets... Mais au bout d'une heure, cette prison m'étouffe ! Le meilleur moyen d'avoir un contact avec la lumière du jour sans risque c'est de rallumer... ma tablette, et mon téléphone !!!

Je découvre de nombreux appels sans message. Mes amis s'inquiètent.

Je découvre de nombreux posts que je lis mais que je tente d'oublier... Vous seuls avez de l'espoir et je ne veux pas le partager. Trop peur d'être déçue.

Mais il y a une remarque juste qui trotte dans ma tête... Je ne me pardonnerais pas de rater l'oral s'il devait y en avoir un...

Je vais devoir affronter la vérité... Mais je ne veux pas... Pourquoi ? Parce que justement, ne pas savoir me laisse un espoir...

PS : No comment...

En temps normal, j'aurais gardé cette idée-là pour moi... Mais mon échec me donne des ailes, c'est bizarre... J'ai sûrement des trucs à prouver, à moi surtout !

Une fois l'hypothèse du faisceau acquise, je me suis précipitée à une fenêtre de l'appartement Lawson...
Il était 22h15... le faisceau était bien là... Tourné vers mon immeuble !!!

Mon sang n'a fait qu'un tour. Je suis allée vérifier que la gamine dormait... bingo ! A poings fermés ! Direction les étages inférieurs...

La semaine dernière, quand j'avais fait le babysitting ici et que j'avais remarqué le faisceau rouge, j'en avais déduit qu'il ne pouvait se diriger qu'entre le 1er étage et le 3ème étage, pas plus haut ! (cf SAMEDI 28 JUIN 2014 1H05 : LES JUMELLES DE JESSICA...)

Alors je me fais violence et je me décide à aller sonner chez mes voisins du dessus et du dessous...

DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIInnnnnggggg. C'est le 3ème étage. A priori les voisins sont là... j'entends la télé branchée sur Fort Boyard... Et puis il y a des chuchotements derrière la porte... Ils sont sûrement en train de décrypter tous les boutons qui sont sur mon visage... Je leur offre mon plus beau sourire à travers le judas... La porte s'ouvre...

Je découvre un petit couple assez jeune, au look très classique, limite ringard avec des chemises à carreaux... Le type a un pantalon rose et des chaussures bateau, et la fille porte une jupe qui descend jusqu'aux chevilles... Un look typique qu'on croise dans le XVIème à Paris... Et pourtant je ne suis pas un as de le mode !!! Un petit garçon, sûrement leur fils, est en train de regarder la fin de Fort Boyard... J'observe l'appartement afin de vérifier si les portes des pièces qui donnent sur la rue sont ouvertes... Il y a un drapeau familier dans un coin... rose avec une famille traditionnelle dessus... un papa, une maman et deux enfants au milieu ! J'ai déjà vu ça quelque part... Mon Dieu ! La « manif pour tous »... il y en a même dans mon immeuble !!!
- PÈRE : Mademoiselle ? Vous désirez ? Vous cherchez quelque chose ?
- MOI : Euhhhhhhhhh... désolée... bonjour... euh...
- MÈRE : Je vous reconnais, vous êtes la fille qui habite juste en dessous...

A partir de ce moment-là, les deux parents se détendent un peu... Il faut dire que mon comportement intrusif n'inspirait pas confiance. Je prends mon courage à deux mains :
- MOI : Je veux pas déranger... Je voulais savoir si vous aviez remarqué quelque chose d'inhabituel ?
- PÈRE : Du genre ?
- MOI : Euh ben par exemple un laser rouge par la fenêtre... ???
- MÈRE : Quoi ?

Leurs visages nouvellement détendus se retendent... Faut dire que j'ai vraiment l'air louche avec mes questions fumeuses...
- MOI : Y'a un laser rouge qui part de l'immeuble d'en face et qui me gêne pour dormir... Je me demande si vous avez ce problème... ?
- PÈRE : Je vois vraiment pas de quoi vous parlez...
- MÈRE : Moi non plus. Vous êtes la fille des deux...
- MOI : Des deux Vieux désagréables ? Oui... enfin je suis adoptée... enfin pas tout à fait...
- PÈRE : Bon bah on va vous laisser...
- MÈRE : Bonne soirée...
- LE PETIT GARÇON : Moi je l'ai vue la lumière rouge...
- SES PARENTS : Hein ?
- LE PETIT GARÇON : C'était dans ma chambre...
- MÈRE : Mais t'es sûr ? C'était sûrement une blague...
- MOI : Et le laser il allait dans ta chambre ?
- LE PETIT GARÇON : Non j'aurais bien voulu... j'essayais de l'attirer par la fenêtre... mais il voulait pas venir me voir...
- MOI : Ouf...
- PÈRE : Je vois pas quel est le problème... Y'a un problème ?
- MOI : Non non... Et il allait où ce laser ?
- LE PETIT GARÇON : Je sais pas... Je le vois quand je saute sur mon lit...
- MOI : Et tu le vois souvent ?
- PÈRE : Mais on peut savoir où vous voulez en venir Mademoiselle ?
- LE PETIT GARÇON : Je le vois quand je me couche tard, quand il fait bien nuit...
- MOI : Et tu te couches tard souvent ?
- MÈRE : Ben quand il va pas à l'école...
- PÈRE : Mais tu vas pas rentrer dans ce jeu saperlipopette !
- MOI : Bon je vous remercie beaucoup...

Quelle ambiance ! Mais au moins j'ai eu une info... même trois ! Et comme la vérité sort de la bouche des enfants...
1/ Le laser ne rentre pas dans sa chambre. Ouf, ce n'est pas sur lui qu'on veut tirer. Pour info, je crois que sa chambre est au même endroit que ma chambre : sa porte était ouverte et j'ai vu des jouets.
2/ Le petit garçon est trop petit pour voir ce qui se passe par la fenêtre à sa hauteur... S'il est debout, il ne voit que les étages 4 et 5 ou supérieurs...
3/ Si le petit garçon ne voit le laser que quand il est sur son lit, c'est que ce laser se balade aux étages inférieurs. Enfin ça me paraît évident... mais bon je ne suis sûre de rien. Moi je suis pas spécialiste de l'orientation des lasers...

Une fois sur le palier j'ai entendu les parents se débriefer sur ma visite...
- PÈRE : Elle est bizarre cette fille...
- MÈRE : Comme ses parents... Je suis sûre qu'elle raconte des bobards quand elle dit qu'elle a été adoptée...
- PÈRE : Oui chérie t'as raison, c'est leur vraie fille, et elle assume pas...
- MÈRE : Normal, avec des parents pareils... ils font froid dans le dos ! Je les aime pas ces gens-là !!

Quelle belle ouverture d'esprit ! Mon périple continue... Je me dirige vers le 1er étage. Le photographe veut peut-être assassiner la voisine du dessous !!! C'est une vieille bique qui ne dit pas bonjour, c'est tout ce que je sais. Je frappe énergiquement. Ben oui, elle n'a pas de sonnette... Rien... ça y est elle est morte avec une balle dans la tête... Je colle mon oreille... Rien... Mais qui voudrait se débarrasser d'une épave pareille ?

Malheureusement, la porte s'ouvre à ce moment-là, et je tombe en avant sur la vieille dame... La honte...
- VIEILLE BIQUE : Dites donc, jeune fille, en voilà des manières d'écouter aux portes...
- MOI : Je croyais qu'il vous était arrivé des... rien du tout !
- VIEILLE BIQUE : Des hibous ? J'ai pas de hibou chez moi !

Je me relève. Quelle galère, elle est sourde. Je HURLE !!!!!!!!!!!!!!
- MOI : Je voulais savoir SI VOUS AVIEZ VU UN LASER...
- VIEILLE BIQUE : Dans la misère ? Mais je vis pas dans la misère ! Vous êtes du Secours Populaire ou quoi ?
- MOI : Je SUIS VOTRE VOISINE DU DESSUS !
- VIEILLE BIQUE : Ah? Je connais pas cette association... J'ai pas d'argent à vous donner, encore moins à cette heure...
- MOI, à moi-même : Elle est sourde comme un pot...
- VIEILLE BIQUE : Dis donc malpolie ! Je suis pas sourde... J'ai juste des problèmes d'appareil auditif...

Elle touche à un truc beige caché derrière ses oreilles...
- MOI : CA VA MIEUX ? VOUS ENTENDEZ QUELQUE CHOSE ???
- VIEILLE BIQUE : Arrêtez de hurler comme ça... vous allez me rendre sourde... Ah je vous reconnais... Vous êtes la gamine du dessus... Pourquoi vous me l'avez pas dit plus tôt ? Au fait, vous arrêtez pas de faire du bruit là-haut, vous faites des claquettes ou quoi ?
- MOI : C'est bizarre, je marche toujours en pantoufles chez moi...
- VIEILLE BIQUE : Vous voulez m'emprunter des moufles ??? Mais on est en hiver ? Ben non on est en été...
- MOI : Je vais pas m'en sortir...
- VIEILLE BIQUE : Si vous pouviez baisser le son de votre télé, elle m'insupporte... vous passez votre temps à regarder des bêtises en plus... Ces Anges de la télé-réalité c'est d'une stupidité... Et puis ces Marseillais qui s'opposent à ces Ch'tis, c'est lamentable !

Je lui souris... Je regarde vers son couloir, toutes ses portes sont fermées. Pas de vue sur ses fenêtres qui donnent sur la rue. Autant laisser tomber...
- VIEILLE BIQUE : Tiens d'ailleurs si vous pouviez me donner un coup de main afin de vous rattraper de tout ce boucan que vous faites... J'ai perdu l'appareil de mon autre oreille... Je ne vois plus grand chose... Vous avez de bons yeux...
- MOI : Avec plaisir...
- VIEILLE BIQUE : Ça je comprends que ça vous fasse pas très plaisir... Vous avez mieux à faire ! Mais il faut aider les vieilles générations à votre âge ! Au lieu de se regarder le nombril !

Comme si c'était pas ce que j'avais fait avec ma douce Mamie. Je lui souris et je me mets à quatre pattes en quête de son appareil...

Ah bah, il est juste devant la télé... Une idée me vient... Hop je le pousse sous le meuble. Hop je me retrouve dans le couloir... Hop me voilà dans la pièce qui est en dessous de ma chambre... Étrange on dirait une pièce à photos : son mari... euh ses maris... ses chats... ses enfants...

Les volets sont fermés ! Grrrrrr... Je vais les ouvrir...
- VIEILLE BIQUE : Mais qu'est-ce que vous faites ???
- MOI : Les yeux... j'ai besoin de lumière...
- VIEILLE BIQUE : A cette heure de la nuit ???

Putain... il faut que je balance une excuse bidon pile la fois où elle m'entend parfaitement !

Mais c'est pas grave... Le laser est là... par intermittence... il se dirige vers l'appartement du dessus ! Quoi ? Mais c'est le mien !!! C'est moi qu'on veut assassiner ???

On a frappé deux fois à ma porte en fin d'après-midi. J'ai fait la morte.

Pourtant ce soir j'ai été obligée de sortir de chez moi... Je m'étais engagée à garder la petite Jessica de nouveau... Faut bien se contenter de ce qu'on est capable de faire... Et de ce qu'on mérite... Un sacerdoce plus qu'une vocation !

Hargneuse un maximum la mioche ! Même scénario que la semaine dernière : une fois sa mère partie, elle me prend pour un punching-ball...

A un moment elle s'est mise à essuyer ses mains sur moi...
- MOI : Hé mais qu'est-ce que tu fais ??? Je suis pas un torchon !
- JESSICA : C'est quoi un torchon ?
- MOI : Ils sont sales tes doigts ?
- JESSICA : Oui...
- MOI : Tu les as mis où tes doigts ?
- JESSICA : Hihihi...

Impossible de savoir, jusqu'à ce que je la voie se mettre les doigts dans le nez... Pouahhhh !!! Elle me remarque en pleine contemplation dégoûtée... Elle rigole en plus... et revient s'essuyer sur moi !!!
- MOI : T'es dégoûtante !
- JESSICA : C'est toi qu'es « dégloutante »... T'es une crotte de nez...hihihi...
- MOI : Et t'es une sale gamine mal élevée, je t'aime plus du tout !

On pourrait croire que ce petit monstre est invincible... Hé bien ma phrase sans valeur déclenche un torrent de larmes... La petite part bouder dans sa chambre en pleurant. Tant mieux, je suis pas d'humeur à prendre des gants ! C'est elle la crotte de nez, et toc !

Je me pose devant la télé... en espérant que le reste de la soirée finira dans le calme. Je zappe sur les nombreuses chaînes que la famille Lawson reçoit... Je somnole... jusqu'à ce que je tombe sur un film d'action... très déstabilisant !

Dans ce film, un faisceau rouge apparaît par la fenêtre avant de se fixer sur la tête d'une personne. Une balle brise alors la vitre et tue le personnage...

Le faisceau rouge, ça vous rappelle quelque chose ??? Comment j'ai pu ne pas y penser plus tôt...

Le photographe en face... il veut commettre un meurtre ????????????????????????????????????????

Je viens de faire un blackout total de 24 heures en réaction à l'Injustice du monde !

J'ai quand même mis un pied dehors pour brûler quelques calories... Chaque année le 1er samedi de juillet, une grande chasse au trésor est organisée par la mairie de Paris dans la plupart des arrondissements : si j'ai bien compris ce qu'un jeune bénévole m'a expliqué, « les arrondissements de droite dans l'ouest de Paris ne participent pas... ». Comprenne qui pourra. Bref !

J'avais besoin de me lancer un défi toute seule... de me prouver que j'étais capable de quelque chose toute seule. Ben j'ai même pu finir deux parcours !!! Gloire éphémère...

Je viens de rallumer mon téléphone... et les messages pleuvent.

Tout d'abord David...
« Allô Sarah ? Mais qu'est-ce que tu fous putain ? Il faut qu'on fête ça... Faut que je te raconte ma mention tout ça quoi... C'est au delà de tout ce que j'attendais... A moi New-York !!! Et toi alors t'as une mention ? Rappelle-moi s'il te plaît !!! »
« Sarah... tu fais la gueule ?? Si c'est pas bon... ben dis-le moi... je suis là... »
« Sarah... c'est David, j'ai envie de partager ça avec toi... »

Je veux pas gâcher son bonheur. Qu'il profite sans moi ! Et là, New-York se confirme pour lui... Je suis contente pour mon ami. Il le mérite. Il doit penser à sa maman qui n'est plus de ce monde et comme elle doit être fière de son fils, où qu'elle soit...

Ensuite ma brave copine et voisine de classe... Ashley !
1 SMS « Sara...caca bac...pipi rattrapage... je tire la chasse ! »
Puis un message ... : « Tu voudrais pas m'aider à réviser pour les oraux? »
Elle est gonflée... Elle veut remuer le couteau ??? Et puis demander à une fille qui a raté son bac un coup de main pour l'avoir c'est un peu n'importe quoi... Du Ashley tout craché !

Puis j'ai reçu des messages des deux Cailleras... avec quelques surprises...

Fatima était hystérique dans son message: « C'est trop de la balle ! J'ai trop le swag frangine, j'ai trop le swag... t'es où toi ? Tu te caches ? Je suis trop fière... 10,02 j'ai eu... ma reum elle chiale depuis ce matin, elle a rameuté tout le quartier... et mon daron il arrête pas de remercier Allah... Viens manger le couscous meuf ! Je te garde un mouton entier »

Tina est en larmes et c'est moins gai : « Sa... Sar... Sarah... je me suis plantée vegra ! Je suis au rattra... au rattrapage... Le pire c'est que Fatima... elle ... elle l'a eu c'te poufiasse ! Et elle s'en bat les couilles de ma chetron ! Elle nous a fait ièch pendant tout le mois de juin... elle m'a déconcentrée la lopsa ! Le pire c'est que j'ai 9,98... »
Ouais bah elle sûre de l'avoir alors...

C'est vraiment deux jumelles ces deux-là... elles ont pratiquement la même note... sauf qu'une pavoise pendant que l'autre broie du noir.

Je vais pas le cacher... mon égo en prend un coup... C'est bien fait pour moi... Un peu d'humilité pour celle qui se croyait plus intelligente que tout le monde... !!!

Est-ce que ça valait le coup de se reconnecter sur le monde ? Non !

Je débranche de nouveau...

L'angoisse est arrivée dès mon réveil... Il était 10h... Quand j'ai ouvert un œil, j'ai tout suite pensé à mon nom inscrit sur un panneau d'affichage avec la possibilité de voir le résultat pour tous...

Berk ! Mon résultat jeté en pâture aux lions !

J'arrive tremblante sur le parvis du lycée, le mien, mais aussi mon lieu d'examen. Il y a bien une centaine de personnes ... des lycéens plus ou moins connus, des parents, même des profs...

Il est impossible d'accéder aux panneaux d'affichage... Toutes les places sont prises.

Je reste paralysée.

Au loin je vois les 3 Pestes... Alyssa, Sonia et Rosette... Elles trépignent, une commence à hurler de joie, puis une deuxième puis une troisième... Elles se sautent au cou les unes des autres... Elles ont a priori réalisé un triplé !

A un autre endroit, je vois Ash qui tente de se faufiler dans la foule vers son destin... Moi je suis trop grosse pour passer alors j'attends sagement, rongée par l'anxiété.

J'analyse toutes les réactions autour de moi et visiblement le taux de réussite va être au rendez-vous cette année...

Je suis irrémédiablement attirée par mes pires ennemies... Une sorte de jalousie et d'aigreur que je ne contrôle pas. Alyssa montre un nom sur le panneau à ses copines, elles éclatent de rire et se retournent... vers moi !!!!!!!!!!!!!!!!!! Alyssa me fixe avec un air pervers, elle semble avoir gagné la partie... Aïe... C'est très mauvais signe...

Je me tourne vers Ash qui a atteint les panneaux... Je vois son visage se décomposer... Elle se tourne aussi vers moi, elle serre les dents et fait le signe de la guillotine avec sa main sur le cou...

Je la désigne du doigt, elle hoche négativement... Oh la la...Je me désigne du doigt, elle acquiesce... C'est foutu. Je me suis plantée. Je l'ai pas.

Coup de grâce : les 3 Pestes sont hilares en me mitraillant de la prunelle. Et elles se dirigent vers moi... pour ne faire qu'une bouchée de ma personne !

Je croise le regard plein de pitié de Ash...

C'en est trop ! Je rentre chez moi !

C'est horrible... Un espoir était né... Mais j'ai été trop conne d'y croire... Je serai toujours la petite grosse moche, nulle en tout. On ne peut pas échapper à son destin... Quelle naïve pathétique ! Il n'y a jamais de justice en ce bas monde...

Je vais me barricader. Je débranche tout. Je veux rien savoir de personne. Je veux pas qu'on vienne étaler son succès devant ma porte. Je veux voir per-son-ne.

Un problème de réglé. L'année prochaine Terminale L ! J'aurai peut-être une mention au second tour... Après une moisson 2014 en berne...

Je me mets en grève. De copains, de blog, de tout. Je me déteste. Je vais bouffer le pot de Nutella jusqu'à ce que je suinte la noisette !

Et puis mince, j'ai même pas faim.

Ciao.

Je me demande pourquoi Mme Rondin était si gênée lorsqu'elle m'a donné le dossier... peut-être parce que garder le silence pour ça, c'est pas très très sympa... M'avoir laissée dans le fantasme alors qu'il n'y avait rien à savoir... Je sais bien que c'est le règlement... mais là il y a un truc pervers, presque destructeur.

J'attends les résultats du bac mais je ne sais pas si ça va me faire peur ou non demain matin... Je vais aller les chercher sur le panneau, puis je reviens et on n'en parle plus... Chaque cas de figure m'angoisse puis me rassure...

Réussir, c'est chouette, mais l'après est terrifiant.

Se planter c'est dur pour l'égo, mais ce serait réconfortant, un petit redoublement dans le même lycée et hop ! Une année tranquille à pas trop se poser de questions... Berk ça ressemble à l'option du CPE...

Je gamberge, ça c'est sûr et j'essaie de me préparer à tout. Si bien que je suis préparée à rien...

Je vais arrêter d'écrire pour ce soir : ce face-à-face avec moi-même me fait un peu mal au ventre. Heureusement mon meilleur ennemi au chocolat, à la noisette et à l'huile de palme est là pour me soutenir...

Ni vue ni connue... mais tout entendu malgré moi de cette conversation pitoyable entre beaufs à 3 mètres de moi...
- POTE DE S N°1 : Alors ça gaze avec ta bombasse ?
- DAVID : Ouais ouais ça va...
- POTE DE S N°2 : Comment ça ? Ça va... T'as pas l'air emballé...
- DAVID : Elle est mimi, mais elle est jeune quand même...
- POTE DE S N°1 : Qu'est-ce que t'en as à foutre ? Tu la niques et puis c'est tout...
- POTE DE S N°2 : Tu la niques j'espère ? Elle est très bonne... Sinon tu me la prêtes...
- DAVID : J'ai l'impression qu'il faut tout le temps prendre soin d'elle, c'est un bébé...
- POTE DE S N°1 : Tu te la tapes et puis c'est tout !
- POTE DE S N°2 : T'es pas en train de nous dire que t'es plus complice avec l'autre thon ?
- POTE DE S N°1 : Ah non pas la grosse !!! Tu nous fais honte mec... Tu mérites mieux que ce boudin...

Et puis ils sont partis sur une autre conversation... encore plus classe.

Dans ces moments-là, je ne sais plus quoi penser de David... Le fait qu'il fréquente des épaves pareilles me navre...

J'imagine que tout le monde aura compris de qui parlaient ces deux odieux personnages un rien machos...

N'ayant plus rien à me mettre sous la dent, je me suis levée sans aucune discrétion. Un des beaufs m'a repérée et a dégainé un faux rire nerveux... qui s'est répandu comme une épidémie dans la meute.

Je leur ai fait un regard à la Feux de l'Amour, l'œil de la méchante qui prépare sa délectable vengeance... Sauf que j'en ai aucune en vue...

Après avoir écrit cette lettre, j'ai eu envie d'aller au Rialto...

Depuis mi-avril je fuis le bar de la famille Rinaldi... Mais d'avoir lu les mots de la Mamie puis de lui avoir répondu avec mon cœur, ça me donne du courage...

Je rentre dans le bar et je me dirige vers M. Rinaldi...
- MOI : Monsieur, je voudrais m'excuser encore une fois...
- M. RINALDI : Je sais pas quoi te dire...
- MOI : Je voulais que son bien...
- M. RINALDI : Je sais bien... Elle parle beaucoup de toi... J'ai l'impression que penser à toi, ça lui fait du bien...
- MOI : Comment elle va ?
- M. RINALDI : Son état est stable... La maladie d'Alzheimer est freinée par les médicaments...

Je ne relève pas... mais je sais qu'il ment... Elle n'a pas cette maladie... Quand j'ai été convoquée au commissariat à cause de la plainte de la mère Rinaldi, le policier me l'a confirmé... cf VENDREDI 25 AVRIL 2014 17H30 : LA SENTENCE.

Le moment venu, je devrai éclaircir ce point... C'est comme une excuse que brandirait sa famille pour s'en débarrasser ! Même la Mamie l'accepte... Mmh... Ma boussole à mystère s'affole encore une fois...

Malheureusement la mère Rinaldi a débarqué...
- MME RINALDI : Qu'est-ce qu'elle fait là celle-là ?
- M RINALDI : Elle est venue s'excuser...
- MME RINALDI : Ça t'en a pris du temps... Mais bon je m'en fous, on n'a rien à te dire... Soit tu pars, soit tu consommes...

Ben j'ai consommé ! Ça faisait tellement longtemps que je m'étais pas pris un chocolat chaud avec supplément chantilly et cannelle! Il fait 30 degrés dehors à Paris, mais rien ne m'arrête...

Je me suis assise dans un coin, mon coin, au fond, à côté de la vitrine ouverte...

Quelques instants plus tard, la meute de S qui gravite autour de David est venue s'asseoir autour d'une table de la terrasse ensoleillée... De quoi écouter quelques conversations indiscrètes... Comme d'habitude ! Toujours là où il faut quand il faut sans être visible... Je me demande si c'est pas un signe !

Espionne malgré moi ! Voilà ma destinée.