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16 ans, grosse & moche!
12 septembre 2012

MERCREDI 12 SEPTEMBRE 18h05 : PATATE DONC JE SUIS!

Pas de chaise qui cède sous mon poids, ni de cours de sport qui tue ma réputation. Mais l'heure de la cantine s'est transformée en cauchemar.

Les deux premiers jours j'avais commencé à prendre des habitudes confortables. J'évite la cohue en passant dix minutes après tout le monde. Bon les meilleurs plats sont pris d'assaut. Parfait ça m'oblige à prendre des immondices (macédoine de légumes, ou purée radioactive verte fluo) et comme j'ai faim, je mange tout. Il n'y a plus de frites et plus de steak haché. Bon sur le dessert, et l'entrée, il reste toujours le plus sucré et le plus gras. Faut bien se faire un peu plaisir. De ce côté là, pas de problème.

Je me suis trouvé une table que personne ne veut, c'est celle à côté du tapis roulant destiné au plateau repas vide... vide c'est un grand mot, on y trouve plus de la moitié des ingrédients d'origine et quelques bonus comme des chewing-gums, des emballages de cosmétiques, et des cadavres de mots doux.

Ma petite table est mon havre de paix. C'est une table pour deux. Une île déserte. Ça pourrait vite devenir un chantier mais je me débrouille pour finir et m'enfuir avant la cohue de sortie. En effet ils arrivent et repartent tous en même temps. Les moutons de mon école aiment se goinfrer en troupeau, en se persuadant qu'ils sont dix à s'apprécier. Quel mensonge. Un instinct grégaire.

Bref! La guerre a commencé. Je n'en avais jamais vu dans mon ancien lycée. Mais j'en avais déjà entendu parler. Au début ça pouvait être drôle car je n'étais qu'une spectatrice. Mais évidemment le sort m'a choisie. Mais de quoi je parle? D'une guerre de purée!
C'est comme une tradition primitive presque animale, une rébellion de bébés capricieux contre l'autorité de leurs parents. J'étais tapie dans ma tanière, quand le match a commencé précédé de quelques ricanements. Des mecs évidemment! Mais les filles aiment ça sans participer, elles hurlent d'abord, faussement choquées, puis se protègent derrière les garçons, puis les encouragent, puis deviennent des furies insatiables. Tout en parole. J'assistais à un show surprenant, nouveau pour moi, digne d'une dissertation philosophique. Un plaisir voyeur. J'ai vite déchanté.

Je me suis d'abord pris un coup de purée sur le plateau qui a fait tomber ma canette de coca (oups un plaisir avoué). Le soda collant s'est répandu dans mon assiette de purée. Je me suis dit : pas mal je vais tester la purée au coca.
Puis un jet de purée est passé au dessus de ma tête et a atterri dans le tapis roulant qui s'est mis à sursauter. Un deuxième, un troisième. J'ai juste eu le temps de voir d'où provenait le projectile avant de me prendre le quatrième dans les cheveux. Dégoûtant. J'ai tenté de commencer à enlever le pâté avec mes doigts pendant que la guerre continuait sans moi. Le tapis roulant commençait à faire un bruit étrange, probablement saturé de purée. Et hop un coup de purée dans le visage, puis un deuxième, provenant du même coupable. Un mec que je ne connais pas. Mais pourquoi cet inconnu s'acharne-t-il sur moi?

J'ai alors abandonné mon plateau, mon dessert, ma purée verte et j'ai battu en retraite misérablement. En me faisant siffler et huer par une foule sans forme. Juste après mon départ les surveillants sont intervenus en sifflant avec autorité. Ouf, j'ai évité la punition collective!

Enfin dans le couloir, j'ai croisé un surveillant qui m'a regardé avec des gros yeux. Couverte de purée, je ne pouvais pas échapper à son courroux :
- au réfectoire comme les autres! Tu croyais échapper au nettoyage!

Il m'a pris par le bras, traînée comme une coupable à la cantine et mise à contribution. Il s'est alors étonné de voir aussi peu de gens de corvée. Il est allé discuter avec ses collègues surveillants pour comprendre comment la majorité des coupables avaient fui. Parmi les bagnards comme moi, il n'y avait bien sûr pas le type qui m'avait agressé. Ni mes amies les deux pestes. En revanche, j'ai vu au loin David le Putois avec une perruque de purée.

Je me suis posé la question tout le long du reste de la journée : pourquoi cet inconnu s'est déchaîné sur moi. Il avait l'air mignon. Pourquoi un mec mignon est toujours méchant? Pourquoi est-il condamné à harceler les gens moches comme moi? C'est comme un réflexe, une facilité? Encore un instinct sauvage?

Et pourquoi n'ai-je pas le réflexe de me défendre? Pourquoi je n'ai pas d'instinct sauvage moi? J'aimerais être moins humaine et plus animale. Finalement ce sont les moins humains qui sont les plus heureux. Et les plus humains sont malheureux, perdus.

Ce soir je dois réfléchir à mon armure. Du passé il ne me reste que mes Newrock, délicatement compensées. Je n'ai pas réussi à m'en séparer quand j'ai fait une croix sur le passé.

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Commentaires
C
Moi aussi j'ai passé ma première seule au réfectoire... J'avais aussi ma table de prédilection : celle derrière le poteau pour qu'un minimum de personne voit Ô combien j'étais seule et honteuse d'être seule. Bon, heureusement, j'ai jamais subi ce courroux de purée... des radis une fois en troisième... D'ailleurs, au passage je suis sûr que le coca purée doit être très bon :p
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