JEUDI 22 NOVEMBRE 2012 13h45 : MIRACLE A LA CREME COCO!

Il s'est passé quelque chose de miraculeux à la cantine.

Non faut pas rêver j'ai pas retrouvé mon bracelet dans un steak haché, même si je l'espère chaque jour. Maintenant que ma table a été condamnée, je suis sans rempart, je dois me trouver des voisins neutres qui ne m'agresseront pas et qui ne me rejetteront pas quand je prends une place à côté d'eux.

C'est un long calvaire chaque jour : la recherche, l'hésitation, la tentative avortée, la tentative discrète, la réponse agressive « c'est déjà pris ». A la recherche de l'indifférence! Et puis après il y a le repas : le malaise de ma part, de mes voisins, la conversation pénible à écouter, les regards complices qui se fichent de moi... Je mange trois fois plus vite qu'avant, je vais sûrement prendre encore du poids en mettant le turbo à ce point. Avantage certain : comme je porte mon plateau très longtemps, je me fais du muscle.

Plusieurs fois je suis passée devant David qui me fait un petit clin d'œil ou qui m'ignore. Trop la honte de me parler en public j'imagine. Mais aujourd'hui il mangeait tout seul. J'ai pas osé venir à lui, mais il m'a observée, circonspect, avant de froncer les sourcils, puis de me lancer un éclair méchant. Et il a fini par me faire un signe de venir à lui. J'ai joué l'innocente, pas lui :
- Je pue encore ou quoi!
- Je cherche une copine!
- Tu veux pas manger avec moi?
- Si... Si...
J'étais ultra gênée d'avoir menti, de l'avoir snobé, d'avoir cru qu'il ne voulait pas manger avec moi et surtout par l'adverbe « encore ». Petit rappel de ce qu'il avait lu dans mon cahier pré-blog.

J'ai même pas donné d'explication sur la fausse copine. J'ai fourré mes grosses fesses en face de lui et j'ai commencé à me goinfrer. Il a été dur de trouver un sujet de conversation durable et il y a eu beaucoup de regards dans le vide. Mais ça l'a fait. J'étais heureuse de manger avec quelqu'un, volontairement, pour la première fois de ma vie dans cette cantine.

Arrivés au dessert, la conversation s'est intensifiée :
- Pas terrible la crème coco! , se lance David.
- Oui y'a des amandes collantes au dessus en plus.
- Ca colle aux dents.
- C'est que de l'air.
Voilà une vraie avancée.

Puis après le repas, je l'ai abandonné pour mon comptoir café. Sans mot dire. Mais il est passé devant moi plusieurs fois, errant et désœuvré. Je lui ai fait un petit signe, il est venu et je lui ai sorti spontanément : « je pue ou quoi? »

On a ri tous les deux et il a pris un café et m'a posé une question :
- T'as l'air bizarre en ce moment?
- J'ai perdu un objet cher la semaine dernière.
- Tout se remplace non?
- C'est un objet d'enfance.
- Ah bon? C'est quoi?
- Un bracelet...
- Ça a appartenu à tes parents?
- Je sais pas...
- Ah...

Il était visiblement très intrigué. Mais je ne me voyais pas tout lui expliquer, toute mon histoire à la Cosette.
La sonnerie nous a rappelés à l'ordre.