Il y a du retard, c'est vérifié ! J'arrive même plus à me lever, je suis assise par terre. C'est foutu. Tout ça pour une salade de tomates à l'ail que j'ai pas mangée.

Si le prof m'avait pas oubliée, je serais passée en début d'après-midi et je ne serais pas dans cet état-là...
Si j'avais mieux révisé hier, je serais moins stressée.
Si j'étais moins grosse et moins moche, j'aurais moins peur de m'exposer.
Si je n'étais pas orpheline, je serais peut-être plus belle et plus mince...

Je divague...

« Sarah...Sarah, réveille-toi !»

Hein qui me parle ? Mon dieu, mon sauveur, mon seul ami, David :
- Je venais te récupérer à la sortie, t'as fini ?
- Non j'ai pas commencé.
- Tiens c'est bizarre, normalement à 17h c'est fini ! Y'a beaucoup de retard...
- Y'en a qui sortent en chialant.
- Ouh là ! Bon en attendant je t'ai ramené des petites choses.

D'un sac Franprix, il sort... un pot de Nutella de 750g et une énorme brioche avec deux canettes de coca. Mes yeux s'illuminent mais mon corps reste inerte. Je tremble.

David comprend qu'il y a urgence. Tartine de brioche au Nutella en intraveineuse et coca en bouteille à oxygène.

« Sarah Nicolas ». C'est mon tour de partir à l'abattoir.

J'ai la bouche très pleine, du Nutella sur les joues et du gaz dans l'estomac... mais ça va mieux. Je suis prête à me faire broyer.

Je crois qu'il y a du retard.

Une fille vient de sortir en larmes de l'oral : « C'est horrible, il est ignoble, j'ai jamais vu ça, il m'a massacrée alors que j'ai eu 18 toute l'année ».

Mes faits de service ne sont pas aussi glorieux. Je vais crever face à lui et il va m'achever.

Après ces 3 heures de stress intensif, de doute, d'idées sombres qui repassent dans ma tête et qui n'ont rien à voir avec le bac, je sens mon corps s'effondrer. J'ai vraiment besoin d'énergie... J'aurais dû manger la salade de tomate à l'ail.

Je pense que dans 40 minutes je ferai une crise d'hypoglycémie. Super j'aurai fini pour 17h et je serai super en forme...

En attendant je tourne de l'oeil... zzzzzzzz

Je n'ai pas faim mais je me sens faible...

Texto de David : « Alors t'as fini ? »

« Non je passe à la fin je vais tourner de l'œil »

« Lol »

J'ai plus assez de force pour lui répondre. Je craque nerveusement. Je pleure sans m'en rendre compte.

Évidemment je croise quelqu'un que je connais, Sonia, ma nouvelle pire ennemie, ma collègue de TPE qui m'en veut à mort. Elle ricane en me voyant pleurer et croit remuer le couteau : « Ah tu t'es plantée... y'a une justice ! »

J'ai même pas répondu, elle pourrait bouffer le peu d'énergie qui me reste...

Je suis arrivée avec quinze minutes d'avance... devant une salle de classe close, terrifiante, vide.

A 12h58, un prof grisonnant et austère ouvre la salle. Il sent le mal séché. Tant mieux, peut-être qu'il ne sentira pas ma mauvaise odeur... Je sens le poisson et je sens la transpiration sous mes bras, malgré le déo...

Il ressort de la salle et annonce l'ordre : machine à 13h30, machin à 14h, truc à 15h... Bref il est déjà 16h30 et il ne m'a pas appelée !!!!

J'ai appelé tout le monde ?
- Non pas moi...
- Votre nom ?
- Sarah Nicolas.
- Ah oui c'est vrai, je vous ai oubliée, bah je vous mets à 17h alors.

Je lève les yeux au ciel... il va falloir attendre encore 4 heures.... Et en plus le prof est allé de N à P, en gros j'aurais dû passer dans les premières, mais non il a fait sa petite liste, m'a zappée et je suis punie en dernière position...

Dégoutée...

Bon j'y vais.
Pipi fait.
Salade d'ail à la tomate évitée. J'ai mangé trois cuillères de Nutella à la place.
Re-pipi allez, pour la route.
Dernière cuillère.

Je claque la porte ? Non j'ai oublié ma carte d'identité...

Mon dieu j'ai peur !

Ma bouche ne sent pas l'ail mais mes vêtements sentent le poisson que la Vieille était en train de faire cuire. Quand je vous dis qu'elle veut me saborder.

« Il faut que tu manges » insiste le Vieux. C'est bien la première fois qu'on me force à manger dans ce foyer.
Mais j'ai pas faim, il répète sans arrêt que je dois manger.

En voyant la salade de tomate préparée par la vieille, j'ai envie de vomir :
- MOI : Ca sent l'ail !
- LA VIEILLE : C'est bon pour la santé.
- MOI : Si en plus je pue de la gueule, c'est fini, je suis foutue !
- LE VIEUX : Allez mange !
- MOI : Vous voulez me saborder ?
Ça serait digne de la Vieille en plus !

En sortant des toilettes, je suis tombée sur le Vieux qui s'est décomposé en me voyant : « Mais qu'est-ce qui t'arrive ? »

Je n'ose même pas aller me voir dans un miroir.

L'examinateur va faire dans son froc en me voyant. C'est quitte ou double, il me mettra peut-être une bonne note pour évacuer vite fait l'entretien avec la zombie que je suis !

J'ai déjà oublié les 2 textes révisés entre 9h et 10h.
J'ai des plaques sur le visage.
Je suis trempée sous les bras.

Texto de David : « Tu vas cartonner, c'est ta matière forte ». En gros ce qu'il veut dire c'est que c'est la seule matière où je peux cartonner. Ça signifie que mon bac se joue maintenant et pas l'année prochaine. Ça m'aide beaucoup tout ça, hum-hum...

Tiens l'enjeu revient sur le devant de la scène comme une claque dans la gueule.

Avec mes plaques, j'ai une tronche fracassée.

Pipi x2
2 textes révisés.
J'ai des plaques rouges dans le cou, on dirait que Dracula vient de me faire un bisou vorace.

Je me suis endormie sans stress en me disant qu'il me restait toute cette matinée pour réviser. Mais maintenant que c'est le matin, que je dois réviser, que ça se rapproche, je suis en panique.

Ce n'est pas l'enjeu. Mais c'est le trac d'être observée par quelqu'un d'autre et décortiquée...

Ça y est j'ai déjà envie de faire pipi...c'est pas fini.