Alors le sport... quoi ça? Oh ben les bonnes résolutions au feu, les profs au milieu.

Tout d'abord la prof était d'humeur exécrable devant le manque de motivation du groupe en cours de gym. Décidément cette activité est un gros flop et je me fonds presque dans la masse...

J'ai quand même décidé de faire un effort sur des barres asymétriques... mais au bout de cinq minutes d'effort, mes bras tremblaient et j'ai dû me laisser tomber. Je découvre alors que je crève de faim. Et à ce moment là je ne fais plus rien. La prof me remarque et me houspille : « Hé la feignasse! C'est pas comme ça tu vas t'en sortir! »

Qu'est-ce qu'elle veut dire? Que SON sport va me sauver du surpoids? Ou bien que SON sport va me sauver de l'agressivité? Bon elle est passée à une autre proie, elle a le choix. MAIS il a fallu qu'une fasse la maligne, une fille a enchaîné tous les agrès en faisant une démonstration assez incroyable avant de se faire applaudir par la prof... Alyssa! Élancée, tonique, rigoureuse, physique... limite une pub pour un déo de sport!

Alors que je me consolais de ma nullité par rapport au niveau déplorable en gym, celle-là vient en jeter à tout le monde. Et je suis dégoûtée...

Dans tous les cas, je ne pourrai pas postuler avec ma famille d'accueil au programme de coaching... la Vieille est trop maigre et moi trop grosse, les coachs ne sauraient plus où donner de la tête.

J'ai vu un programme de coaching contre le surpoids sur Chérie25 ces derniers jours. Ca s'appelle « Une Famille au Top ». Et je me suis dit que j'étais plus grosse que l'ado du programme et pourtant avec une alimentation beaucoup moins catastrophique. J'aime pas autant la mayo par exemple! (sauf avec les frites) Et puis la Vieille me nourrit comme si j'étais un lapin. C'est peut-être aussi pour ça que je me venge sur d'autres choses pas très raisonnables...

Alors à la cantine, aujourd'hui, j'ai pris des légumes seulement, sans sacrifier mes deux canettes de coca. Au début je me suis dit que je me sentais satisfaite, repue. 20 minutes plus tard, je suis à la Kfet et je sens poindre un retour d'appétit et une envie de sucre... si la vie saine c'est une insatisfaction quotidienne, c'est pas vivable...

Je viens de réaliser la bêtise de ma dernière remarque. Je suis insatisfaite de ma vie jusque là et je survis! Alors pour la bouffe ce n'est qu'un détail par rapport au reste non?

En attendant je me suis acheté une petite barre chocolatée...

Et cet aprem je vais me donner à fond au sport comme le fait la famille du programme...

Et bien, finalement, je me suis assise à la table des geeks de mon atelier du jeudi, ceux qui s'occupent malgré eux de la lumière et du son. Des visages familiers qui m'inspirent confiance. Par défaut, j'ai posé mes fesses à côté d'eux. Enfin je dirais plutôt que je me suis précipitée sur l'occase d'avoir des voisins de cantine qui ne me gênent pas. Miracle, un des asiat' m'a adressé la parole!!!! J'avais la bouche pleine de frites et de la mayo sur les lèvres :
- Dis donc toi, comment t'as atterri dans les coulisses? T'as fait une connerie?
- Rien que je regrette! Et vous?
- Ben euh...
- On a piraté...
- Dis-lui pas! ajoute l'autre asiat' en le tapant du coude.
J'ai ri, j'ai pas pu m'empêcher, ils m'amusent :
- Tous les quatre?
- Ben oui!
- Piraté quoi?
- Et toi?
- Moi j'ai flanqué une raclée à une peste...
Ils ont ri... :
- C'est pas toi qui aurait fait boire la tasse à cette pétasse d'Alyssa? intervient le geek black à lunettes, celui qui a attiré mon attention, en fin d'atelier, sur la prof qui tentait en vain de m'alpaguer sans que je la voie.
- Euh oui c'est possible..., réponds-je avec prudence.
- Chapeau la fille, t'as du courage!
- Alors et vous?
- L'intranet...
- Du lycée?
Ils rient bêtement et acquiescent sérieusement, fiers d'eux.
- Trop forts les gars!

On ne s'est pas dit grand chose de plus. Mais ce moment de communication fut fort agréable! Entre cas, on se comprend et on se relate même nos exploits... j'adore! A renouveler.

David mange seul, au loin, et détourne son regard quand je balaie la salle. La guerre froide.

Fausse alerte hier. Je m'imaginais déjà que Yunso retrouverait la trace du propriétaire de mon bracelet à Monaco, des parents milliardaires qui cherchent leur fille depuis 16 ans dans le désespoir... bla bla bla...

Lol faut pas rêver ma fille. Mais ce fut quand même une petite info susceptible de secouer mon irrésistible imagination...

J'en tremblais en arrivant chez elle... et elle s'en est rendue compte, j'en suis sûre, c'est une éponge cette fille. Alors elle n'a pas tardé à déballer le scoop :
- Hello Sarah, j'ai eu quelques infos en montrant la photo à un ami joaillier. Bon c'est une babiole alors si c'est un cadeau, ne t'inquiète pas, il s'est pas ruiné!
- Ah bon...
- Je te sens déçue...
- Non je m'en fous...mais tu peux m'en dire plus?
- Oui! Mais ça t'intéresse vraiment... ? Il m'a dit que c'était une vulgaire copie en acier made in china fabriquée à des millions d'exemplaires.
- Ah... et c'est une copie de quoi?
- Il ne s'est pas étendu sur le sujet, d'un bijou connu je crois, il m'a mentionné un pays, mais je m'en souviens pas.
- Tu peux lui redemander?
- Ah bon... mais...pourquoi... ?
- J'aimerais savoir si ça a une signification...
- A l'occasion je lui redemanderai mais il est parti à l'étranger là. Tu me le rappelleras?

Un scoop en carton. MON bracelet est une babiole insignifiante et sans histoire. Je m'accroche à l'original, au message que ce machin pourrait vouloir dire. Peut-être rien du tout? Un souvenir de vacances à Palavas-les-flots ? Un bout de métal dont l'histoire particulière est morte avec mes parents, ou un de mes parents?

J'ai longtemps idéalisé mes parents fantômes mais peut-être sont-ils des monstres peu recommandables... ou des humains qui ont perdu leur âme et leur cœur... Je dois peut-être me trouver un famille réelle qui le resterait jusqu'à la fin de ma vie, une famille de cœur... je ne l'ai pas trouvée, mais l'ai-je vraiment cherchée?

Et malheureusement pour y arriver et sans garantie je vais devoir faire l'effort surhumain d'aller vers les gens...pour la trouver, la perle rare...

Damned, crotte de lapin, je viens de prendre mon voisin de table, David, en flagrant délit d'espionnage de mon cahier pré-blog. J'ai posé ma main sur le cahier et mon gros bras sur la table pour le renvoyer à ses petites affaires. J'ai alors senti son regard se fixer sur moi mais hors de question de lui répondre. Mon corps tout entier fait barrage. Ça ne le regarde pas, celui-là. Viens pas fouiner dans mon âme!

A un moment je l'aurais bien laissé jeter un petit coup d'œil à l'intérieur de mon âme... mais plus maintenant!

C'est l'heure du déj... toute seule.

Après le déjeuner, la Vieille s'est absentée et elle avait un drapeau rose entre les mains. Bizarre ! Mais je ne me suis pas posé plus de questions. Cet après-midi, je suis tombée totalement involontairement sur la clé de son absence et du drapeau.

Oui je zappais mollement devant la TV, et je voulais aller voir les nouvelles chaînes de la TNT qu'on a sur Paris : HD1, 6ter etc... et pour y arriver comme j'ai la flemme de taper le nombre, je grimpe de chaîne en chaîne et j'arrive sur les chaînes info que je ne regarde jamais. Et bien en direct sur BFMTV puis Itélé je vois un drapeau rose qui défile et je reconnais le picto d'une famille... exactement le même que celui qui était sur le drapeau de la Vieille...

Bingo, la Vieille est allée manifester à « LA MANIF POUR TOUS », qui proteste contre la loi « LE MARIAGE POUR TOUS ». Si on m'avait demandé mon avis, j'aurais séché, je suis trop jeune pour avoir des convictions là-dessus. D'ailleurs je suis un peu perplexe devant des enfants forcés de manifester ou bien des ados virulents. C'est quoi le message ? « Je suis la marionnette de mes parents » ?

Et là j'ai eu envie d'aller voir ça... surtout pas pour manifester, mais pour comprendre. Peut-être mieux LA comprendre ? J'adorerais tomber sur ELLE en train de scander !

Et j'ai marché à rebrousse-poil de la manif en partant du Champ de Mars. Au début j'ai trouvé ça joyeux, de la musique, des jeunes, du rose (drapeaux), du jaune (la sécurité), du blanc (les T-shirts), des gentils slogans puis au fur et à mesure que j'avançais, les tons se durcissaient dans les slogans, les couleurs de vêtements et l'âge des manifestants augmentait.

Des duffle coat, du vert kaki, du terne... et ça scandait : « où sont les mamans ? Où sont les papas ? Où sont les enfants ? Voulez-vous sauver vos enfants, vos petits-enfants, vos arrière-petits enfants ? » Même si je comprends rien à rien à la politique et à ma société, je ne vois pas le rapport... est-ce que la loi menace un système ? A la fin j'avais l'impression de me retrouver dans un ghetto intégriste qui chantait des cantiques ! Et puis la musique finale était Céline Dion chantant le Titanic à Montparnasse.

Oui cette manif a fini par prendre l'eau et couler ! Si ce camp-là ressemble à ça alors ce n'est pas le mien. C'est ma conviction de la journée... tiens, une manif qui provoque l'inverse de l'effet voulu !

Mais serais-je capable de manifester l'inverse dans quinze jours... pas sûr.

Oups ! Yunso vient de m'envoyer un SMS pour me proposer de passer chez elle. Elle a une info sur mon bracelet!! Alors ça, ça me motive.

Comme je n'ai plus d'ami, comme je n'ai plus d'occasion d'aller visiter mes sympathiques voisins, comme je ne suis plus la bienvenue au bar du coin que contrôle la mère d'Alyssa avec un main de fer, comme je suis privée de sortie de toute façon depuis mon escapade nocturne du 31 même si quelque chose se présentait... je passe ma journée à ce que je sais faire de mieux. Mater par la fenêtre de ma chambre les petits et grands événements de ma rue.

Un enfant qui hurle et qui fait un caprice auprès de ses parents qui finissent par craquer, un couple qui s'engueule et qui se sépare devant mes yeux, un autre qui s'enlace mais dont les yeux du garçon vagabondent et s'embrasent pour une bimbo en doudoune rose qui passe sans discrétion. Puis il y a ceux qui achètent leur pain et coincent leur baguette sous le bras en mordant le quignon, ceux qui sortent de l'herboristerie avec leur petit sachet de poudre en rêvant de guérir de leurs petits maux du moment, enfin il y a les deux livreurs qui semblent travailler un dimanche et qui emportent une table du magasin oriental...

Et sur mon banc, juste devant ma fenêtre, il y a un étranger tout maigre, que je distingue mal de dos, qui tremble, qui met son visage entre ses mains, et qui s'essuie les yeux... il pleure ? Puis se calme et s'immobilise en relevant le visage. Il regarde le banc à sa droite puis à sa gauche, mais je ne vois pas son visage dans la nuit qui tombe... J'aimerais le réconforter, comprendre ce qui lui arrive...

L'inconnu retourne son visage vers ma fenêtre, je reconnais David! Et je m'élance en arrière pour qu'il ne me voie pas.

Et là je suis bouleversée, puis énervée, puis révoltée. On dirait le David que j'aime bien mais qui n'ose plus me parler. Alors que le David que je n'aime pas est le seul qui me parle encore. Ai-je le droit de choisir à sa place le masque que je préfère? Non...mais j'ai le droit de l'ignorer.

Quand je repasse le bout de mon nez à la fenêtre, David a disparu ! Pendant un instant, je me demande si j'ai pas rêvé.

Je réalise à quel point je suis exhibitionniste en écrivant ce blog, surtout quand je parle des « fondations ». J'expose ma vie à la vue de tous. Je me suis fait violence mais j'avais l'espoir d'en retirer quelque chose, dans un moment de peur. Ai-je des regrets? J'en ai eus les premiers jours mais je n'ai pas effacé le post. Avec le recul, non, je n'en ai pas.

Si j'ai réussi à en parler il y a une semaine c'est parce que je me sentais pousser des ailes par mes lecteurs. Aujourd'hui je me sens plus forte. Un déclic. La mémoire ne s'efface pas mais j'ai l'impression d'avancer. Je me suis longtemps interrogée et j'ai beaucoup raillé les participants anonymes à Toute Une Histoire sur F2 à 14h, le talk-show animé par Sophie Davant. Comment peuvent-ils venir étaler leur vie privée à la télé et qu'en retirent-ils? 4 mois après la naissance de mon blog, je les comprends. Recevoir la bénédiction populaire est un savoureux médicament, peut-être même efficace...

Mais ça demande du bien courage de s'exposer avant de pouvoir espérer, peut-être, surmonter. Moi je n'ai fait que la partie confortable du job. C'est tellement facile de se cacher derrière un écran et un clavier, derrière des mots. Mais c'est tout ce que je peux faire, et c'est déjà pas mal pour moi, enfermés dans ma coquille depuis tant d'années. Je donne ce que je peux, je prends ce qu'il y a. J'espère que mes quelques lecteurs trouvent leur compte comme je trouve le mien, même si je ne m'explique pas tout, ni dans un sens, ni dans l'autre.

Je balance ici toutes mes ondes positives ou négatives et je me sens plus légère. C'est comme une prise de terre qui absorbe les surtensions. Si ça pouvait aussi marcher pour le poids et la bouffe! J'ai vu d'ailleurs, plusieurs fois, des anorexiques ou des boulimiques avoir des déclics en se voyant à la télé. Alors pourquoi mon blog ne me ferait pas perdre 10 kilos ????...

Hé non ! Faut pas rêver ! D'après le poids que j'ai en tête avant d'arriver ici et le poids que je vois sur la balance électronique dans la salle de bains ce jour, mon score est de +2,6... J'évite de mettre la mesure, j'ai trop honte.

En résumé, je me sens plus solide, mais je suis plus lourde! Si je deviens de plus en plus forte mentalement, est-ce que cela signifie que je vais devenir plus forte physiquement??? Enfin plus grasse... En gros il y a toujours un sacrifice.

Un truc me trotte dans la tête, c'est la remarque de Paola sur l'abandon : « n'abandonne pas, n'abandonne jamais! ». C'est comme si j'avais déjà vécu cette remarque, déjà vécu cette scène.

C'est quelque chose qui m'est déjà arrivé, cette impression de déjà vu. J'en avais parlé avec Rondin une fois, avec enthousiasme : je pensais que j'avais des dons de voyance... et que ça allait me sortir de ma vie misérable!

Elle a vite calmé mes ardeurs, m'a confirmé que tout le monde vivait ça un jour ou l'autre, et que c'était lié à la fatigue. Quoi ? Je rentre de vacances et je suis déjà fatiguée???

Mais d'où vient cette impression bizarre... « n'abandonne pas ». Est-ce que quelqu'un m'a déjà dit ça dans le passé il y a longtemps?

Je suis définitivement dans les petits papiers de Paola. Entre cas sociaux, on s'est reconnues. Il y avait une vilaine cohue à la caisse aujourd'hui, journée pizza oblige. Tout le monde a déserté les McDo, Quick, KFC et Subway pour profiter de la seule chose qui les intéresse à la cantoche. Paola saturait, mordait, houspillait, postillonnait...

Et à un moment, quand j'étais dans la file, il y a eu une bousculade et on a tous fait tomber nos plateaux pleins de bouffe par terre. Paola est allée chercher de quoi nettoyer, mais bien sûr elle nous a laissés faire : « vous alliez pas croire que j'allais torcher vos merdes, au boulot les porcs! »

Mais évidemment tout le monde a bâclé et s'est précipité sur les serpillères disponibles en me laissant les mains vides, provisoirement ... et, du coup, je suis restée la dernière conne à bien nettoyer méticuleusement avec des serpillères imbibées par les autres, j'en avais plein les mains et les chaussures. Je pense que instinctivement, c'est Paola qui m'a donnée envie de bien faire ce nettoyage. Pour elle, pour qu'il ne lui reste rien à faire, pour la remercier de ses clins d'œil et de ses petites malhonnêtetés de caisse.

A un moment j'ai senti en biais quelqu'un qui était venu m'aider à cette tâche ingrate. Quand je tourne la tête, j'entrevois Paola qui me fait un sourire et qui me dit chaleureusement avec sa grosse voix grave : « n'abandonne pas, n'abandonne jamais! ».

Parallèlement une foule s'amoncelle à sa caisse, la file s'enroule et râle. Et Paola s'en fiche et me sourit tout en ramassant sans sourciller les restes de pizzas au yaourt, les salades vertes au chocolat et les frites au fromage.

Une fois notre mission de l'extrême accomplie en parfaite harmonie et efficacité, je suis repassée au corner « pizza » et il n'en restait plus! La fille avant moi ayant chopé la dernière part du jour... C'est la leçon du jour...

En atelier « décors », Alyssa n'est pas venue et la prof aurait dû ne rien voir...:
« Mais où est la deuxième qui est avec vous? ... oui celle qui ne fait rien... celle qui aimerait être du côté visible du rideau? »

Ça ne faisait aucun doute sur son identité... J'ai haussé les épaules! Et en plus je suis sûre que son absence n'aura aucune conséquence. La prof est tellement sur une autre planète.

Je me suis trouvée à tenter de faire un vitrail avec du plastique jaune et violet. Maintenant que la prof a gagné au loto de Noël, on ne va plus s'arrêter au papier mâché. On va travailler toutes les matières. Enfin JE vais travailler... parce qu'à ce rythme-là je vais finir toute seule. Et je ne pourrai pas compter sur les autres punis comme moi qui ont l'air déjà bien occupés à comprendre leur nouveau logiciel de son et de lumière...

Ça m'amuse de les observer les geeks. Ils sont quatre en fait, deux asiatiques, un black tout maigre à lunette et un blanc garni de boutons sur la face. Ils s'engueulent un peu mais ont l'air de bien s'aimer. Et ils se font des vannes de geek qu'on ne comprend pas :
- T'as la RAM qui sature gars?
- Mais non appuie sur control-alt-sup!
- T'as brûlé ta mémoire vive mec, on va tout perdre!
- Mais non arrête de te griller le processeur, ça va marcher.
- T'es un gros bug vivant.
- Je t'ai fait un raccourci bureau vers ton cerveau, comme ça t'arrêteras de nous casser le hardware.
- Espèce de malware du bulbe, t'as un trojan dans ton slip!
- Yeah man, au moins j'ai un disque dur man, pas une clé usb flash!!
Et ils ont tous éclaté de rire.

Pas bien suivi, mais j'ai eu la présence d'esprit d'enregistrer leur conversation sur mon téléphone portable bas de gamme qui traînait par hasard dans ma poche. Même si le son est pourri, j'ai pu retranscrire une bribe ci-dessus.

Ils ont l'air heureux ces gars. Ils sont vraiment à part, différents, pas très bien cotés sur l'échelle sociale du lycée à mon avis. Mais ils se sont trouvé des congénères, ils partagent une passion et ont l'air de nager dans le bonheur de leur ghetto. Je dis ghetto car ils ne font pas attention à moi, ils ne me voient pas. C'est déjà ça, je pourrais avoir droit à quelques allusions porcines. Peut-être qu'entre gens différents on se respecte sans se parler. On n'a pas la même langue mais on cohabite sereinement.

Pourquoi ce sont les « gens » en haut de l'échelle du lycée qui sont les plus intolérants, les plus méprisants alors qu'ils sont tout et ne se sentiront jamais menacés par un boulet comme moi? Évidemment je pense aux Pestes.

D'ailleurs ça se confirme qu'elles me snobent totalement depuis l'agression de dimanche. Pas de regard, pas de moquerie. Je suis sortie provisoirement de leur champ de vision. Mais à l'inverse je les surveille du coin de l'œil, un œil bien plus sûr de lui. Je me sens plus forte depuis dimanche et je n'arrive pas à expliquer pourquoi. Peut-être parce que j'ai réussi à me sortir d'une situation inextricable? Ou que j'ai ressenti que je pouvais compter sur quelqu'un? Je sais pas du tout!

Mon vitrail ne ressemblait pas à grand-chose, c'était un collage de bouts de plastique ensemble. Mais en m'éloignant j'avais l'impression de voir des lunettes géantes disco. La prof était dubitative au début puis a ri : « C'est psychédélique ma chérie! »

En fin d'atelier, tout le groupe des chanteurs était en coulisses et c'était un joyeux bordel. Un des chanteurs a regardé les premiers décors avec un air atterré : « T'as vu ce qu'ils font... ça va foutre en l'air notre spectacle... les toits on se croirait au Japon... et c'est quoi les lunettes disco géantes... ça m'étonne pas... la prof va foutre en l'air notre spectacle ». Et les autres acquiesçaient. J'étais triste pour ma prof préférée.

Alors que je suis tranquillement sur le chemin du départ au milieu de l'auditorium, dos à la scène, j'entends vaguement la prof qui alpague quelqu'un au loin : « Michèle, Michèle... je voulais vous remercier ma poulette, hé ho... Michèle! c'est grâce à vous tout ça! ». Ça n'attire pas plus mon attention que ça et je ne me retourne pas.

En arrivant à la porte de sortie de l'auditorium, un des geeks me parle pour la première fois :
- Dis, euh, je croyais que tu t'appelais Sarah...
- Oui, comment tu sais ça?
- Pas d'importance...mais la prof t'a appelée Michèle.
- Hein?
- Ouais elle te parlait , mais t'as pas fait gaffe. A plus.

J'ai balayé la scène au loin mais la prof avait disparu. Ai-je bien entendu? Elle me remercie... mais de quoi???? D'avoir foutu le feu à sa salle de classe? D'avoir permis de renflouer ses caisses?

Soit elle est encore plus folle que ce que je pensais, soit elle est beaucoup plus observatrice que ce que tout le monde croit.