Je n'ose pas envoyer de SMS à Yunso depuis le fiasco de vendredi dernier. Je ne veux pas être envahissante dans sa peine... et surtout je me sens mal à l'aise... Puisque c'est moi qui ai débusqué le lièvre...

Si tout pouvait être aussi simple que dans FAIS PAS CI FAIS PAS CA... Mercredi dernier Charlotte annonce son homosexualité à ses parents lors d'une partie de Pictionnary, et elle dessine son aveu... C'était fin, naturel, drôle, touchant ! Non pour Marco il a fallu une mise en scène absolument démoniaque de la part de sa sœur...

La fiction fait du bien, mais la réalité fait du mal. C'est pour ça que j'aime tant les séries...

Mon aveu à Alyssa ne m'a servi à rien, à part mettre le feu au poudre par ricochet entre elle et Sonia, sa nouvelle meilleure amie. Ma culpabilité, elle, reste au top ! Ça c'est sûr, elle est en forme : elle ne dort jamais, elle est sur le pont à la 1ère heure et jusque tard dans la nuit, elle dévore tout sur son passage, elle est d'un égoïsme sans nom puisqu'elle ne laisse aucune place à d'autres sentiments. Bref, on ne sent qu'elle, on ne voit qu'elle, on ne parle que d'elle...

La preuve, au petit déj ce matin, la Vieille m'a sorti une drôle de phrase :

- Dis donc t'as mauvaise mine...

- Ah... sûrement parce que j'ai faim.

- Tu viens de manger trois tartines... Y'a un truc qui va pas on dirait...

Pour qu'elle le remarque alors qu'elle n'en a rien à faire de moi au fond d'elle... c'est que vraiment je dois avoir une bonne tête de coupable...

1h de chiottes puis hop à la caisse ! Aujourd'hui nous étions 3, 2 filles et un garçon en caisse.

A un moment, en pleine rupture de Tenders, l'autre fille de la caisse, Anna, qui est une bombe, me sort : « Ça y est les chiens sont lâchés en cuisine... »

Je me retourne en plein remplissage de boisson au distributeur et là je vois le manager à la langue et la barbe bien pendues, en train de commenter en cuisine avec les cuisiniers ce qui se passe en caisse...

Une commande et deux minutes plus tard, le trio infernal est encore là, immobile. Ils ont des yeux lubriques... sûrement en réponse au physique d'Anna.

Je laisse passer une commande et j'entends une réplique qui traverse le brouhaha : « la grosse nénette c'est moi qui l'ai formée, t'as vu comme elle assure... »

Bon ça ne peut être que moi. Je dois bien le prendre ?

« Tu nous as pas gâtés pour les yeux... sur ce coup-là », répond un cuisinier.

Mmmmh merci.

- CUISINIER 1 : L'autre par contre c'est un délice...

- MANAGER : Ouais, mais elle a rien dans le ciboulot, et puis je l'ai pas formée la gonzesse !

- CUISINIER 2 : Moi je veux bien la former...

Mmmh charmant. Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus, l'égo du manager, ou le machisme ambiant.

A moins que ce soit plutôt le fait que Messieurs les juges glandent pendant que la clientèle réclame ses Tenders et râle...

En plein cours, la moutarde est montée... au nez d'Alyssa. Et elle a poussé la chaise de Sonia qui est tombée directement sur le sol, contre son épaule en même temps que la chaise...

Cette chute a provoqué l'hilarité générale et la réaction immédiate de la prof : « Voilà ce qui arrive quand on se balance sur sa chaise, je vous répète tous les jours d'arrêter cette balançoire. Voilà, Sonia vous avez été punie ».

Visiblement, la prof n'a pas vu que Sonia a été poussée... Mais d'autres l'ont vu. Quentin chuchote autour de lui en répétant inlassablement : « Mais c'est pas juste ». La prof l'entend se plaindre et le force à cracher le morceau : « Sonia, elle est pas tombée toute seule , Madame».

Astucieux de sa part, il dénonce Alyssa sans la nommer expressément. Soignant une fois de plus son statut potentiel de délégué...

« Bon j'en ai marre, Sonia et Alyssa, chez le Proviseur »

Et en chœur harmonieux, les deux Pestes répondent : « Mais j'ai rien fait ! »

La classe se bidonne, et moi aussi. Et à ce moment-là la sonnerie vient terminer le cours... dommage !

Alors oui ! Je suis encore bien à l'origine du mal en ayant balancé Sonia à Alyssa ce matin... mais cette fois-ci je n'ai aucun regret... mon mal m'a fait du bien et a enchanté toute la classe...

Je suis une clown née et personne ne le sait ! Lol

En attendant que le monde découvre ma capacité à faire rire par ricochet, je vais remplir mes caisses chez le roi du poulet frit !

La ramdam autour de l'anniversaire allait bien un jour se répandre et remonter aux oreilles de l'intéressée...

A la pause de ce matin, alors que je vais discrètement gambader dans les couloirs, Alyssa se jette brutalement sur moi par derrière, m'attrape le poignet d'une main et les cheveux de l'autre, comme à son habitude :

- ALYSSA : T'as vendu la mèche, morue !

- MOI : Aïe tu me fais mal... C'est pas moi...

- ALYSSA : Tu vois, tu sais tout de suite de quoi je parle...

- MOI : On en a parlé hier, t'as une mémoire de poisson rouge...

- ALYSSA : Allez avoue !

Je me débats et elle me lâche...

- MOI : Je te dis que c'est pas moi... mais je sais qui raconte tout...

- ALYSSA : Facile d'accuser les autres...

- MOI : Demande à ta nouvelle meilleure amie...

- ALYSSA : Tu crois que je vais te croire... ?

- MOI : T'as qu'à demander à Rosette la Gothique comment elle est au courant, et à Ashley...

Elle se tait, fronce les sourcils et tourne les talons.

Sur la fin du cours, il ne s'est rien passé entre Alyssa et sa voisine... J'imagine qu'elle va aller vérifier avant de se déchaîner...

Mais Ashley a assisté de loin à la scène et m'assaille de SMS en fin de cours :

« Keski sé passé tt à lh ? »

« Sayé ? Ta tou di ? »

« Elle va la tué sa voisine 2 class ? »

« Répon !!!! »

Je l'ai un peu laissée mariner, elle serait trop contente de récupérer sa place de Dauphine dès aujourd'hui...

Ma conscience va-t-elle mieux ?

Non, loin de là... J'aurais peut-être voulu qu'Alyssa m'en veuille, qu'elle me traite de tous les noms, qu'elle me tire les cheveux et qu'elle m'arrache le poignet comme elle sait si bien faire... Rien de tout ça, elle savait déjà. Un coup d'épée dans l'eau.

Qu'est-ce qui va soulager ma conscience ?

Sûrement pas la tête de Yunso qui m'a dit bonsoir avec un air de chien battu... ni Marco qui fait une tête d'enterrement et qui erre dans la rue comme un SDF.

Ce sont eux qui me font sentir coupable... J'ai fait du mal à des gens que je respecte, que j'aime bien et qui ne m'ont jamais fait de mal.

Finalement la méchante de l'histoire n'est pas celle qu'on croit...

17 ans, grosse, moche, et sans scrupule !

Finalement l'occasion d'avouer m'est tombée dessus plus vite que prévu.

Tous mes lecteurs doivent désormais le savoir, « the place to be » dans mon lycée ce sont les toilettes pour filles...

Non cette fois je n'ai pas entendu de conversation indiscrète... je suis sortie des toilettes et je suis tombée nez à nez avec Alyssa qui se refaisait une beauté coiffure devant le miroir, nous n'étions que toutes les deux dans cet endroit pas très salubre, très gênées de nous retrouver ensemble...

Et je me suis alors dit que c'était le bon moment... A qui avouer à part à elle ? C'est la première concernée. Bon je n'aurai pas d'absolution de sa part, mais sa haine probablement renouvelée ne changera pas ma vie en mal...

Je me jette dans le vide avec un certain vertige :

- MOI : Je peux te dire quelque chose ?

- ALYSSA : Est-ce que tu crois vraiment que ça va m'intéresser ? Oh c'est bizarre tu tangues comme un bateau...

- MOI : Je pense que ça peut t'intéresser...

- ALYSSA : Je vois pas ce qu'on a en commun ! ... T'es bourrée ou quoi, on dirait que tu vas tomber dans le vide...

- MOI : C'est de ma faute, tout est de ma faute !

Et là je m'écroule sur elle, mais elle me repousse et je retombe en arrière avant de me remettre sur mes pieds. J'ai vraiment cru que je me jetais dans le vide en fait, mais elle m'a rattrapée. C'est un signe, je dois continuer, elle va m'empêcher de sombrer.

- ALYSSA : Qu'est-ce que t'as encore fait gourdasse ?

- MOI : Ton frère... Kevin... bah c'est de ma faute...

- ALYSSA : Hein ? T'as pris quoi à midi ? Je vois pas ce que tu viens faire là-dedans...

- MOI : C'est Fleur de Lys qui t'a tout dit...

- ALYSSA : Ben oui et alors...

- MOI : Et tu te dois demander comment elle savait la vérité sur ton frère et Kevin...

- ALYSSA : Non !

- MOI : Ah ?

- ALYSSA : Elle m'a dit que c'était toi... et ça m'a paru crédible ! T'es trop bête pour inventer une histoire pareille...

- MOI : Merci !

- ALYSSA : Donc va falloir que tu m'expliques en quoi c'est de ta faute...

- MOI : Si j'avais rien dit, rien ne se serait passé...

- ALYSSA : Et ils auraient continué à me prendre pour une conne, les deux pédés...

En gros, à sa manière, elle est en train de me remercier... Je suis un peu sans voix.

- ALYSSA : Mais fais gaffe à toi, je t'ai à l'œil, je veux pas que ça se sache tout ça...

- MOI : Pourtant t'as tout filmé...

- ALYSSA : Ben j'en ferai rien, et si ça se répand comme une trainée de poudre, je saurai que ça vient de toi. Et t'as pu voir vendredi ce qui peut se passer quand on s'attaque à moi...

Je déglutis bruyamment, non je ne veux pas qu'elle se venge sur moi comme elle s'est vengée sur son frère...

J'ai pas bronché... Mais y'a un petit risque et ça vient pas de moi...

J'avais presque oublié que le cours de philo du jeudi matin était à ce point soporifique... Le prof est toujours aussi lunaire, il débite son cours comme si on était pas là... il avait des gros cernes... et une bonne chique à la mâchoire gauche... Sûrement une bonne rage de dents... ce qui explique peut-être son état encore plus végétatif que d'habitude... Il devait être shooté aux anti-inflammatoires !

Conclusion, j'ai pu gamberger toute la matinée.

La personne dont je parlais hier c'était... moi. Ces deux jambonneaux qui s'amusaient à qui était la plus à plaindre m'ont fait réaliser que j'étais dans la même situation ces derniers jours. Je me sens tellement coupable que tout ce qui me console, c'est qu'on me plaigne et mon blog en est témoin...

Alors je cherche comment me débarrasser de ce lourd poids... et dans toutes les séries télé, la seule alternative est l'aveu !!!

Mais à qui pourrais-je avouer ça ? Et qu'est-ce qui va m'arriver après ? Si on ne m'absout pas de ma faute, à quoi va servir cet aveu ?

Tiens le prof vient de citer deux fois le mot « aveu », c'est un signe... Puis il parle de « rédemption ». Dieu doit être en train de me parler par l'intermédiaire de ce pauvre prof vidé de son libre arbitre...

J'attends quoi du coup ? Ben ça se prépare un peu non ? Et puis il faut attendre le moment propice... Bon bah ça j'ai le temps !

Retrouver Tina et Fatima a été mon rayon de soleil aujourd'hui ! Oui c'est surprenant... Je vais vous expliquer...

Direction le jardin du Luxembourg aujourd'hui pour notre chasse aux balises cachées !!! Dans le car qui nous emmène, je reprends le fil de mon « partenariat » avec Tina et Fatima, les deux cailleras du lycée.

- TINA : Fatima, t'es relou, je te dis que c'est oim la plus grosse !

- FATIMA : Menteuse, t'as vu mes bourrelets qui pendent là ? J'en ai plus que oit !

- TINA : Et mes bras là, tu vois, tiens mate, quand je secoue ça fait trembler le bus...

- FATIMA : Toi tu rentres ton uc dans du 48... et moi c'est 50 et toc !

- TINA : Ça veut dire nada, tu sais bien, t'es vraiment une vieille meuf...

- FATIMA : Ben toi la chanteuse, toi qu'as la chetron sur le corps, et la cervelle vers le nord, tu vas nous balancer qui est la plus grosse...

- MOI : Hein c'est à moi que tu parles...

- FATIMA : Tu crois qu'on chante nous ?

- MOI : Bon euh vous voulez vraiment que je vous le dise ?

- TINA ET FATIMA en chœur : ah ouais...

- MOI : Bah c'est moi la plus grosse...

- TINA : Nawak !

- FATIMA : T'es un peu lâche meuf !

- TINA : Tu baratines meuf, à côté de nous t'es une brindille...

Ah ben au moins c'est dit. Dans ce lycée il y a plus gros que moi... Je le savais déjà mais c'est bien de se le faire confirmer par les intéressées...

Puis cette guerre de la plus misérable a continué au jardin du Luxembourg après avoir acheté une barbe à papa à côté du Théâtre de Guignol :

- FATIMA : Tu vois c'est toujours oit qu'en a le plus...

- TINA : De quoi que tu causes ?

- FATIMA : Regarde ma barbe à papa...

- TINA : Ouais ben si j'ai la plus grosse, ça va se retrouver direct sur mes hanches et ça enfoncera le clou, tu vois j'avais raison, c'est moi la segro...

- FATIMA : Ferme ta bouche...

15 minutes plus tard, et une balise seulement de trouvée, elles sont allées sur le terrain de « l'amour » enfin si on peut appeler ça comme ça :

- FATIMA : Je ressemble tellement à un streum que jamais un mec voudra de oim.

- TINA : T'essaies de me mettre un sked, meuf !

- FATIMA : Tu te souviens du rebeu qui m'avait guedra et qui m'avait tèje devant ses darons ?

- TINA : Ben c'est mieux comas que rien ! Moi on m'a jamais pécho, qu'est-ce tu crois meuf ? C'est le désert affectueux ma life !

- FATIMA : Ben dis nous toi, la cheftaine, c'est laquelle des deux la plus cheum ?

- MOI : Hein ? Moi ? Encore...

- TINA : Et nous réponds pas oit ! T'as d'jà fait le coup...

- MOI : Tiens une balise... alors ça c'est un coup de chance !

- FATIMA : T'as vu Tina comme elle nous balade encore la meuf...

- TINA : Ouais la relou, dis-le que c'est oim la plus cheum...

- MOI : Euh cheum... ça veut dire quoi ?

- FATIMA : T'es grave has been...

- TINA : Oui, vegra !!!

Et elles ont explosé de rire. Au moins mon incompétence en langage caillera les aura un peu rapprochées... pendant quelques secondes !

Un court moment de paix avant de repartir dans leur guerre : celle qui la le plus de boutons sur la face... celle qui a le cheveu le plus sec et le plus incoiffable... celle qui a les plus mauvaises notes... celle qui aura jamais son bac... celle qui la plus de vergetures et de cellulite... celle qui a la famille la plus relou... etc !

Et comme à chaque débat, il fallait s'arrêter net et ne plus chercher ces fichues balises, ben on est encore arrivées dernières.

Mais ça m'a fait du bien ces chamailleries. Pour une fois que c'est pas à qui sera la plus belle et la plus intelligente. Par comparaison, je me suis toujours sentie « la moins pire » !

Mais elles étaient quand même assez pitoyables à chercher qui était la plus malheureuse et qui avait le plus raison de l'être... En gros c'est un concours de pitié...

Et ça me fait penser à quelqu'un en écrivant ça...

Entendu ce jour dans le couloir :

- SONIA : Mais tu devrais être aux anges, tu as eu tout ce que tu voulais...

- ALYSSA : Ouais... Ouais...

- SONIA : Et puis c'est ton anniversaire aujourd'hui ! C'est la fête !

- ALYSSA : Pffff

- SONIA : Mais secoue-toi, on va faire la bringue hein !

Décidément tous les membres de cette famille sont nés en novembre ! Marco c'était vendredi... Tiens je croyais que les pics de naissance c'était le 23 septembre de chaque année, à cause des câlins de la Saint Sylvestre !

Bref. Alyssa n'a pas la pêche... Sûrement parce qu'elle est dégoûtée par les anniversaires... Ça c'est pas ma faute pour le coup, c'est elle qui s'est débrouillée pour faire exploser la bombe ce jour-là... moi je l'ai « seulement » allumée...

La vengeance en tout cas n'a pas l'air de la rendre plus heureuse...

Finalement tout le monde est malheureux et personne n'y peut rien. Ah si, moi j'y pouvais quelque chose, mais je n'ai pensé qu'à moi...

Depuis quelques jours j'essaie de lire dans la pensée... j'essaie de deviner ce que ressentent les gens que j'ai pu blesser...

De ma chambre-tour d'ivoire, j'essaie de voir le visage de Marco et l'état d'esprit de Yunso à chaque fois qu'ils sortent et entrent dans l'immeuble.

De ma porte d'entrée, j'écoute toutes les conversations qui ont lieu sur le palier en espérant tomber sur un mot volé qui me rassurerait.

En classe, je décortique chaque rictus et chaque mouvement d'œil d'Alyssa.

Le résultat de mon espionnage de sentiments se solde irrémédiablement par un échec : soit je ne lis rien, soit je devine une lourde tristesse...

Le ver de la culpabilité est en moi et il me dévore le cœur...