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16 ans, grosse & moche!

4 novembre 2012

DIMANCHE 4 NOVEMBRE 23h55

Je porte beaucoup le blouson de David. Et j'ai en stock son 06 qu'il m'avait donné le jour du rendez-vous au cas où. Alors je me suis décidée à lui envoyer un sms de remerciement : « Hello, blouson très bien, merci beaucoup. Sarah »

Et puis je me suis dit que c'était pas assez. Qu'il fallait que je lui offre un coca, un mcdo ou un truc du genre. Et puis je me suis dit que j'avais droit qu'à 60 SMS alors il fallait que je fasse attention. C'est terriblement con ce que je viens de dire : je n'ai aucun contact à qui envoyer 60 SMS. Mais au moins que je remplisse bien à fond les 165 caractères et fasse passer un maximum de choses. Alors j'en tape un 2ème une heure plus tard : « Tu fais quoi le reste des vacances? Tu avances sur les dissert' ?»

Ai-je bien fait passer tous les messages que je souhaitais transmettre? Est-ce qu'on peut bien y lire mon invitation au McDo... Ben voilà c'est mon problème il y a toujours un décalage entre ce que je veux dire et ce que je dis vraiment.

De toute façon c'était en milieu d'après-midi et il ne m'a pas répondu.

J'hésite encore à effacer les messages envoyés et le répertoire qui sont dans le tel. C'est un peu ridicule. Et puis j'ai réfléchi, ce sont peut être aussi des messages qui sont sur la puce. Je me suis décidée à aller voir ce qui se passait à côté. Visiblement il y avait de l'électricité dans l'air : Marco boudait dans le salon et Kamil s'est enfui en me voyant arriver. Ou alors c'est la conversation d'hier qui a laissé des traces et je ne suis pas la bienvenue?

Marco était au bord des larmes. Il regardait dans le vide l'œil vitreux. Je dérangeais, je pense. Je ne savais pas comment réagir. Je lui ai demandé s'il allait bien en bredouillant. Sa réponse a bien mis 10 secondes à sortir, 10 secondes d'éternité lourde :
- Ça peut aller, je suis un peu déçu en ce moment mais ça va.
- T'as l'air pas bien.
- Non tout va bien, t'inquiète pas, vas-y utilise l'ordinateur.
Comme je ne sais pas communiquer, je l'encourageais à parler du regard. En vain. On ne raconte pas sa vie à une inapte de la vie comme moi.
- Je voulais pas vous déranger, j'ai pas besoin de l'ordi, je passais pour te remercier pour le téléphone
- C'est rien il est en fin de vie...
- Et pour la puce c'est un super coup de pouce. Justement je voulais savoir si je pouvais effacer tout ce qu'il y avait dans le téléphone?
- Ah bon il reste des trucs? Je sais même plus à qui il a appartenu, j'ai récupéré tous les téléphones à recycler de ma famille et d'ici.
- Il était pas à Yunso? on dirait un téléphone de fille.
- Non j'en suis sûr.
- Et la puce y'a ptet des trucs dessus aussi?
- Elle a dépanné Kamil je crois, puis moi pendant quelques jours. Moi j'ai tout vidé enfin je crois.

Bref, je ne suis pas plus avancée. Sauf que c'est pas Yunso. Et j'arrive pas à voir ce qui est sur la puce ou dans le tel.

J'ai refouillé les messages envoyés et il y en a un qui a attiré mon attention et qui avait l'air plus rédigé que les autres : « Je veux pas qu'on te voie. Arrive vers 3h du matin. Tu me sms. On va s'éclater gars, j'ai trop envie. Trop longtemps qu'on en parle. Mmmh je suis chaud, c'est volcanique sous la ceinture... »

On va s'éclater heu en jouant aux jeux vidéos? En faisant la cuisine? En jouant au tarot? Je suis pas idiote. C'est d'un type à un autre type. C'est donc comme ça qu'on se parle entre garçons.

Je ne sais pas si je suis gênée ou si je m'en fous. Conclusion : il faut toujours jeter son portable sous peine de partager sa vie privée avec le futur propriétaire de l'objet.

Ce sms fait clairement tache avec le reste qui est assez nunuche, presque débile. Genre des textos pour rien dire. « je suis là », « je suis en bas », « j'arrive ds 5' », « bouge tes fesses pétasse ». Ah non tiens celui-là il est moins cucu.

Je me sens un peu voyeuse, une curiosité malsaine, un besoin de vivre par procuration. Et aussi de faire joujou avec un portable. Ça m'a manqué de ne pas avoir ma petite connexion sur le monde. Même s'il y a nobody dans le carnet. C'est le possible qui est excitant, pas le réel immédiat.

Tout ça me refait penser à la manière dont j'ai perdu mon premier petit portable. C'était pas un tactile, simplement un petit bidule à 1€ qui m'avait donné l'impression de rentrer dans la cour des grands. Mais j'ai vite réalisé que j'étais limitée par rapport aux autres, je pouvais pas surfer comme tous les branchés. J'ai pas gardé longtemps l'illusion que j'étais branchée, au contraire, mon ptit mobile m'a immédiatement fait comprendre que j'étais déjà ringarde.

Mais il aurait pu durer quelques mois de plus. Il est mort écrasé et brisé en mille morceaux. Comme moi. Je crois qu'il faut je revive ce moment, que je couche sur papier tout ce poids qui m'est tombé dessus et qui a duré des mois.

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4 novembre 2012

DIMANCHE 4 NOVEMBRE 1h : OPPOSE SYMETRIQUE

Ben voilà j'ai fait tout l'inverse. Mais tout.

1/ J'ai pas travaillé, rien fait, rien écrit, les DM s'empilent, les dissert' s'enlisent dans l'introduction.

2/ J'ai été tentée par tout ce qui passait autour de moi, même la nourriture, même le Chien! Ben non j'ai pas bouffé le chien. Mais il réclamait des câlins. Ben oui je crois qu'il m'aime bien surtout depuis qu'il a grogné sur la Vieille il y a une semaine.

3/ Je suis allée chez les voisins, n'importe quoi pour repousser le moment de se replonger dans les copies. Et là bingo le mail de Rondin marchait enfin. Le suspense allait enfin s'achever, j'allais découvrir le fin mot de l'histoire... Que nenni! (j'adore cette expression ancestrale utilisée dans les pièces de théâtre qu'on nous force à lire). Voilà en résumé le passage important du mail :

« Contente de voir que tout se passe bien, espérons que ça dure...
Je ne peux pas te raconter grand chose sur ta famille, à part qu'ils possèdent toutes les garanties que nous demandons. Après je ne te cache pas qu'après tous les événements des dernières années, on ne pouvait te fournir la famille idéale.
J'espère que tu fais des efforts à l'école et que tu auras des meilleures notes que l'année dernière, même si c'était pas catastrophique.
Et sur la nourriture je pense surtout que tu devrais faire du sport. Je pourrai te conseiller si tu me le demandes.
Et envoie moi des nouvelles régulièrement, plus que ces dernières semaines STP.
Mme Rondin »

Rien de ce que je voulais : l'école, le sport, ma grossitude, oui là y'a du monde. Pour me parler d'Emilie, y'a plus personne. Et puis alors rien c'est le NEANT. RAS.

On passe à autre chose. J'ai relancé Yunso sur la machine à coudre, j'ai eu droit à une fin de non-recevoir.

4/ Évidemment j'ai écrit sur mon blog. Ça me fait autant de bien que le Nutella. Si au moins ça pouvait s'y substituer?

5/ Entre tout ça, j'ai pas arrêté de regarder la télé, de zapper, j'ai regardé toutes les séries qui me tombaient dessus en me disant qu'à la fin de l'épisode je m'y mettais. Puis un autre me tombait du ciel.

6/ Il fallait bien que je mate un peu dans la rue. Et bien sûr, la mamie gentille m'a fait coucou, elle a une vue perçante! Moins cool, elle a embrassé Ashley. Berk, elle la connaît aussi. C'est la grand-mère de l'une ou l'autre. Comment une mamie aussi douce a pu engendrer un de ces deux monstres?

7/ Un peu de tension avec la Vieille qui m'a traitée de « vorace ». Bon ça peut paraître gentil de loin, du style « mignonne petite gourmande » mais le ton qu'elle a employé ça signifiait surtout « grosse vache ruminante ». J'ai grogné alors elle m'a répondu que j'étais vraiment mal élevée! Et là je me suis défendue : « Et elle était bien élevée votre fille? ».

Quelques secondes de paralysie avant d'attaquer : « De quoi je me mêle petite fouineuse! Elle était tout l'inverse de toi! »

Voilà ça suffit non? J'ai pas répondu.

De toute façon elle gardait son énergie négative pour le Vieux qu'elle a dans le collimateur depuis qu'il s'est débarrassé du beau Newrock. Quel dommage!

8/ Il reste quoi? Une rencontre impromptue... non rien là j'ai rien... Si bien sûr! Il y a eu une rencontre suite à espionnage. J'étais mandatée par la Vieille pour descendre les poubelles dans le local au rez de chaussée... Mais il y avait déjà quelqu'un et même deux personnes qui semblaient en grande conversation discrète au rayon poubelle verte (la poubelle non recyclable, la poubelle qui pue quoi!). D'abord je me suis cachée, oh c'était pas pour espionner... au début. Non c'était par timidité sauvage, je n'aime pas tomber sur des gens dans le couloir de l'immeuble. Alors quand j'entends un bruit je me cache jusqu'à ce que l'inconnu passe. Je sors d'ailleurs rarement de l'appartement avant d'avoir vérifié que j'entends personne au loin qui risquerait de me croiser.
Derrière la porte du local, j'ai écouté quand même involontairement, et j'ai reconnu Yunso et Kamil. Elle lui faisait des reproches :
- Tu vois où ça nous mène ton insistance? T'es prêt à en payer le prix?
- T'as pas dit non...
- T'es prêt à perdre à l'équilibre qu'on a tous les trois? L'amitié c'est pour toujours.
- Moi je suis prêt pour toi!
- Moi je suis pas prête à le perdre. Tu sais très bien qu'il compte pour moi.
- Mais pour moi aussi tu sais bien qu'il compte.
- Je peux pas vivre sans lui, je peux pas te supporter sans lui.
- C'est charmant...
- Il fait tampon entre nous deux, tu t'illusionnes Kamil...
- Moi j'me fais aucune illusion, tu me plais et tu le sais et c'est sérieux pour moi, ça couve depuis longtemps en moi, ce qui me fait réaliser que c'est un truc solide que j'éprouve...
- Mais regarde-toi, t'es un coureur, tu peux pas t'en empêcher.
- Et toi tu peux pas rester un mannequin en plastique toute ta vie, un truc inaccessible, intouchable.
- T'as vraiment rien compris...
- J'ai compris que je ressentais quelque chose pour toi et je serai prêt à changer de vie pour toi...et toi non...
- Ben voilà cqfd!
J'ai entendu des froissements de vêtement et des respirations fortes. C'est pas à la reine des romances télévisuelles qu'on va faire croire à autre chose qu'un baiser...

Mais j'étais tellement prise par ce moment romantique que je n'ai pas entendu le danger arriver. Et je suis tombée nez à nez avec les tourtereaux :
- Mais qu'est-ce que tu fais là? , harangue Yunso suspicieuse
- Les poubelles! ... ça pue hein! , bredouille la grosse et moche espionne et coupable
Kamil a détourné les yeux, Yunso a jeté son regard de colère sur moi puis sur Kamil qui s'enfuyait.

Puis je me suis retrouvée seule devant la poubelle. Avec l'espoir que cette scène secrète n'entache pas le petit rythme habituel et rassurant que j'ai construit avec le trio...

3 novembre 2012

SAMEDI 3 NOVEMBRE 14h30

Je me suis levée de mauvaise humeur en voyant l'ampleur des devoirs sur lesquels je n'ai pas beaucoup avancé. Allez il me reste une semaine, et comme j'attends qu'il se passe quelque chose et que parallèlement il ne se passe rien, il vaut mieux que j'attende moins et que j'agisse plus.

Au boulot, pas de tentation, pas de visite chez les voisins, pas de blog, pas de télé, pas d'espionnage dans la rue, pas de prise de bec, pas de rencontre impromptue! Stoooppppp!

2 novembre 2012

VENDREDI 2 NOVEMBRE 16h40 : JOURNEE VIDE

Je me pavane avec le téléphone comme un ado! Ben normal je suis une ado. Mais il n'est pas vide. Il reste des numéros, Marco, maman, mamie, bar, des surnoms qui ne me disent rien. Peut-être qu'il a appartenu à Yunso. Classe!

Et il y a des sms en langage sms je comprends rien. J'imaginais pas YunSo envoyer des sms teenage. C'est un peu dur de se l'approprier pour l'instant. J'aimerais tout effacer mais ça me turlupine, et j'avoue que j'aime rentrer dans la vie privée de quelqu'un.

Il y a des textos à son chéri surnommé « Lover » : « je pense tro à oit », « j'ai bsoin de toi mon cœur »... « rdv sur not ban » « tu é le +bo de la terre »... C'est niais non? C'est l'amour qui rend comme ça et même à tout âge.
Il n'y a aucun message reçu, la propriétaire ayant au moins pensé à vider cette boîte-là. Mais l'autre est bien garnie : tiens un sms à Marco « rdv chez mum and dad à 13h pour le déj biz ». Alors ça pourrait être sa sœur? Ou bien sa petite amie officielle, ou bien YunSo qui sortirait avec Marco? Non il y a déjà « Lover ». Bah c'est ptet un sms amical tout simplement. Ils vivent en coloc et fréquentent tous les parents des uns et des autres.

Je veux savoir... Tout le monde a des surnoms : Gro, Mac, Xris, Ash. Ca ne m'aide pas.

Je viens de recevoir une réponse sur ma messagerie fantôme de Rondin. Ça date d'hier, normal je vais rarement sur mon mail, pourquoi faire? Des spams des spams et encore des spams... Hop tout à la poubelle! Mince je viens de balancer le mail de Rondin à la corbeille. Mince, je le retrouve pas, ma corbeille plante. Quelle conne, quelle empotée! « Erreur réseau ».

Quelqu'un me fait une bise dans le cou, je frissonne de peur. C'est Kamil :
- Ben t'as pas l'air d'aimer ça!

Je hoche la tête négativement, avec une tentative de sourire qui en dit long sur mon malaise. Je ne suis pas habituée, j'aime pas qu'on me touche. De toute façon il s'en fout, il fait ça avec tout le monde même avec Marco. Et le voilà qu'il revient vers moi :
- Je me suis renseigné sur la fille des voisins. Elle s'appelait Emilie, elle a disparu du jour au lendemain du quartier et ses parents ont raconté qu'elle était partie vivre à l'étranger après son bac. Rien de plus, je la revois même pas physiquement, elle était soit moche, soit trop vieille pour moi.
- Merci.
- C'est tout? Merci?
Il me tend la joue... pour un baiser... je ne m'exécute pas, il m'en fait un, je m'essuie la joue. Il rit et part taquiner Yunso.

Et là je me souviens que Yunso, j'ai besoin de son aide en urgence, le blouson... Mais tout était trop facile... :
- Ma machine est cassée, la faute d'une andouille qui vit dans cet appart'. Je ne sais pas quand elle va remarcher. Ca dépend de lui, conclut-elle en montrant du doigt Kamil.
- Sinon tu crois que c'est possible?
- C'est ma spécialité, mais sans machine pro, je ne ferai rien, je ne voudrai pas mettre en péril ton beau blouson.

Et c'est une femme de goût qui me dit ça!!! La classe. Je me déteste un peu moins ce soir.

Entre temps, ma corbeille est toujours en erreur réseau. Je vais rentrer chez les Vieux. Journée vide, ou presque, à part les indices de Kamil sur la fille des Vieux. Elle s'appelle Emilie.

1 novembre 2012

JEUDI 1er NOVEMBRE 18h45 : MONTAGNES RUSSES

Demain c'est la journée des morts. J'aimerais tant pouvoir pleurer les miens. Une racine même éteinte. Mais je suis une branche sans arbre qui tient debout toute seule. Je cherche toujours comment cette branche tient debout toute seule? Je suis assise dessus et dans le noir je la tâte pour m'assurer qu'elle ne va pas se briser. Puis j'avance très prudemment pour contrôler toute la branche. Mais je n'atteins jamais le tronc que j'aimerais tant serrer contre moi.

C'est un bon résumé de la nuit dernière. Avec mon passage récurrent, de famille fantôme qui me tient la main. Mais la nouveauté c'est que j'ai rêvé qu'on me léchait la main... c'était bizarre. Non? Quelque chose me lèche la main et je ne sais pas ce que c'est. Ce contact mouillé berk! Un relent de la soirée d'Halloween?

Les vacances c'est le moment de faire le point sur ses peurs profondes. Alors que tous ces jeunes vivent le présent à fond, dans une totale insouciance et aucune anticipation du lendemain, moi je commence à angoisser. C'est le mot « bac » qui fait écho à cette nouvelle et surprenante angoisse...

Jusqu'à maintenant je stressais pour le lendemain, pour l'école, sur la prochaine famille d'accueil, sur le foyer...mais c'est bientôt fini tout ça. Après le connu horrible, voilà l'affreuse inconnue. A 18 ans, c'est fini, plus de services sociaux, plus de Rondin, plus de famille d'accueil... La liberté... sans un sou en poche. Il y a une petite part d'excitation, une grosse part de frayeur. Et que vais-je faire de ma vie? Ecrire un blog? Dans lequel je décrirai comment se passe la vie d'un blogueur, décrire son blog dans un blog, rentrer sa vie dans le blog, sa vie qui se résume au blog... Mmmh ça va être passionnant. Autant se jeter par la fenêtre tout de suite. Qu'est-ce qui va enrichir ma vie? Très vide jusqu'à maintenant.

Mais oui je viens de comprendre. Le Chien a dormi dans ma chambre hier soir, sous le lit. C'est lui qui m'a léché dans la nuit! Ouf je ne suis pas folle.

En me baladant dans la rue je suis encore tombée sur un indice étrange... Marco et Alyssa se taquinaient, complices à la sortie du Rialto! La garce, elle cherche à coucher? C'est un allumeuse. Moi ce que je pense c'est qu'il est employé du bar à mi-temps, et elle est la fille de la propriétaire. Puis la grand-mère qui passait par là s'est récupérée une bise d'Alyssa. Et la Peste a alors découvert que je l'espionnais. Elle a détourné le regard au début, puis a décidé d'affronter le mien. Un duel à 100 m d'intervalle. La distance me donnait du courage. Mais elle a commencé à marcher vers moi, je décidai de ne pas bouger d'un iota. Les mètres diminuaient peu à peu et l'affrontement imminent m'affaiblissait... A moins qu'elle n'ait eu l'intention de venir me faire la bise aussi. Jusqu'à ce que quelqu'un me heurte violemment par derrière à m'en faire tomber sur les mains. Mon dieu, en me relevant, je vois Ashley!
- Tu croyais que je venais te faire la bise? m'envoya Alyssa.
- Oups je l'avais pas vue, j'ai cru que c'était une colonne Morris! ajouta Ashley, accompagné d'un gloussement typique qu'elle partagea ensuite avec Alyssa.
- Dis donc c'est fête, t'as un nouveau look! Te fais pas d'illusion, tu peux pas cacher ce qui déborde.
Évidemment cette remarque subtile d'Alyssa se transforma en rire méchant.
- La souillon, regarde, sa doublure est déchirée..., renchérit Ashley, très observatrice...
- Pas tant que ça, en tombant, le secret de la doublure était bien plus facile à voir!
- ALYSSA elle l'a trouvé dans une poubelle!
- ASHLEY Ou un sac de la croix rouge pour les SDF
La colère montait en moi et voilà le résultat :
- Je vous ai à l'oeil et surtout toi Alyssa, méfie toi!
- ASHLEY : Ouh là elle devient mauvaise!
- ALYSSA Quoi, qu'est-ce que tu veux? dit-elle menaçante.
- MOI Je me comprends, tu sais très bien qu'on n'habite pas loin
- ASHLEY Ben non on savait pas, tu crois que t'es le centre du monde?
- MOI Ça me fait pas plus plaisir qu'à toi, mais moi j'ai rien à cacher...
- ASHLEY A part les petits bourrelets par ci par là?
- MOI Fais gaffe Alyssa, tes petits secrets ne sont pas bien gardés avec moi...

Putain, mais je lui ai mis la trouille. Pendant que la Ashley me vilipendait, la Alyssa faisait dans sa culotte. Ah... intéressant...elle a bien un hamster mort dans son placard... Évidemment je n'allais pas balancer la seule chose indiscrète que je sais sur elle, à savoir qu'elle sort avec Marco! Voilà cqfd, ma fille tu l'as dans le baba. Elle me tuait du regard et plutôt me poignardait la rétine pour découvrir la vérité derrière. Ashley, comprenant que son petit maître n'était pas à l'aise, mit fin à la conversation :
- Allez viens, elle est trop conne, en plus d'être moche et grosse!
- Oublie pas ce que je t'ai dit, conclut la grosse et moche.

Une idée pour renommer mon blog en « grosse_moche_conne.com »! Pour une saison 2, parfait!

Cinq minutes plus tard, j'aurais dû pavaner, heureuse de l'effet de mes petites menaces sans grande valeur. Et bien non je chialais contre la colonne Morris de la rue. Un menhir à côté d'une colonne. . Quelqu'un vint me mettre la main sur l'épaule en douceur et me fit sursauter, c'était la grand-mère :
- Désolée je ne voulais pas te faire peur, tu avais l'air si triste, sur un si beau visage c'est dommage.
Elle me souriait m'inondant de bienveillance, et moi je la regardais hagarde, les yeux en feu. Elle me mit la main sur le bras :
- Si c'est un garçon qui t'a fait ça il n'en vaut pas la peine.
- C'est une fille!
- Et le gentil garçon de l'autre jour alors?

Elle a l'œil la mamie. J'ai acquiescé, elle venait de me mettre sur la voie. Pour me consoler et le remercier, je devais revoir David avant la fin des vacances.
La conversation s'engagea :
- Tu habites où, ma belle?
- Là haut!
- Ah je connais bien cet immeuble. Toute ma famille vit dans ce quartier.
- Vous êtes souvent au bar...
- Oui j'aime observer les gens et je m'y sens chez moi. Tu es ici depuis quelques mois?
- Oui je vais au lycée dans le coin
- Ah tu dois connaître ma petite fille alors...
- Je vais y aller, merci.

Évidemment, je ne voulais pas connaître la suite, je me doute bien qu'Alyssa est sa petite-fille. Je ne voulais pas lui dire que c'était son sang qui m'avait fait pleurer.

Mais avant d'aller voir David, je dois faire quelque chose pour ce blouson. Je me décide à utiliser les compétences de YunSo alors que je les fréquente vraiment plus que pour retranscrire mon blog. En arrivant chez eux, Marco me dit qu'elle n'est pas là. Et je vois qu'il trie des vieux téléphones portables et qu'il est en même temps sur un site de recyclage. Mmmh mon regard embué s'éveille et en dit plus que ma bouche. Marco remarque mon intérêt soudain:
- T'en veux un? J'allais tous les envoyer au recyclage, j'ai fait tous les placards. Ils ont l'air de marcher.

Mes yeux brillent, j'ai eu un portable avec une carte prépayée l'année dernière, mais d'une part je n'en faisais pas grand chose car par d'amis, et d'autre part, le téléphone a été écrasé dans des circonstances un peu brutales. Je n'avais pas d'argent pour réinvestir. Alors à quoi bon? Mmmh peut-être l'envie d'être un minimum comme tout le monde, un effet mouton. Plus fort que moi. Et je tilte sur un téléphone tactile Samsung, pas du tout dernier cri, mais métallisé, pas trop abimé. Marco voit tout :
- Pas besoin d'en dire plus, tes yeux t'ont trahi. C'est celui qui est le plus moderne et en meilleur état? Vérifie s'il est bien vide. T'as un abonnement?
- Rien du tout.
- En ce moment j'ai une puce free 1h 60 sms gratuits et c'est à zéro euros. Personne n'en a besoin ils ont tous un forfait illimité à 20 euros. Si tu veux je te le passe fais pas de bêtise c'est la coloc qui paie en fait.

Mes yeux frétillent, j'étais venu chercher un « racommodage » de doublure, je repars avec un portable et un abonnement. Et je découvre que ce mec qui me semblait le plus froid des trois est peut-être le plus généreux :
- Je sais pas comment te remercier? Je te refilerai la différence si y'a besoin.
- Ben dis donc ça te fait un effet. J'ai pas l'habitude de faire des cadeaux gratuits qui font autant d'effet.
- T'imagine même pas.
Et je peux pas m'empêcher de me mater dans le miroir, avec le phone à la main. Stylée la grosse moche et pas si conne va.

Finalement, ce sont des montagnes russes en ce jour du 1er novembre. Des rencontres malvenues, des rencontres bienveillantes, des mystères, des cadeaux... Reste cette doublure qui s'effiloche, et le boudin qui se faufile dedans n'arrange rien.

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1 novembre 2012

JEUDI 1er NOVEMBRE 0h10

Je viens de me réveiller, en sueur. Je me suis endormie la cuillère dans la bouche, seule dans le salon. Des cris dans la rue ont interrompu mon cauchemar. La sorcière me tirait par les cheveux et tentait de me faire avaler un couteau afin de me trancher la gorge de l'intérieur. Et ce couteau avait un goût de métal écœurant. La cuillère ben oui! CQFD.

Ce rêve sombre va-t-il se poursuivre, une fois le marchand de sable (re)passé?

31 octobre 2012

MERCREDI 31 OCTOBRE 22h10 : HALLOWEEN...PAR LA FENETRE!

Après le dîner ce soir, je mangeais un yaourt debout dans la cuisine. Le Vieux avait l'air pensif presque nostalgique. On ne se parlait pas mais on était bien. Je ne sens plus de gêne avec lui. Mais l'absence de la Vieille partie chez sa sœur contribuait grandement à cette ambiance sereine.

Il m'a regardée un instant avec le sourire, attendri comme si j'intervenais soudainement dans la petite histoire mystérieuse que le Vieux était était en train de se dérouler.

« Elle avait des très bonnes notes à l'école. C'était une élève parfaite ».

Ses yeux sont repartis dans le vide et la tristesse. Je n'ai pas bien percuté tout de suite. J'ai froncé les sourcils, pouffé bêtement. Puis mes neurones se sont connectés. Il venait de répondre à ma question de la semaine dernière. Une semaine pour décanter...

Arriverai-je un jour à lui poser la question qui me brûle les lèvres? J'ai trop peur de casser ce petit havre de paix social que j'ai établi avec lui.

Un cri hystérique de glousseuse en rut vient de me déconcentrer. Je vais voir à la fenêtre.

Et là surprise, j'avais oublié que c'était le soir d'Halloween. Un héritage américain, envoyé en masse par l'arme commercial nucléaire. Mais ici le phénomène a fait pshitt, à part à Disneyland Paris! Et à part dans ma rue où une bande de jeunes s'apprêtait à se faire une soirée de folie. Je maudis cette fête de l'obésité où on est forcé de manger toutes ces cochonneries sucrées pour remplir les caisses des confiseurs.

Hey!!! Mais qui vois-je en sorcière, c'est Ashley! Ça lui va comme un gant. Tiens cette fête lui va aussi comme un gant. Avec un prénom pareil. Je me demande si une Ashley ne se fait pas zigouillé dans Halloween 32.

Oh non, il y a Alyssa, en Amazone. La féminité en force accompagnée de son petit ami « Tête d'ange » déguisé en ange! Ils sont très beaux tous les deux, bien mis en valeur par la sorcière-potiche à côté. Je croyais qu'on devait se déguiser en monstre qui fait peur. De toute façon, Alyssa est monstrueuse naturellement, pas besoin d'accessoire. Ça se lit dans ses yeux!

Je me demande à quoi va ressembler leur soirée... ils vont briller, s'aimer, être désirés, se transformer en centre du monde, en Soleil. Ils dégoulinent de charme dans la rue et tout le monde les admire. En particulier une grosse patate par la fenêtre de sa chambre. Je vomis cette fête d'Halloween.

Je vais travailler sur une dissert'... ou manger une cuillère de Nutella... devant un épisode de Desperate Housewives.

30 octobre 2012

MARDI 30 OCTOBRE 23h50

Je relis ces dernières lignes et je réalise que même des enfants me piétinent. Comment s'aimer et se respecter quand des nains pré-pubères ne font qu'une bouchée de moi?

Je me rassure sur les jumeaux, c'est le père en acier qui m'a fait faire pipi dans la culotte. Au sens figuré, au fait. Je suis une poule mouillée, pas une incontinente.

30 octobre 2012

MARDI 30 OCTOBRE 18h20 : FONDATIONS

J'étais dans une famille d'accueil habituée à l'exercice. Une usine d'accueil! Les parents avaient des grands enfants qui avaient quitté récemment le foyer. Restait leur benjamine âgée de 9 ans. La petite fille était belle, craquante, intelligente, vive. Et tout le monde s'extasiait devant elle, la petite Céliane. Une petite star bien dans sa peau.

Il y avait une autre pièce rapportée avec moi. Un ado de 16 ans nommé Rémy, qui partageait avec moi le statut de figurant dans ce foyer rythmé par la Céliane. Rémy était plutôt réservé et hyper mal à l'aise en public. Un peu comme moi. Mais c'est tout ce que nous avions en commun. Il adorait le sport à la télé, la F1, les scooters, des trucs de mec hyper cliché! Et moi, même si je ne suis pas un exemple de féminité, j'ai horreur de tous ces codes virils où on ne parle que de mécanique, de cylindrées et de transfert de joueur de foot décérébré. Bref un fossé. Et puis je suis un peu autiste naturellement.

Céliane, la gamine girly complètement orientée par la télé était obsédée par les « amoureux ». Et malheureusement elle s'est réveillé un beau matin avec l'envie de nous caser ensemble Rémy et moi. Un petit cupidon bienveillant? Mmmh plutôt une petite peste lourdingue qui se fait passer pour un ange.

Nous marier est devenu son petit jeu préféré avec le temps. Une situation inédite pour moi : une petite fille de 9 ans prenait le pouvoir sur moi! Un harcèlement de mineure à mineure avec la bénédiction gâteuse des parents en admiration devant tant de « bonne volonté ». « Plus tard je serai marieuse » : voilà qui générait un tonnerre d'applaudissements.

Elle nous enfermait lui et moi dans une pièce pendant une heure en espérant qu'il se passe quelque chose. Elle insistait lourdement pendant les repas et sans se lasser. Et un jour elle a dépassé les limites : elle a ouvert la porte de ma chambre pile au moment au j'étais en train de me changer et cette petite peste tenait Rémy par la main. Les deux m'ont vu en culotte et le haut tout nu. Rémy est devenu tout rouge et elle a gloussé!

Cachée par un T-shirt saisi en catastrophe, je me suis précipitée vers elle en lui hurlant dessus. Au début elle faisait la fière impassible et muette, réfugiée dans un sourire malicieux, presque pervers. Rémy, sentant la situation dégénérer a pris la poudre d'escampette. La petite m'a sorti alors innocemment :
- Je voulais qu'il te voie toute nue
- Tu m'espionnes?
- Ben par le trou de la serrure, c'est facile! assura-t-elle se croyant plus intelligente que tout le monde
- Tu veux une claque?
- Essaie pour voir!

Et là, ce fut plus fort que moi, je l'ai poussée sans la gifler. Un compromis entre la colère et la raison.

Céliane s'est mise à pleurer en hurlant et quand sa mère est arrivée, Céliane a mis sa main sur sa joue en frottant fort. Sa mère n'a même pas eu besoin de lui demander ce qui s'est passé et s'est jetée sur moi :
- T'as pas honte de frapper une gentille petite fille sans défense? Elle veut que ton bien et toi tu la bats?
- Mais enfin j'aurais jamais fait ça...

La petite fille avait tellement frotté sa joue, que la preuve était bien là... Ma vie dans la famille n'a pas duré très longtemps après ça. Et j'ai été cataloguée « fille violente ».

Un peu de foyer et une nouvelle famille marquée par l'autorité et la discipline. J'ai découvert l'angoisse, l'anxiété au quotidien, la boule au ventre qui ronge l'énergie du matin au soir.

Le père était d'une sévérité incroyable : son physique en imposait, sa voix résonnait, et je sentais la violence dans ses gestes rapides quand il s'énervait contre une table, une chaise, le canapé et parfois contre sa femme. Je le sentais sur le fil du rasoir sans avoir jamais rien vu de réel, de physique. Ses jumeaux et sa femme ne mouftaient pas! La peur commençait à m'empoisonner à tel point que je préférais être à l'école. Une peur toxique dans l'attente d'un événement dramatique imminent.

Un jour il m'a demandé de babysitter les jumeaux tout un samedi après-midi lors d'une absence avec sa femme. Une fois partie, les monstres de 11 ans se sont déchaînés : c'était un espace rare de liberté dans une vie étouffante. Évidemment je n'avais aucune autorité sur eux d'autant plus que je vivais la même chose : une envie folle de me lâcher!

Pendant que les gamins jouaient au ballon dehors dans la boue puis dans la maison, les pieds crottés partout, je me goinfrais devant la TV, dévalisais le frigo, dansais sur la musique comme une petite folle déchaînée et sans aucune conscience du résultat de ce lâcher-prise.

3 heures plus tard, la maison était ravagée : moi je m'étais occupée du frigo, de la cuisine et du canapé, les jumeaux du reste de la maison... Et j'avais testé du sirop pour dormir offert par les garçons, mmmh sucré et planant... autant dire que j'étais pas fraîche.

Jusqu'à ce que ça sente la fumée de cigarettes, puis le brûlé... j'ai alors remarqué de la fumée venant des chambres. Je suis allée voir, j'ai croisé les jumeaux qui sortaient de la chambre des parents, tout honteux. J'ai jeté un œil... le cauchemar : une poubelle en feu était en train d'embraser les rideaux!

J'ai fermé la porte. J'ai pris les gosses par la main et je les ai fichus dehors avant de me rendre chez la voisine pour appeler les pompiers en pleurs.

15 mn plus tard, les pompiers débarquaient, défonçaient la porte de la chambre pour découvrir que les rideaux avaient flambé sans autre dégâts. Et bien sûr les parents sont rentrés plus tôt pile au moment du départ des pompiers. Les parents ont serré leurs jumeaux tendrement sans même faire attention à moi. Cette trêve dura quelques secondes avant que le père sévisse...

Il m'a hurlé dessus prétextant que j'étais presque une adulte par rapport à eux et que j'étais dans tous les cas seule responsable. Puis il a voulu connaître le fin mot de l'histoire en nous réunissant de force sur le canapé enduit de chips. Je ne suis pas du genre à la délation mais face à un tel ogre, je n'ai pas traîné à balancer :
- C'est les jumeaux ils ont foutu le feu dans votre chambre.
- Non c'est pas vrai, elle ment! répondit illico un des deux.
- Elle a fumé une de tes cigarettes... , répondit l'autre du tac au tac.
- Avant de la jeter dans la poubelle qui a pris feu!
- Han les menteurs! trouvai-je lamentablement comme argument.

Face à ce foutoir, il a monté en pression, encouragé pour une fois par sa femme. Il nous regardait tour à tour furieux, puis a levé la main prêt à nous gifler à tour de rôle. Il a fait mine de battre un des jumeaux qui s'est recroquevillé, puis s'est rapproché de moi et a amplifié son geste. La gifle est partie mais je me suis jetée en arrière dans un élan de survie. Puis j'ai fui dans ma chambre en sanglotant de peur. Cette violence faisait écho à quelque chose d'indicible, de flou, de traumatisant.

Le père tenta d'ouvrir la porte mais je l'avais fermée à clé. A l'époque je disposais d'un petit téléphone portable offert par la famille. Ça ne pouvait plus durer, j'ai appelé Rondin en urgence en lui demandant de me sortir de là. Le père qui continuait à s'acharner sur la porte entendit la conversation et finit par abandonner.

Quand Rondin est arrivée, j'étais prostrée. Je n'osais même pas ouvrir la porte. Après un quart d'heure, je me résignai tremblante à affronter le monde. Je me suis jetée dans ses bras, et elle a compris que quelque chose n'allait pas.

La mère caressait le visage de ses fils et me foudroyait du regard au loin. Et le père rejetait toute la faute sur moi : « elle a fumé, elle a mis le feu, c'est une pyromane! ». La mère ajoutant : « on ne s'est absenté qu'une heure »

En partant je leur ai hurlé à la figure entre deux sanglots : « vous savez que j'ai rien fait à part mettre des chips sur le canapé! J'ai rien fait. Je fume pas, c'est vos fils là que vous terrifiez à longueur de journée qui ont besoin de se défouler »

Heureusement que Rondin était là, je me sentais protégée et libre de parler pour la première fois. Ma valise était faite, 5 minutes plus tard je quittais cet enfer pour de bon. C'était en décembre 2011... il y a moins d'un an.

29 octobre 2012

LUNDI 29 OCTOBRE 15h30 : FONDATIONS

L'intérieur du blouson est en loques, je suis désemparée. Le Newrock a fini dans une friperie : c'est ce que le Vieux a balancé pour clouer le bec de la Vieille. Elle n'avait pas préparé de repas aujourd'hui, oubliant sûrement que c'était les vacances...

Tu parles d'une famille d'accueil. Mais avec mon passé je ne trouverai pas mieux, je suis un déchet de la DDASS à mon âge.

Et pourtant je n'ai pas l'impression d'y être pour grand chose. Les circonstances ont décidé à ma place. Un concours, une addition sans soustraction.

J'ai des souvenirs flous des premiers foyers, des premières familles, tout se mélange. Et il n'y a personne pour combler ces trous, ces manques, ces absences contrairement à tous les autres enfants dont les premiers souvenirs se construisent grâce au rappel permanent des parents et des grand-parents, des photos jaunies, des albums collants. Moi je ne pouvais pas compter sur les autres pour insérer ces briques manquantes, je devais déjà continuer et enchaîner sans cesse la construction du haut du mur, sans avoir de soutien pour colmater les fondations.

Du coup, mon mur de vie ressemble à un gruyère surtout en bas. Et celui-ci tremble à chacun de mes pas, de mes gestes et menace de s'effondrer régulièrement. Un travail de cochon, le maçon n'a pas eu son BEP de vie, ça c'est sûr. La seule personne qui revient souvent c'est la mère Rondin. Enfin « souvent », c'est relatif... on va dire celle qui reste quand tout s'efface!

Mes souvenirs se précisent vers l'âge de 10 ans, fin du CM2, début de la 6ème : c'est un âge où on prend conscience de soi et des autres, de son image, de l'image que les autres nous renvoient. Et il y a quelques surnoms qui sont indélébiles : le saucisson pur porc comme on l'aime chez nous, Velouté Fruix zzzzzzzz, Nutella. Tiens j'ai jamais eu droit à Bouboule, la Grosse, le Boudin... il faut croire que j'ai grandi dans un milieu subtil.

Il y a eu la banlieue lointaine, puis la banlieue proche, aujourd'hui la Capitale. Tiens je « suis montée à la Capitale » ! Une ambition? Lol Une réussite? Grmpf.

J'ai depuis toujours des habitudes de solitude alors que quand on est enfant il n'y a pas de barrières. Ben moi j'en ai toujours eu : j'ai longtemps pensé que j'étais une « handicapée ». Parce que pas comme les autres, pas d'attache, pas de parent, pas de frère et sœur, pas d'histoire à raconter le lundi matin ou au retour de vacances. Une fuite permanente pour effacer le court terme, en construire un nouveau et le remettre à la poubelle aussi vite de peur de s'attacher ou de souffrir.

Des foyers glaciaux, où mes camarades me faisaient peur : ces endroits là sont garnis de « petits durs » que l'orphelinat a « tanné ». Alors pourquoi pas moi? Je me suis bien construit une carapace avec le temps, mais ce qu'il y a derrière est extrêmement fragile et peureux.

Des familles d'accueil « usine » garnies de vrais et de faux enfants. Pour durer, il faut savoir se faire accepter et aimer. Moi j'ai toujours généré de la méfiance, de l'indifférence. Rien pour signer un contrat longue durée. Quand quelqu'un devait sauter c'était moi. Quantité négligeable.

En vieillissant, je réalise que je me suis attachée parfois : une grande sœur bienveillante, un papa attentif, une maman câlin, un chat qui ronronne. Mais malheureusement, plus en tant que spectatrice : la grande sœur veillait sur son petit frère, le papa riait avec sa fille, la maman câlinait son petit garçon, le chat se frottait à toute la famille sauf moi. Oui en les voyant s'aimer, on s'attache comme à des personnages de série. Ils ne nous voient pas, mais nous on les voit tout le temps. Au départ être spectateur fait du bien à l'âme, puis la frustration naît. On ne peut pas que rêver sa vie. Et là un visage sombre apparaît : la petite jalouse, l'ado agressive, la gamine envieuse. Une vie quotidienne qui devient difficile pour les autres : au début on n'existe pas dans la paix, puis on se met à exister dans la guerre. Et la famille se lasse, la petite grosse aussi, à force de ne pas goûter à ce dont elle rêve. On finit par ne pas l'aimer avant même d'avoir eu le temps de l'aimer un peu.

Cette situation aurait pu continuer comme ça. Mais vers la 3ème, vers 13-14 ans, la féminité s'exacerbe, la barbe pousse, les hormones se mettent à contrôler les interactions et tout se dérègle. A ce moment la petite grosse asexuée devient l'ado grosse et moche d'aujourd'hui. Et ainsi naît Sarah qui finalement n'a que 3 ans d'existence dans cet état.

Mes seins ont poussé, mes fesses, mes joues. Les garçons se sont mis à parler filles, petites amies, drague, pénis, capotes, puis « loches, bites et chatte ». Et certains se sont mis à toucher sans qu'ils y soient invités. Et là tout bascule...

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16 ans, grosse & moche!
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